Le Covid-19 a provoqué un tel séisme pour les économies du monde, que tous les Etats ont tenté bon an mal an de lisser ses effets sur les ménages et les acteurs économiques. Cette riposte a différé d’un pays à l’autre avec un dénominateur commun : la dette et du déficit du compte courant ont contribué à la réduction de l’effort de relance dans les pays émergents.
L’analyse déterminants macroéconomiques de l’effet de relance face aux effets du Covid-19 a fait l’objet d’un document de recherche publié ce jour par Bank Al-Maghrib.
Les auteurs de ce document, Saida Hajjaji et Kamal Lahlou, respectivement économiste-chercheuse au Département Recherche de Bank Al-Maghrib et responsable du Service Analyse des Politiques Publiques au Département Recherche de BAM, ont examiné les données relatives à 86 pays émergents et en développement dont le Maroc.
Les résultats ont montré que des niveaux élevés de la dette et du déficit du compte courant ont contribué à la réduction de l’effort de relance. En revanche, la sévérité de la récession économique observée en 2020, le nombre de cas de contaminations et l’indice de développement humain ont concouru à l’augmentation de l’effort de relance.
L’examen des mesures par catégories de pays, a montré que pour les pays avancés, l’effort de relance durant l’année 2020 et l’année 2021 s’élève à près de 18% du PIB. Le soutien aux familles et aux entreprises est la source de dépenses la plus importante avec une moyenne de 10,3% du PIB, il est suivi des garanties du crédit (6%) et de la santé (1,6%).
L’Italie et le Royaume-Uni sont considérés comme les économies avancées qui ont le plus dépensé durant la crise sanitaire avec des enveloppes respectives en pourcentage du PIB d’environ 46% et 36%. Les autres pays à l’instar des Etats-Unis, la France et l’Espagne ont consacré un effort de moins de 30% du PIB. Les pays émergents et en développement ont dépensé en moyenne presque 7% du PIB.
La structure de l’effort est proche de celle des pays avancés avec une part de 3,9% dédiée au soutien des familles et des entreprises, elle est suivie par les garanties du crédit avec une contribution moyenne de 1,9% du PIB, puis viennent enfin des dépenses de 1,3% pour la santé.
S’agissant des pays à faible revenu, bien que l’effort de relance soit situé en moyenne à 3,5% du PIB, il a également été consacré en grande partie au soutien des familles et des entreprises (2,2%), à l’amélioration des capacités d’accueil des structures de santé (0,9%) et aux mécanismes de garantie des crédits (0,4%).
Des disparités notables existent également au sein de cette catégorie de pays, à titre d’illustration la Mauritanie a consacré près de 5% du PIB à la relance de l’économie, alors que la Côte d’ivoire et le Nigeria ont mis en œuvre des mesures estimées à 2,5%.
En s’intéressant de plus près à un échantillon réduit de pays de comparaison (Égypte, Jordanie, Tunisie, Afrique du Sud, Pologne, Malaisie, Turquie, Maroc, Hongrie, Chili et Pérou), il s’avère que les disparités au niveau de l’effort budgétaire sont aussi importantes.
Ainsi, cet échantillon de pays peut être scindé en trois sous-groupes. D’une part, le Pérou, la Hongrie et le Chili ont proposé des plans de relance compris entre 12% et 20%. Pour le deuxième groupe qui est constitué de l’Afrique du Sud, Pologne, Malaisie, Turquie et le Maroc, les plans proposés oscillent entre 6% et 10%.
Enfin, le troisième groupe qui est composé de l’Égypte, la Jordanie et la Tunisie, a mis en place des plans de relance qui se situent autour de 1% et 3%. Les différences significatives entre les économies de différents stades de développement ou affichant des niveaux de revenus relativement comparables, suscitent avec acuité des interrogations sur les facteurs économiques et sociales à l’origine de ces disparités
Les résultats ont ainsi révélé qu’au niveau de l’environnement macroéconomique pré-crise sanitaire, la dette et le déficit du compte courant sont des contraintes majeures au regard de leur signe négatif qui signifie que c’est un déterminant qui a contribué à la réduction de l’effort de relance.
En effet, les pays surendettés ou souffrant d’un déséquilibre au niveau de la balance des paiements, n’ont pas pu suffisamment soutenir leurs économies faute de marges de manœuvre budgétaires et par crainte d’exercer davantage de pressions sur les réserves de change dans un contexte international de crise, de perturbation du transport international et des chaines de production.
En revanche, la plupart des modèles ont montré que l’ampleur de la récession économique observée durant l’année 2020 a contribué à l’augmentation de l’effort de relance. Les pays disposant de capacités financières ont dû soutenir les ménages et les entreprises pour faire face à l’arrêt de leurs activités.
De même, la taille de l’économie informelle a davantage accentué les besoins d’aides dans la mesure où les travailleurs qui opèrent dans ces activités ne bénéficient pas de protection sociale (couverture médicale et indemnités de chômage).
A titre d’illustration, le Maroc dont l’économie informelle est estimée à environ 30% du PIB (Lahlou et al. 2020) a consacré une enveloppe budgétaire de 15,2 Mds de DH pour les ménages Ramedistes et Non-Ramedistes opérant dans le secteur informel. Au total, 5,5 millions de ménages dont 45% résidant au milieu rural ont bénéficié de ce soutien.
In fine, les pays émergents et en développement font face à des arbitrages difficiles dans un environnement hautement incertain. D’une part, une réponse vigoureuse et de grande envergure est nécessaire pour stimuler la croissance et la création d’emploi, apporter un soutien aux groupes de population vulnérables et atténuer les impacts de long terme des chocs mondiaux de ces deux dernières années.
En effet, les répercussions sociales de cette crise ont réaffirmé l’importance de la consolidation des filets sociaux à l’instar de la couverture médicale et des allocations chômage pour perte d’emploi. Plusieurs familles se sont retrouvées dans une situation de grande précarité ce qui a nécessité de la part des gouvernements une mobilisation rapide pour soutenir les populations dont les sources de revenu proviennent généralement des activités informelles.