Ecrit par Imane Bouhrara |
Le Conseil de sécurité a reporté à vendredi le vote de la résolution sur le dossier du Sahara marocain, après l’opposition de la Russie à la mouture rédigée par les Etats-Unis. Il n’en a pas fallu moins pour laisser libre cours à différentes interprétations. L’analyse.
Comme en 2014 ou en 2016, la Russie a opposé son véto au projet de résolution sur le mandat de la Minurso au Sahara Marocain. Cette année encore, le 27 octobre plus précisément, la Russie s’est opposée à la mouture de cette résolution rédigée par les Etats-Unis obligeant au report de son vote au vendredi 29 octobre. Ce qui ouvre la voie à plusieurs supputations. Surtout avec le déclenchement de la machine médiatique algérienne.
Mais venons-en aux faits particulièrement marquants sur ce dossier à la traîne depuis des décennies.
Trois changements majeurs méritent d’être cités à savoir l’incident de Guergarate en novembre 2020, la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les Etats-Unis en décembre 2020 et la rupture unilatérale des relations diplomatiques entre Alger et Rabat en août dernier.
Sans oublier de mentionner la nomination Staffan de Mistura en octobre 2021 en tant qu’envoyé spécial du SG de l’ONU au Sahara ou encore le rapport du SG sur la situation dans la région et qui accable sérieusement le polisario. Notamment les restrictions de déplacement qu’il oppose aux membres de la MINURSO.
Dans un tel contexte de tension à son paroxysme, avec la rupture du Cessez-le-feu par le polisario et les manœuvres de l’Algérie qui a annoncé son retrait des tables rondes des négociations pour la résolution de ce différend qui date de 1975 et qui prend en otage l’intégration économique et la stabilité de toute a région, le projet de résolution renferme au moins deux points qui expliqueraient la position de la Russie.
« Plusieurs pays membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies ont fait barrière à une lettre signée par un lobby algérien à New York qui demande aux USA, le porte-plume de la prochaine résolution, que les questions des droits de l’homme soient ajoutées à la mission de la MINURSO… La Russie et la Chine et la France sont parmi les pays membres du Conseil de sécurité qui continuer de repousser cette tentative », explique Cherkaoui Roudani, expert en études géostratégique et sécuritaire.
Les signataires sont Bernie Sanders (Indépendant-Vermont), Cory Booker (Démocrate-New Jersey), Sherrod Brown (Démocrate-Ohio), Patrick Leahy (Démocrate-Vermont), James Inhofe (Républicain-Oklahoma), Cindy Hyde-Smith (Républicaine-Mississippi), Richard Durbin (Démocrate-Illinois), Michael Rounds (Républicain-South Dakota), Chris Van Hollen (Démocrate-Maryland), et John Boozman (Républicain-Arkansas).
La position américaine demeure ambiguë avec l’administration Biden, bien que l’expert Cherkaoui Roudani estime que les USA tendent vers le Statu quo donc la nouvelle résolution ira dans le sens de celle 25.48.
Pour ce qui est de la Russie, son opposition s’explique donc par son refus d’élargissement des missions de la MUNIRSO aux droits de l’hommes pour des raisons géostratégiques (Crimée et Syrie) mais aussi parce que le projet de résolution accable le polisario pour les événements de Guergarate et aussi parce que les paragraphes 6 et 8 du projet de résolution désignent l’Algérie comme partie prenante à ce dossier, soutient Cherkaoui Roudani.
En effet, la Russie mène ainsi des tractations pour que, contrairement à ce qui est en vigueur, les négociations se fassent directement entre le Maroc et le polisario. Donc s’aligne sur la position algérienne. D’autant que la veille de ce vote, l’envoyé spécial chargé du dossier du Sahara en Algérie, Amar Belani, s’est entretenu au téléphone avec le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Vershinin.
La position de l’Algérie est juste irrationnelle ou comment expliquer son blocage des différents candidats d’envoyé personnel du SG de l’ONU pour la Sahara ? Et les paradoxes sont légion, qu’il faudrait y consacrer une thèse doctorale !
Malgré cela, « la Russie reste pragmatique », soutient Cherkaoui Roudani. Au pire des cas, elle votera l’abstention dans un contexte où sur les 15 membres qui composent le Conseil de sécurité la France a une position favorable au Maroc, idem pour le Nigeria, alors que les Etats-Unis planchent plus sur le statu quo quoi que le pays de l’oncle Sam tacle aussi bien la Russie que la Chine par cette mouture (Crimée et Tibet).
L’Inde reste neutre au moment où l’Estonie s’aligne sur la position de l’ONU, le Royaume-Unis peut également jouer la neutralité au lieu de s’aligner sur la position des USA ou encore la Tunisie qui, membre non permanent, fait un double jeu et dont il ne faut pas attendre un soutien de la position marocaine…
Bien évidemment, le topo s’éclaircira dès vote de cette résolution qui va probablement proroger le mandat de la MINURSO à fin octobre 2022, et les membres du Conseil demanderont aux parties (Maroc-Algérie-Mauritanie et polisario) de reprendre les négociations sous les auspices du Secrétaire général, sans conditions préalables et de bonne foi, en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable.
In fine, le travail du Conseil de sécurité reste largement dépendant du jeu d’équilibriste entre les différentes puissances mondiales, reléguant à niveau secondaire le droit international ou les intérêts des pays qui sont directement concernés par ces résolutions. Et surtout des violations des droits des séquestrés des camps de Tindouf.
Staffan de Mistura pourrait-il dans de telles conditions faire avancer les pourparlers ? Autant dire que c’est très mal parti.