Face à la situation économique et sanitaire actuelle, les entreprises marocaines commencent à adopter progressivement le télétravail, perçu par les acteurs du secteur public et privé comme la solution idoine pour plusieurs secteurs d’activité et fonctions administratives au sein des établissements.
Certes, cette transition ne présente pas que des avantages, pour les employeurs comme pour les salariés, mais le télétravail reste la solution la plus viable au vu des évènements actuels. On entend ce mot depuis bien longtemps, avant même que la COVID-19 n’amplifie sa portée et sa redondance dans le discours de presque toutes les personnes concernées.
Il faut savoir que la notion de travail à distance au sens large existait bien avant la COVID-19, à savoir le télétravail et travail à domicile.
On parle de la même chose concrètement, mais il ne faut pas oublier que même avant, cette solution était déjà disponible dans certaines entreprises pour ne pas avoir à faire des déplacements importants à l’étranger coûteux et pas forcément assez productifs pour justifier une telle logistique.
Le télétravail n’est donc pas une nouveauté, c’est plus une « idée dont le temps est venu », comme dirait Victor Hugo.
Car si c’était un mode de travail très peu populaire, très souvent négligé par les décideurs marocains, ou tout du moins avant cette pandémie, notamment par crainte d’une baisse notable de productivité au sein de l’entreprise, et même quand l’idée se frayait un chemin jusqu’aux salariés, elle se heurtait souvent à des méthodes managériales obsolètes et une structure hiérarchique verticale encore plus rigide qu’un diamant au Carbone pur.
Avant d’aller plus loin, il est indispensable de dresser une mise au point. Et si le télétravail était à l’œuvre et opérationnel bien avant l’arrivée de la pandémie au Maroc ? Aussi surprenant que cela puisse paraître, dans la plupart des secteurs, et dans presque tous les postes administratifs peu importe l’activité de l’entreprise, les salariés et cadres avaient recours au télétravail, la seule variable significative dans ce cas étant le lieu.
Ceci est une invitation au lecteur à prendre une minute de réflexion. En quoi le télétravail est-il vraiment différent du travail en présentiel ? Abstraction faite bien sûr des travaux techniques et manuels nécessitant une manipulation de la part du salarié. Est-ce que le fait d’effectuer des appels, d’envoyer des mails ou encore de faire une réunion en distanciel avec un fournisseur localisé à l’autre bout du pays ou à l’étranger ne constitue-t-il pas déjà le fondement du télétravail ?
L’objectif de la digitalisation est de réduire au maximum les frais et les efforts liés aux déplacements et aux actions administratives telles que la gestion des ressources humaines et la comptabilité, et mieux encore, la passation de transactions financières entre les entreprises et un contact continu entre toutes les personnes concernées. En une phrase, pour certains secteurs la notion est nouvelle, mais le principe demeure le même.
Alors si avec cette situation de COVID-19, la tendance générale est que le télétravail est la solution pour relancer l’économie, la bonne question que l’on devrait plutôt se poser c’est comment on ne s’en était pas rendu compte plus tôt ? Pour une fois la réponse est tout à fait évidente ; on ne regardait pas du bon angle.
Pour confirmer ces propos, il n’y a qu’à se pencher sur un seul aspect, celui du succès inespéré de cette méthode jusqu’à présent. L’adoption des solutions numériques au cours des 8 derniers mois avec succès dans presque tous les domaines ne peut s’expliquer que d’une seule manière : ce processus a déjà commencé bien avant, seulement, avec les déplacements et le quotidien rempli des Marocains, on ne s’en est absolument pas rendu compte. On pensait remettre à demain ce que nous pouvions faire aujourd’hui.
Dans une étude effectuée par le cabinet LMSORH en mai 2020 sur un échantillon de 1.000 Marocains occupants différentes fonctions dans les secteurs public et privé, les résultats semblent corroborer les réflexions faites dans les paragraphes précédents. Au moment où l’étude a été faite, 7 répondants sur 10 affirmaient être en mode télétravail continu, tandis que 4 sur 10 affirmaient l’être mais en partiel, et représentent peut-être ceux qui s’en étaient rendu compte avant.
