Les opérateurs économiques remuent leurs méninges et les agriculteurs se grattent la tête. Le retard des pluies inquiète à plus d’un titre et complique une situation qui présente déjà des signes d’essoufflement. Il donne du fil à retordre aux différentes institutions (BAM, HCP, CMC…) qui font et refont le calcul du PIB.
Les dernières pluies ont-elles apporté du baume au cœur des agriculteurs ou encore des Marocains ? Pas tellement. La dépendance de notre économie aux aléas climatiques est un secret de polichinelle. En dépit des efforts déployés au cours des dernières années, le PIB reste fortement dépendant de la valeur ajoutée agricole à telle enseigne que l’on se demande à tort ou à raison : à quoi a bien servi le Plan Maroc Vert qui a mobilisé des fonds colossaux pour développer l’irrigation et réduire la dépendance du secteur de l’agriculture de la clémence du ciel ? Comme chaque année, les conjoncturistes font et refont le calcul de la croissance du PIB au gré de la météo. Il semble apparemment que 2020 ne déroge pas à la règle et ne se présente pas sous de bons auspices. En cause le retard accusé actuellement par les pluies.
L’optimisme béat du HCP
Les dernières prévisions relatives au premier trimestre 2020 livrées par le HCP annoncent que la valeur ajoutée agricole devrait progresser de 6,8%, en variation annuelle, sous l’hypothèse du retour d’une pluviométrie favorablement répartie sur les régions agricoles notamment au cours des mois de février et mars 2020. Elle appuie par ailleurs ses prévisions par l’ajustement technique dont devraient bénéficier les superficies semées, notamment celles consacrées aux céréales, aux légumineuses et aux fourrages. Elle serait toutefois caractérisée par le repli de certaines récoltes automnales, comme les arguments. En se basant sur ces données conjuguées à une hausse de 2,8% de la valeur ajoutée non-agricole, la croissance économique nationale serait de 3,3% au premier trimestre 2020. Un taux de croissance qui reste, malgré ces prévisions très optimistes, insuffisant pour faire face aux défis sociaux qui pèsent lourdement sur l’économie.
Un taux de remplissage des barrages inférieur à 47,6%
En regardant de près, les derniers indicateurs publiés par la DEPF, il ressort que le cumul pluviométrique de la campagne agricole 2019/2020 a atteint 124,5 mm, au lieu de 199,5 mm à la même date de l’année précédente, soit une baisse de 37,6% par rapport à la campagne précédente et de 13,6% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Pis encore, le déficit pluviométrique au début de l’actuelle campagne a caractérisé la majorité des régions du Royaume pour donner lieu à un taux de remplissage des barrages à usage agricole de 47,6% au lieu de 60,2% il y a une année.
D’après le Centre Royal de Télédétection Spatiale (CRTS), le couvert végétal a été marqué à la fin du dernier mois de l’année 2019 par une situation moyenne à faible dans la majorité des régions agricoles du Maroc, à l’exception des régions de Tanger-Tétouan-Al Hoceima et Rabat-Salé-Kénitra où une amélioration a été observée au cours du mois de décembre 2019. La comparaison de la saison en cours avec celle de l’année dernière montre une situation globalement similaire à légèrement inférieure dans les régions de Beni Mellal-Khenifra, Marrakech-Safi et Souss-Massa.
Ces données ne sont pas de bon augure et commencent à inquiéter aussi bien le monde rural que celui des affaires. Elles ne font qu’empirer la situation économique qui faut-il reconnaitre laisse à désirer. Inutile de rappeler qu’au cours de l’année 2019, le déficit du Trésor n’a cessé de se creuser pour se situer à 42 Mds de DH à fin novembre 2019. Et ce malgré les recettes de privatisation. « Compte tenu d’un besoin de financement de 47,9 MMDH et d’un flux net positif du financement extérieur de 13,4 MMDH, le Trésor a eu recours au financement intérieur pour un montant de 34,5 MMDH », font savoir les derniers chiffres publiés par la TGR. Autrement dit, le reversement de la tendance n’est pas pour sitôt si on se fie à de telles données.
la croissance reste tout de même très conditionnée par les pluies des mois de février et mars qui pourraient sauver un tant soit peu la campagne agricole. Ce sont là autant de constats qui suscitent des interrogations quant à la pérennité de la dynamique économique engagée depuis plus d’une dizaine d’années et ses capacités de renouvellement. D’où l’urgence d’un modèle de développement économique qui ne doit pas faire fi des contraintes et incohérences inhérentes à la configuration actuelle de la croissance économique.
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