La polémique suscitée autour de l’ALE avec la Turquie ou à moindre échelle celle de l’enseigne BIM met en exergue une fois de plus la fragilité de notre tissu économique. Mais pas que. Elle a fait apparaître des signes de désaccords au sein du gouvernement et de désolidarisation de la société envers les produits locaux. Et pourtant, défendre les intérêts de notre économie face à un pays qui a réussi son décollage économique, est une question qui ne doit même pas être posée.
Cela ne veut pas dire que tout est beau dans notre pays. Loin de là. Plusieurs défis restent à relever entre autres la compétitivité de notre industrie, de nos produits et de l’offre Maroc en général. Plusieurs dysfonctionnements doivent être résolus notamment le manque d’innovation de l’industrie marocaine, la faible attractivité du produit marocain, l’absence de champions nationaux, la mauvaise gouvernance dans la gestion des entreprises…, et on en passe.
Ce n’est pas pour prendre la dépense de Moulay Hafid Elamaly qui a ouvert cette boîte de Pandore, mais le ministre n’a fait que ce qui devait se faire au risque de voir des pans de l’économie s’effondrer. Sa réaction est tout à fait légitime.
Il faut rappeler que la révision des ALE est une question qui se pose depuis déjà quelques années sans qu’aucun gouvernement n’ait le courage d’enclencher le processus.
Jusqu’à quand allons-nous nous lamenter sur le sort de notre économie et de notre balance commerciale toujours déficitaire avec tous les pays signataires des ALE ? Jusqu’à quand allons-nous prendre en otage notre économie sous prétexte que la révision de certains Accords est complexe et pourrait compromettre notre relation avec nos partenaires ? Jusqu’à quand allons-nous autoriser la perte de milliers d’emplois ?
Notre industrie n’est pas compétitive. On n’en disconvient pas. L’Etat est responsable de la situation de l’économie marocaine. C’est une évidence. Les entreprises, qui ne cessent de broyer du noir, ont une grande part de responsabilité puisque durant de longues années, elles se sont habituées à des situations de rente et du coup, elles n’arrivent toujours pas à s’ouvrir à l’international et à affronter la concurrence féroce (Inde, Chine, Turquie…) pour se limiter juste aux pays émergents.
Mais, ce n’est pas pour autant qu’il faut rester les bras croisés, il est temps de stopper l’hémorragie et mettre en place les mesures idoines.
Il est temps de prendre des décisions politiques courageuses et correctives pour défendre notre économie. Et si ça doit passer par la révision voire même la suspension d’un Accord, autant le faire.
Pour le cas de la Turquie, le prix à payer pour un accord mal négocié et déséquilibré se chiffre à environ 20 Mds de DH. Pis encore la Turquie est un pays qui investit au Maroc seulement 1% des IDE.
Mais ce qui fait le plus mal, et c’est la face cachée de l’iceberg, c’est que la Turquie concurrence le Maroc sur les produits à l’export notamment dans le secteur du textile. C’est d’ailleurs la goutte qui a fait déborder le vase. A noter que les exportateurs de textile marocain ne sont pas au bout de leur peine. L’un des principaux clients du Maroc, Inditex, qui représente 55% des exportations textiles marocaines, est en train de dévier ses commandes vers la Turquie.
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Les conséquences sur l’emploi, le secteur du textile et l’économie risquent d’être trop lourdes. Pour donner un ordre de grandeur, la perte d’emploi dans le textile est passée de 19.000 emplois en 2014 à 44.000 emplois en 2017 totalisant 122.000 emplois en 4 ans. Un chiffre qui continue à grimper. C’est ce qui explique les raisons ayant poussé le ministre à sortir ses griffes pour défendre les intérêts économiques du pays.
Ce qui n’est pas compréhensible, c’est la réaction de certains députés qui ne semblent pas être d’accord avec cette décision judicieuse. Une position ayant exaspéré MHE qui a menacé ce mercredi lors de la réunion de la commission des secteurs productifs de démissionner si certains politiciens continuent de compromettre les négociations complexes qu’il mène pour la révision de l’accord de libre-échange avec la Turquie. Car faut-il rappeler que les concernés à savoir les Turques ont bel et bien accepté de revoir ledit Accord. Mais nous n’en savons rien encore sur les termes du nouvel accord.
Le Maroc est dans son droit de protéger son économie et de corriger les erreurs du passé. Mais il ne faut pas non plus prendre le consommateur en otage et lui imposer de consommer des produits qui, comparativement à nos amis turcs, sont de bien moindre qualité. Aussi pour le textile, les industriels marocains qui ont fait leurs preuves tout en s’orientant vers l’export devraient revoir leur carte et se concentrer sur le marché local avec des produits de qualité à des prix compétitifs.
Parce qu’une telle décision notamment revoir un ALE ou imposer des règles à BIM ne serait pas sans impact sur les investisseurs étrangers potentiels qui pourraient être dans le doute et ne pas faire confiance à la réglementation en vigueur au Maroc.