Le Centre marocain de conjoncture a révisé à la baisse ses prévisions en prenant en considération de nouvelles informations relatives aux conséquences de la crise. Le CMC estime la récession à un taux de -4,3% en 2020. Face à cette situation macabre, comment assurer la relance ?
Bien qu’elle soit vue d’un bon œil par nombre de citoyens, la prorogation de l’état d’urgence sanitaire entraînera une exacerbation de la décroissance attendue en 2020. Pas seulement. Elle empêchera les activités lors de la reprise au second semestre de compenser les décalages de production enregistrés au cours des premiers mois de l’année. Dans une récente analyse, les conjoncturistes considèrent le choc économique tellement fort qu’il risque de dépasser l’année en cours pour s’abattre sur l’exercice 2021. En tout cas pour 2020, il est prévu un taux de décroissance de -4,3%.
« La crise économique est donc bien installée et ses conséquences ne s’atténueraient pas de sitôt. L’économie mondiale va certainement continuer à encaisser les coups de cette crise Inédite », alertent les analystes du Centre marocain de conjoncture.
Dans ce contexte morbide du Covid19, la réduction des effets de la crise passe inéluctablement par une propagation minimale du virus pour éviter une seconde vague de la pandémie. En effet, bien que les institutions épidémiologiques soient confiantes quant au début de la fin de la pandémie vers le mois de juillet et les organisations économiques pour un rebond substantiel de l’économie en 2021, les conjoncturistes restent sceptiques. Il est, d’après eux, urgent pour véritablement sortir de cette crise inédite que des stratégies conséquentes se mettent en place pour soutenir les entreprises et trouver d’autres organisations et des modes de production susceptibles de faire face à terme à ce genre de crise et aussi pour apporter un fort appui à la demande qui souffre d’une atonie sans pareille.
A ce titre, ils préconisent deux orientations essentielles à mettre incessamment en place :
Des actions et mesures d’urgence pour créer un contrechoc et essayer d’inhiber le profond creux provoqué par l’arrêt des activités, les pertes de revenus et l’exacerbation du chômage ;
Etablir une nouvelle vision et un modèle de développement qui prendraient en considération les enseignements tirés de cette douloureuse expérience et élaborer des plans stratégiques à terme dans une cohérence globale.
A noter que le Centre marocain de conjoncture a révisé à la baisse ses prévisions en prenant en considération de nouvelles informations relatives aux conséquences de la crise. S’il y a quelques semaines, il est prévu une décroissance de -3,8%, aujourd’hui il estime la récession à un taux de -4,3% en 2020.
Dans l’urgence…
Face à ce résultat déplorable, les mesures à prendre d’urgence, selon les analystes, commenceraient tout d’abord par adopter une politique budgétaire plus agressive qu’à l’accoutumée et au-devant de l’ampleur des problèmes du moment et ce à travers une loi de finances rectificative. La LFR consiste à soulager les entreprises et la consommation des ménages sur la base de plans de relance coordonnés :
Augmenter d’une manière significative le budget du ministère de la santé en priorité absolue et celui des secteurs sociaux ;
prévoir des abattements sur les charges sociales et l’impôt sur le revenu et des moratoires sur le paiement des impôts ;
permettre le rééchelonnement ou un différé de paiement des crédits bancaires ;
renforcer encore plus le soutien par des prix préférentiels des inputs et des investissements de l’agriculture (semences, engrais, achats de d’engins agricoles…) ;
A partir du travail de recensement effectué auprès des personnes ayant l’AMO et celles qui sont en dehors, il serait possible de généraliser la couverture médicale à l’ensemble de la population et en profitant cette nouvelle base de données actualisée qui a permis la distribution des aides de subsistances, étudier la possibilité à partir du mois de juillet de transformer cette aide accordée aux ménages en un système pérenne de primes de chômage. En plus d’un grand assouplissement de la politique budgétaire qui ne s’embarrasserait pas de contraintes théoriques sur la soutenabilité, la politique monétaire devrait se montrer plus accommodante et innovante que ce qui a été fait à ce jour.
Dans le cadre de ses politiques d’accompagnement, la levée du confinement pourrait s’opérer par région et par province sur la base du niveau du taux de reproduction. Ainsi pour toutes les collectivités dont le Rt est inférieur à 0,5, le déconfinement resterait possible dans le respect des barrières sanitaires.
Dans le moyen terme
Pour les stratégies à moyen et long terme, il est proposé quelques grands axes pour faire avancer la réflexion sur le devenir de notre pays après cette traversée du désert.
Parmi les axes déclinés dans ce qui suit il y a certaines orientations qui sont l’émanation anticipative des pouvoirs publics et qu’il est judicieux de renforcer et d’accélérer la mise en œuvre dans le cadre de ces stratégies. Ainsi en préambule à l’élaboration des stratégies, il y a lieu d’accélérer les travaux de la commission spéciale sur le modèle de développement dont les résultats détermineront les contours du projet de société souhaité avec plus de précisions et de détails.
La réhabilitation de l’Etat : Après cette crise profonde, un retour à plus d’Etat est attendu pour la promotion des secteurs sociaux, la prise en charge des activités stratégiques et pour un accompagnement du secteur privé conditionné par une gestion économique efficiente.
Priorité aux secteurs sociaux : L’expérience et les enseignements tirés de la propagation du covid19 ont montré d’une manière flagrante que le Maroc n’était pas suffisamment armé pour parer à ce genre de fléau et à mesurer les défaillances qui existent dans notre système pour protéger les citoyens et leur bien être. Aussi les stratégies à proposer devraient intégrer comme priorités fondamentales le développement des secteurs sociaux : santé, enseignement, emploi, sécurité sociale et autres domaines connexes.
R& D : L’urgence de contrecarrer la pandémie a fait découvrir le potentiel en matière de recherche scientifique lorsque les centres de recherche des universités et les entreprises collaborent et coordonnent leurs travaux. Les activités liées à la recherche et aux nouvelles technologies doivent occuper une place prépondérante dans les modifications attendues des structures productives.
Conciliation des facteurs de croissance : Pour relever le rythme de croissance à l’image des pays émergents, une conciliation harmonieuse et un partage équitable doit s’instaurer entre le capital et le travail sous forme de contrat social ou d’accord collectif concerté entre les parties prenantes (les travailleurs, les entreprises, les syndicats et l’état). Les travailleurs fourniraient les efforts nécessaires pour booster la productivité et seraient rémunérer en conséquence et les entreprises associeraient les salariés aux résultats financiers dégagés.
Développement rural : Le monde rural est une station incontournable de l’économie du Royaume et aussi un facteur porteur pour l’avenir. La priorité est à accorder aussi à un développement d’un monde rural en rupture avec ce qui a été fait jusqu’à aujourd’hui. Il doit réconcilier l’être humain, l’environnement et la productivité des activités économiques durables. Cet espace de vie dont l’importance se mesure à l’aune de sa population et du territoire qu’il occupe doit bénéficier de toutes les accessibilités en matière de services de santé, d’enseignement et de loisirs susceptibles de créer une attractivité du milieu et de maintenir la population sur place voire inverser à terme le sens de l’exode.
Renforcement de l’intégration régionale : En matière de coopération économique internationale, le choix de coopération Sud-Sud comme vecteur d’émergence principalement avec les pays subsahariens (en attendant une détente éventuelle pour la construction du Maghreb) constitue un atout considérable à renforcer. Par la même occasion et à la suite des changements profonds dans la restructuration des économies du monde provoqués par la crise, une révision des accords de libres échanges déjà établis s’impose pour préserver un commerce équitable entre les parties prenantes.
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