Depuis le début de l’année 2023, l’évolution négative de l’indice MASI reflète la prudence des opérateurs de marché à l’égard des retombées économiques d’un contexte macroéconomique inflationniste sur les sociétés cotées, ainsi que sur l’évolution du taux directeur et le coût de financement du Trésor. La bourse va-t-elle trinquer ou plutôt renouer avec la croissance. Analyse.
La récente sortie du Trésor à l’international pour lever 2,5 Mds de dollars incite à se demander si cette mesure pourrait indirectement soutenir l’indice MASI, malgré la récente hausse du taux directeur au mois de Mars à 3%, et la persistance de l’inflation.
Pour y répondre, une analyse de Valoris Securities énumère 3 principaux facteurs desquels dépend le secteur boursier.
D’abord, la situation budgétaire du trésor, post-levée, ainsi que l’évolution de la courbe des taux ; la persistance de l’inflation et des politiques hawkish des banques centrales pour limiter l’inflation ; et la capacité des sociétés cotées à assurer une bonne rémunération des actionnaires, malgré le contexte inflationniste. En plus de l’apport de toute amélioration des perspectives économiques du Maroc pour 2024, en cas d’amélioration de la prochaine campagne agricole et la préparation d’un PLF 2024 propice à l’investissement privé.
Pour amorcer l’exercice 2023, le gouvernement a entamé sa première levée de dettes à l’international au cours du 1er trimestre dans un contexte local marqué par la montée en puissance de la courbe des taux.
Il est a rappelé que la Loi de Finances 2023 prévoit un montant total de levées à l’international de 60 Mds de DH pour cet exercice. Le Trésor a procédé début mars 2023 à une émission des Eurobonds libellées en USD d’un montant total de 2,5 Mds de dollars, structurée en deux tranches de 1,25 Mds de dollars chacune.
Il s’agit d’une première sur 5 ans à 5,95% (dont un spread de 195 PBS) et d’une deuxième sur 10 ans et demi avec un taux de 6,50% (dont un spread de 260 PBS).
Sur la base des statistiques accompagnants cette levée, Valoris Securities relève que cette opération a bénéficié d’un fort engouement de la part des investisseurs étrangers, puisque l’offre du marché a totalisé près de 11 Mds de dollars, soit une sursouscription de 4,4 fois.
Pour rappel, lors de sa sortie de Septembre 2020 ayant permis de lever 1 Md d’euros, le taux de sursouscription était de 2,5 fois, tandis que ce taux était de 4 fois lors de sa dernière levée de 3 Mds de dollar en décembre 2020.
Mais Valoris Securities note une légère montée du spread appliqué sur les levées de dettes marocaines, qui s’expliquerait selon la banque d’affaires par la dégradation du déficit budgétaire entre 2020 et 2023, la hausse de l’endettement public, l’accélération de l’inflation et la dégradation de la notation S&P passant de BBB- en 2019 et 2020 à BB+ selon sa notation attribuée en avril 2021, confirmée à nouveau en octobre 2022.
Cependant, ce renchérissement de la prime de risque reste tout de même modéré par rapport à la hausse appliquée sur les marchés émergents et particulièrement sur d’autres pays de la région, rassurant ainsi quant à la confiance dont jouit notre pays auprès des principaux bailleurs de fonds internationaux.
« Nous rappelons aussi que le Maroc est en phase finale de négociation d’une ligne de crédit modulable (LCM) auprès du FMI de 5 milliards de Dollars dont l’aboutissement devrait renforcer la qualité de signature « Maroc », après avoir bénéficié de la sortie de la liste grise du GAFI », souligne-t-on.
Autant d’éléments qui permettent à l’Etat de préparer à l’avance le financement des tombées importantes de la dette du Trésor des prochains mois et éviter d’exercer une pression sur le marché domestique. D’ailleurs, ces tombées s’élèvent à près de 57 Mds de DH au titre des 2 mois de mars et avril, selon Valoris Securities.
