Ecrit par Lamiae Boumahrou |
Face au mutisme de l’Etat, des voix se lèvent pour dénoncer la décision du couvre-feu durant le mois de Ramadan et ses répercussions sur une frange de la population travaillant dans l’informel et exclue du système. Qu’attend le gouvernement pour adopter des mesures et stopper l’hémorragie ?
14 jours après la décision gouvernementale d’instaurer un couvre-feu nocturne pendant le mois de Ramadan et toujours aucune visibilité sur les mesures de soutien aux personnes directement impactées par ces restrictions notamment celles travaillant dans le secteur informel. Un secteur qui représente plus de 30% du PIB national et que le gouvernement ne peut ignorer du jour au lendemain.
En effet, les plus touchés par la mesure d’arrêt de toute activité entre 20H et 6H du matin sont les marocains les plus démunis, les plus vulnérables, ceux qui gagnent leur vie au jour le jour… durant Ramadan pendant cette période de la journée (serveurs, femmes de ménage, gardiens, transporteurs…). Ils seraient 2 millions de personnes forcées d’arrêter de travailler sans plus.
Malheureusement cette population, exclue de toute couverture sociale, n’est pas concernée par les mesures de soutien prises par le gouvernement la veille du mois sacré et donc doublement pénalisée. Aucune alternative n’est en vue pour leur apporter ne serait-ce que le strict minimum. Bien au contraire, cette population a été laissée à la merci de ceux qui profitent de la situation pour atteindre leurs objectifs notamment électoraux à la veille des élections législatives.
Face au mutisme de l’Etat, devenu habituel, des voix se lèvent aussi bien sous la coupole du Parlement que sur les réseaux sociaux pour dénoncer cette politique d’autruche.
Lors de la séance hebdomadaire des questions-réponses à la Chambre des représentants, les députés ont interpelé Noureddine Boutayeb, ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur, sur les mesures que le gouvernement compte prendre pour soutenir cette frange de la population. Le ministre a précisé qu’il n’est pas du sort uniquement de son ministère de répondre à cette question mais de celui du gouvernement.
Il a toutefois précisé qu’afin de préserver les vies humaines, le gouvernement se trouve contraint de prendre des décisions urgentes, difficiles et douloureuses pour limiter les dégâts. « Devant ce choix cornélien, on se trouve devant une situation où le temps de la pandémie dépasse celui de l’économie ce qui se traduit par des contraintes économiques qui requièrent du temps pour les traiter », a-t-il précisé.
Mais c’est justement ce temps qui fait défaut et qui plonge davantage cette population dans la précarité et la pauvreté. Chaque jour des centaines de femmes avec enfants à charge, des personnes âgées et des hommes sans emploi font la file pour bénéficier du panier de Ramadan à cause de cette décision.
L’informel, une épine dans le pied du gouvernement
Le ministre délégué a précisé dans son intervention que le caractère informel de cette population complique l’adoption de mesures adéquates en sa faveur. Une réponse qui ne convainc pas puisque le Maroc avait suffisamment de recul, un an et demi de pandémie, pour anticiper les solutions.
Les mesures seraient en étude, d’après Boutayeb pour pallier les conséquences de cette décision sur cette population sans plus de détails. Le problème c’est que plus le gouvernement tarde à prendre des mesures plus les conséquences économiques de cette mesure sur la population touchée s’empirent. On se demande où est le Comité de Veille économique ? Pourquoi ne s’est-il toujours pas manifesté ?
En faisant la sourde oreille, le gouvernement est en train de provoquer une bombe à retardement qui risque d’exploser à tout moment. La tentative de migration collective de 50 jeunes issus de la ville de Fnideq à la nage, malgré le mauvais temps, direction Sebta ce lundi 26 avril est un signal de détresse d’une population au bord du gouffre.
Les députés ont accusé le gouvernement de prendre des mesures restrictives pour limiter la propagation du virus tout en étant conscient que bon nombre de Marocains seront marginalisés et dépourvus des droits les plus fondamentaux de survie. Même le droit de protester devant le Parlement pour dénoncer cette marginalisation a été arraché à cette population.
Aujourd’hui, le gouvernement doit assumer ses responsabilités et être plus transparent par rapport à la gestion de cette crise. A préciser que jusqu’à présent le gouvernement n’a toujours pas annoncé comment compte-t-il financer aussi bien les mesures d’accompagnement des secteurs concernés par les 8 contrats-programmes que la campagne de vaccination. Rappelons qu’avec seulement 3,5 Mds de DH dans les caisses, le Fonds spécial pour la gestion de la pandémie sera bientôt asséché. Nous avons interpellé le ministère des Finances sur cette question mais sans réponse.
Ce qui est certain c’est que cette population, que le gouvernement condamne à subir les conséquences de ses politiques publiques et de son incompétence à trouver des solutions avant de prendre des mesures de restriction, ne risque pas de mourir de la Covid-19 mais de faim.
La question est de savoir si le gouvernement cédera-t-il à la pression de la rue et renoncera-t-il à la décision du couvre-feu notamment durant les 10 derniers jours du mois sacré ou continuera-t-il à faire la sourde oreille ?