D’ailleurs 4 répondants sur 5 ont émis l’opinion que ce mode de travail était incompatible avec la culture de leur entreprise. C’est bien le moment de souligner que malgré une progression constante, les Marocains sont plutôt réfractaires au progrès immédiat. Toujours selon cette même étude, 6 répondants sur 10 affirment que leur charge de travail a augmenté, ce qui balaye d’un seul coup les incertitudes liées au manque de productivité, vu que le contraire s’impose assez largement.
Cela peut s’expliquer par un simple facteur psychologique, le fait que durant le trajet de même que l’ambiance au sein du lieu de travail nous permet d’être prêts mentalement, alors que travailler à la maison nous fait penser aux devoirs que nous devions faire pendant le temps personnel, que nous aurions pu passer à se divertir ou tout simplement oublier la journée. Ce qui nous amène à aborder l’impact du télétravail sur les habitudes personnelles. On revient encore à l’étude où plus des trois quarts des répondants affirment que le télétravail a impacté fortement leurs habitudes personnelles.
Cela peut se comprendre, quand on est face à son ordinateur chez soi, plus de besoin de se changer complètement, de préparer ses affaires pour se déplacer, et surtout plus de soucis d’oubli de quoi que ce soit au bureau ou à la maison ! On est avec sa famille continuellement, et la machine à café usée et payante du bureau est remplacée par une grande tasse de café bien chaude préparée par soi-même.
La frontière entre le temps personnel et le temps de travail devient si mince, qu’elle s’évapore parfois, quitte à se retrouver en train de préparer un compte-rendu pour la prochaine réunion au milieu de la nuit, ou pendant le week-end où vous auriez prévu de faire la grasse matinée. On ne compte plus assez précisément les heures qui passent ou les gigas de connexion consommés quand on a un forfait illimité. Ce qui nous amène à la logistique.
Sur ce point-là, le seul élément à faire vraiment défaut c’est la connexion Internet. Le matériel informatique nécessaire a été prodigué à 7 répondants sur 10 par leurs établissements.
Concernant, la connexion internet justement, considérer 2 Mo/s comme étant une connexion haut débit à l’ère où le moins cher des PC neufs propose un canal de plus de 1 Go/s via Ethernet, est tout simplement futile.
C’est à peine à la hauteur de ce qui est recommandé par les prestataires de vidéo-conférence (Ex : 1.2 Mo/s pour Skype). Répartissez les 2 Mo/s disponibles entre 4 appareils connectés et la vitesse chutera à moins de 250 Ko/s.
Ce qui n’est malheureusement pas un débit suffisant pour un travail fluide. Pour certains secteurs et certains travaux nécessitant des « workstations » (des ordinateurs plus puissants que les « PC Gamer », qui sont surtout employés dans les domaines scientifiques ou récréatifs comme la simulation 3D ou encore le montage vidéo), la facture peut s’élever à des montants astronomiques pour les employeurs concernant le matériel informatique, sans compter les licences des logiciels.
Bien évidemment, il n’existe pas vraiment de solution miracle, même le télétravail avec son succès fou au Maroc. Comme disent certains, il faut prendre l’information avec une pincée de sel. Autrement dit, il faut savoir modérer ses attentes, ou tout du moins, les placer là où il faut. La tendance actuelle veut que le télétravail se généralise à travers l’ensemble du territoire national.
Cette tendance est tout à fait logique, quand on considère tous les éléments connus à cette date. Bien sûr, le chemin est encore tortueux, quand on évoque le professionnalisme de certains acteurs, la structure de la connectivité au Maroc, sans oublier bien sûr les questions liées à la confidentialité, la cyber-sécurité et à la bonne gestion des ressources mises à la disposition du salarié par l’employeur.
D’un autre côté, le télétravail n’est que l’évolution logique et inévitable d’un processus initié bien avant la COVID-19, bien que fait inconsciemment d’un certain point de vue. Dans une note positive, on peut dire que cette pandémie a donné un joli coup de boost au secteur technologique en général, et franchement, qui n’a pas rêvé de faire son travail de bureau à la maison avec sa famille auprès de lui, avec le frigo et la télécommande (dans certains cas la manette de jeu) à portée de main ?