La rentabilité de certaines cultures agricoles hydrivores a créé une grande pression sur les ressources notamment en eau dans certaines régions du Royaume. Dans une situation de stress hydrique exacerbé par la faible pluviométrie, le Maroc doit revoir ces cartes… notamment celles de vocation agricole des terres !
Les caprices du ciel commencent à peser sur les ressources hydriques du pays, notamment dans des régions comme le Souss-Massa qui a déjà entrepris, sur décision du Wali de la Région, des mesures d’économies d’eau. Des actions qui excluent le secteur agricole, pourtant largement concerné par ce stress hydrique, n’ayant pas développé de résilience vis-à-vis de la pluviométrie.
Mais dans cet ensemble, un aspect mérite qu’on s’y attarde. Notamment, les cultures hydrivores existantes dans des régions en stress voire pénurie hydrique. Les exemples sont légion au Maroc, notamment la pastèque à Zagora et à Ouarzazate ou encore la tomate et les fruits rouges dans le Souss-Massa. Une situation antinomique sur tous les plans !
D’où la question fatidique : à quoi servent finalement les cartes de vocation agricoles des terres ? Sont-elles mises en œuvre au service de la rationalisation de la gestion des ressources naturelles, d’une utilisation plus efficacement des acquis de la recherche agronomique et de la mise en place des politiques agricoles adéquates qui prennent en considération les aptitudes des terres pour différentes cultures pluviales et selon les conditions agro écologiques des différentes régions du Royaume.
Interpellé sur la question, Najib Akesbi, Economiste et ancien professeur à l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II explique que ces cartes existent bel et bien mais il ne peut pas confirmer ou infirmer leur mise en œuvre. « Ce que je sais par contre est qu’il n’y a aucune prise en compte de la réalité de ces cartes avec la réalité de la production actuellement. Soit les agriculteurs n’en ont pas connaissance ou ils savent mais continuent à cultiver ce qui les intéresse.
En tout cas, l’état doit encadrer. Et sur la question de l’eau, l’agence des bassins, compte tenu des ressources disponibles, doit être en mesure de décider de la pertinence ou non des projets notamment agricoles selon les régions. Nous avons eu des cas où le ministère de l’Agriculture valide un projet agricole et le ministère du tourisme un projet touristique qui consomme beaucoup d’eau dans une même région ce qui les met en concurrence sur la ressource hydrique. Je pense que l’incitation par les subventions est un moyen de régulation intéressant mais quand il s’agit de ressources d’eau, l’Etat doit être intransigeant. Autrement, c’est l’eau potable qui peut en pâtir », explique Najib Akesbi.
La qualité académique de la préparation de ces cartes de vocation agricole des terres (INRA, IAV…) en fait un outil précieux qui évalue l’aptitude de pratiquer une culture pour une région donnée et même orienter la politique agricole en matière de choix des subventions éventuelles pour promouvoir certaines cultures.
En plus d’étudier le climat (précipitations, températures, vents, durée de la période de croissance, ces cartes livrent une analyse de l’hydrologie par région avant de s’intéresser aux aptitudes du sol pour accueillir certaines cultures.
Un travail d’orfèvre mais qui reste au stade de théorie ! « Ce sont des cartes théoriques qui ne sont pas mises en œuvre. Les premières traces de ces cartes remontent même à la période du protectorat avant que le projet ne prenne une nouvelle vie fin des années 90… Le risque qui plane actuellement dans des régions comme le Souss est que l’on commence à puiser dans l’eau potable. Dans des régions comme le Gharb, il faut creuser les puits à une profondeur de plus de 100 mètres pour trouver de l’eau et encore, le degré de salinité fait que l’agriculteur puise dans l’eau potable », nous explique un expert du domaine, qui préfère garder l’anonymat. Pour lui, le facteur économique devient déterminant pour l’agriculteur, qui, lorsque le prix du mètre3 grimpe, il préfère recourir à la tomate au lieu du blé. Un cercle vicieux qui s’installe en l’absence d’une intervention de l’Etat.
« Depuis 2003, rappelez-vous, Mohamed El Yazghi, à l’époque ministre de l’aménagement du territoire avait tiré la sonnette d’alarme sur ce sujet lorsqu’il a engagé le débat sur l’eau suite au discours royal du 21 juin 2001 à Agadir à l’ouverture des travaux du Conseil supérieur de l’eau et du climat. El Yazghi a fait le tour des régions à ce sujet. Au début des années 2000 on alertait sur le stress hydrique à horizon 2030 et nous y sommes déjà 15 ans à l’avance de cette échéance parce personne n’a prévu les effets du changement climatique qui se sont également greffées aux effets de la main de l’homme en l’absence de restriction de certains usages et certaines cultures », ajoute notre source.
A l’état actuel, le Maroc peut-il encore s’offrir le luxe de certaines cultures dans certaines régions où les ressources hydriques deviennent de plus en plus rares ? La question est évidemment non. Au lendemain du lancement de Génération Green 2020-2030, qui se veut une rupture par rapport au PMV, cette question de l’eau doit être érigée en priorité !