D’ailleurs, les trois séances d’adjudications organisées après la sortie à l’international du trésor ont totalisé un montant des levées limité à 5,1 Mds de DH sur 16,6 Mds de DH proposés, soit une moyenne de 1,7 Md de DH par séance, contre une moyenne de 7,7 Mds de DH par séance sur les deux premiers mois de l’année, marquant une décélération remarquable du rythme des levées sur le marché domestique par rapport à janvier et février.
« Ainsi, nous pensons que le Trésor devrait pouvoir mieux négocier ses prochaines levées sur le marché local, lui permettant ainsi de limiter la hausse significative des taux. De plus, la banque centrale a maintenu ses prévisions d’amélioration du déficit budgétaire lors de son dernier conseil du 21 mars 2023 à 4,7% du PIB en 2023, puis à 4,3% en 2024, en comparaison aux prévisions de Septembre 2022 (un déficit budgétaire de 5% du PIB en 2023) », ajoute la banque d’affaires.
Maintien des dividendes des sociétés cotées malgré la dégradation des réalisations financières
Le renchérissement des prix des intrants, a pesé sans doute sur les marges des sociétés cotées en 2022, et par conséquent sur leurs masses bénéficiaires. Ceci dit, malgré la dégradation constatée des bénéfices, la situation financière de plusieurs sociétés cotées a permis d’assurer le maintien de la rétribution des actionnaires, voire même l’améliorer pour certains titres.
Ainsi, l’annonce des résultats de ces sociétés, a entrainé une amélioration significative de l’intérêt à l’achat sur les titres de la place casablancaise, qui affichent désormais des rendements de dividendes intéressants compte tenu du fléchissement de leurs cours boursiers tout au long des dernières semaines.
Pour rappel, le marché boursier marocain a marqué fortement le pas en 2022, en enregistrant une baisse de l’ordre de 19,75%, en raison des arbitrages faits par les investisseurs en faveur des produits taux, aux dépens du marché Actions. Dans cette configuration, certaines sociétés cotées affichent aujourd’hui des D/Y pour cette année plus intéressants que les rendements des BDT.
Pour Valoris Securities, la proposition par les sociétés d’un D/Y intéressant compte tenu des niveaux de cotation actuels, est interprétée par les investisseurs comme étant une opportunité d’investissement attrayante, au vu des rendements offerts par les BDT à court terme (même en y appliquant une prime de risque), et au vu de la tendance de fond baissière du marché.
« Enfin, si la stratégie d’investissement repose entièrement ou partiellement sur un stock picking des valeurs généreuse en termes de rétribution, nous pensons toutefois que le choix des valeurs devrait prendre en considération la durabilité des flux de dividende des sociétés choisies au futur, puisque la décision d’investissement doit porter sur des anticipations des réalisations futures, non encore intégrées dans le cours boursier », analyse la banque d’affaires.
Pour elle, une reprise anticipée sur le marché Actions, reste conditionnée par les prochaines décisions de BAM.
En effet, en théorie, la stabilité de la courbe des taux devrait offrir un répit au marché actions, lequel a été fortement sanctionné depuis le début de la série de hausse des taux directeurs.
Pour rappel, chaque hausse de la courbe des taux entraine un ajustement mécanique de la valorisation des sociétés cotées, ainsi qu’une orientation des flux vers le marché obligataire aux dépens du marché actions.
Ainsi, en cas d’un maintien d’un rendement de dividende honorable sur le marché Actions, en parallèle à des décisions de la banque centrale de hausse des taux moins agressives qu’en 2022, un revirement des flux du marché obligataire vers le marché Actions est attendu, qui entrainerait théoriquement une reprise sur le marché au S2-2023.
A signaler toutefois, que la solidité de cette relance dépendrait des prochaines réalisations trimestrielles des sociétés cotées, en plus de la présence d’une confiance à l’égard d’un maintien des politiques de dividendes des sociétés cotées malgré les contraintes économiques.