Depuis le passage à un régime de change flexible, le Dirham est quasi stable par rapport à l’Euro et au Dollar. Mais attention à l’appréciation face aux devises émergentes.
En scrutant l’évolution du Dirham par rapport à l’euro ou au dollar, on remarque que depuis le passage vers un régime de change flexible, soit le 15 janvier 2018, une quasi-stabilisation de la monnaie nationale. Les derniers chiffres publiés par BAM montrent que le dirham s’est apprécié de 0,2% par rapport à l’euro et s’est déprécié de 0,4% vis-à-vis du dollar au cours de la période allant du 25 au 31 octobre 2018.
Donc aujourd’hui les appréhensions des opérateurs économiques, des faiseurs d’opinion et même des pouvoirs publics relatives au basculement vers une politique de change flexible ne revêtent aucune importance.
Ces appréhensions avaient pour lame de fond la crainte d’un éventuel impact des fluctuations des marchés de change sur la monnaie nationale. Au moment où le Ministère de l’Economie et des Finances a décidé une réforme de change, où la parité du dirham est déterminée à l’intérieur d’une bande de fluctuation de plus ou moins 2,5% contre plus ou moins 0,3%, il était inconcevable que le contrôle des capitaux demeure aussi contraignant. Le leitmotiv de la réforme est surtout de renforcer la résilience de l’économie nationale face aux chocs exogènes, de soutenir la compétitivité et d’améliorer son niveau de croissance. Elle devrait par ailleurs accompagner les mutations structurelles qu’a connues l’économie marocaine durant ces dernières années essentiellement en matière de diversification et d’intégration à l’économie mondiale.
Aujourd’hui face à une économie internationale en pleine effervescence marquée par un ralentissement de la croissance économique dans la zone euro quelle appréciation pouvons-nous faire de la politique de change au Maroc ? Stéphane Colliac, économiste à Euler Hermes répond : « D’un côté, c’est une bonne chose parce que la stabilité rassure. La réforme a été maintes fois reportée justement à cause du risque d’une dépréciation conséquente. Aujourd’hui, on remarque qu’il n’y a pas d’accélération d’inflation ».
L’appréciation de la monnaie nationale pourrait nourrir une problématique de compétitivité qui ne serait pas exempte d’impact sur les exportations marocaines. Il rappelle à ce titre que le processus d’industrialisation dans lequel s’est engagé le Maroc au cours des dernières années s’est traduit pour une ouverture plus accrue de son économie. Le Maroc s’est spécialisé sur des biens très concurrencés dont les coûts salariaux et le taux de change sont primordiaux.
Toutefois, Stéphane Colliac tempère ses propos : « Le fait que le taux de change bouge et soit flexible, est un élément important parce que derrière il y a un risque. Les entreprises se couvrent contre un éventuel risque de dépréciation forte. En cas de stabilité, on remarque un certain endormissement ». Il est donc important pour les entreprises d’acheter des instruments de couverture même si la monnaie nationale est stable par rapport à l’Euro et au Dollar pour se prémunir en cas de risque. Les couvertures s’avèrent également nécessaires dans un contexte où des économies émergentes telles que la Turquie qui souffre des délais de paiement extrêmement longs ou de la Chine avec un ralentissement de la croissance en cours, des risques qui pourraient se traduire par des pressions sur les changes des deux pays en question. Un taux de change stable par rapport à l‘euro et au dollar serait un taux de change haut par rapport aux devises émergentes.
C’est toute la compétitivité de l’économie qui est en jeu. Elle l’est d’autant plus si l’on considère que les exportations certes sont dynamiques mais peinent à générer de la valeur à cause d’une compétitivité sous pression.