Ecrit par S. Es-Siari |
A l’instar des autres continents, l’Afrique a été brutalement secouée par les soubresauts des crises qui se sont succédé (crise sanitaire, conflit russo-ukrainien, secheresse…). En effet, bien qu’elle ait fait preuve de résilience, l’Afrique est appelée à relever de multiples défis aussi bien d’ordre économique (inflation, endettement, opérationnalisation de la ZLECAF, finance verte…) que politique (gouvernance, sécuritaire…).
Dans ce cadre, Mazars à travers l’organisation de cette 4e édition des Africa Talks sous le thème : « Les enjeux de l’Afrique en 2023 « , animée par des personnalités chevronnées marocaines et étrangères, aspire prendre activement part aux débats relatifs aux perspectives de développement du Continent en apportant des éléments de réponses pour relever les défis liés aux enjeux économiques et politiques de l’Afrique.
Dans son discours introductif, Abdou Souleye Diop, managing partner à Mazars s’est penché justement sur les principaux défis qui guettent l’Afrique. Il cite en premier la sécurité alimentaire qui passe nécessairement par une hausse de la production agricole à travers le soutien des agriculteurs. A ce titre, des infrastructures solides et résilientes doivent être une priorité et ce à travers des partenariats publics-privés efficients.
Aussi, la transition numérique se veut un challenge pour le continent qu’il doit mener à bien pour mieux profiter de ses avantages et atouts. Pour ce faire, les pays doivent se doter de nouvelles technologies dans pratiquement tous les secteurs. Sans omettre l’éducation qui joue un rôle essentiel dans le développement d’un capital humain africain bien formé et à l’affût des nouvelles technologies de pointe.
Lors du premier panel dédié à la diplomatie et la sécurité dans un ordre mondial en restructuration, l’accent a été mis sur le terrorisme qui plane sur les pays du Sahel comme une épée de Damoclès. Dr Cheikh Tidiane Gadio, ancien ministre des affaires étrangères du Sénégal et président de l’Institut Panafricain des Stratégies a alerté sur le déménagement du terrorisme vers l’Afrique tout en soulignant la nécessité d’une réponse africaine concertée à ce phénomène qui prend de plus en plus de l’ampleur au lieu de plans d’action nationaux parce que le problème est plus continental. Face à ce terrorisme mené par une main invisible très structurée, le continent a besoin d’un fonds régional, d’hommes politiques à même d’endiguer ce terrible fléau.
La récession démocratique a fait également débat parce qu’on assiste de plus en plus à un affaiblissement des institutions qui ne répondent plus aux questionnements des jeunes.
La gouvernance est également un enjeu crucial pour l’Afrique. Les élections sont souvent des facteurs de crise systématiques, mais elles peuvent constituer des leviers de stabilité et de consolidation démocratique.
Le débat était par ailleurs propice pour attirer l’attention sur le fait que l’Afrique n’est pas représenté dans le Conseil de sécurité.
C’est dans la perspective de mettre à terme à cette réalité désolante, qui ne prend pas en compte les avancées du continent africain ni ses perspectives d’évolution, que le Maroc avait d’ailleurs réitéré devant l’Assemblée générale de l’ONU la revendication de l’Union Africaine qui consiste à ce que le continent-mère soit représentée, au futur Conseil de sécurité, par deux sièges permanents et deux autres non-permanents. Mais pas que.
Le Royaume avait plaidé également à ce que les deux sièges aient un droit de veto, juste comme les autres membres.
« A l’heure où l’Asie et l’Europe dispose chacune de deux sièges au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, l’Afrique qui constitue la deuxième plus grande population mondiale et le deuxième plus grand continent n’y siège pas en tant que continent à part entière », déplorent les intervenants.
D’ailleurs, ce n’était pas la première fois que l’Afrique réclame une place égale aux autres continents au CS. En décembre dernier, les dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avaient adopté une résolution réclamant deux sièges permanents pour le continent au sein de l’instance exécutive des Nations Unies.
Ils plaident par ailleurs pour que les anciennes élites reviennent aux champs politiques et que le continent adopte la bonne approche en la matière.
Quid des enjeux économiques ?
Le continent se projette au-dessus de la moyenne mondiale (2,8%) , fait mieux que les économies avancées (1,3%) et s’aligne dans la dynamique qui caractérise les régions dites émergentes. Ces perspectives ont pourtant été revues à la baisse, du fait d’une dynamique alourdie, entre autres, par les tensions inflationnistes.
La tension sur les chaînes d’approvisionnement en produits de base alimentaires et industriels, les coûts élevés de l’énergie et ceux de l’endettement , ainsi que la baisse des investissements privés et la réorientation des budgets publics vers le soutien à la consommation et aux pouvoirs d’achat ont relativement refroidi la dynamique globale de l’économie africaine.
Pour que l’économie africaine ait sa voix au chapitre de la mondialisation, il est indispensable d’accompagner les champions nationaux à se projeter dans les autres pays. Les crises ont bien mis en évidence l’importance de la souveraineté aussi bien alimentaire que sanitaire. D’où l’enjeu de développer des champions nationaux à même de s’internationaliser et de bien se positionner sur l’échiquier mondial.
Aussi, le continent fait face au changement climatique ponctué par des sècheresses de plus en plus sévères qui selon la Banque mondiale représenteraient jusqu’à 5% du PIB si rien n’est fait. Une tendance lourde qui nécessite de développer des systèmes de développement d’agriculture durable.
A ce titre, l’exemple de l’OCP est mis en évidence parce qu’il peut développer des chaines de valeur agricoles et répondre aux besoins sans cesse croissants de la population.
La Zone de libre échange continentale, entrée en vigueur le 1er janvier 2021 se veut également un levier de développement des échanges commerciaux entre les pays du continents.
Le premier forum d’affaires de la ZLECAf a été organisé du 16 au 18 avril 2023, au Cap, en Afrique du Sud, dans le but de stimuler l’investissement et le commerce intra-africain. Ce forum, qui a réuni plusieurs centaines de personnes représentant de nombreuses entreprises africaines et industries, avait aussi pour objectif de convaincre le secteur privé de saisir les opportunités de cette zone qui vise à établir un marché d’environ 1,3 milliard de dollars dans 55 pays africains.
En effet, l’Union africaine a fait de 2023 l’année de l’accélération de la mise en place de la Zone de libre-échange continentale.
En octobre 2022, l’organisation africaine a lancé, au Ghana, « The Guided Trade Initiative » (GTI), ou l’initiative de commerce guidé. 8 pays ont démarré leurs échanges commerciaux dans le cadre de cette initiative représentant 5 régions du continent : Egypte, Cameroun, Ghana, Kenya, Tanzanie, Maurice, Rwanda et Tunisie.
Une centaine de biens ou de denrées, produits ou transformés sur le continent, ont été identifiés : médicaments, caoutchouc, ustensiles de cuisine en aluminium, sucre, acier et produits en bois.
La ZLECAf est plus qu’une simple baisse des tarifs, elle permet aux investisseurs d’accéder à l’immense marché africain qui attirera les investissements grâce aux règles d’origine qui donnent la priorité aux intrants africains et aux biens et services à valeur ajoutée.
Cinq instruments clés ont été d’ailleurs adoptés pour rendre l’accord opérationnel : un système de paiement et de règlement panafricain, un mécanisme de surveillance des obstacles non tarifaires, l’observatoire africain du commerce, le livre des tarifs électroniques et le fonds d’ajustement de la ZLECAf destiné à faire face aux pertes de recettes anticipées à court terme.