Quelques minutes après la fin des entretiens entre Mohamed Benchaâboun, Moulay Hafid Elalamy, et Bruno Le Maire, le ministre français de l’économie et des finances, ce dernier tweettait « A Rabat, entretiens très constructifs avec le chef du gouvernement marocain et mes homologues. La coopération économique entre la France et le Maroc est forte, historique et ancrée dans des secteurs stratégiques comme le ferroviaire. La LGV en est un symbole ».
Et d’ajouter : « Cette visite a été utile pour donner un nouvel élan à la coopération entre nos deux pays avec la mise en place d’un pacte économique franco-marocain. Au cœur de ce pacte : la place des PME, les nouvelles technologies, la décarbonation de nos productions, l’ouverture à l’Afrique ».
Voilà un discours qui rompt radicalement avec ses propos tenus il y a quelques semaines devant les professionnels de l’automobile français, des propos qui auraient été mal compris (sic). Certainement que Monsieur Le Maire, qui a effectué sa première visite au Maroc, est convaincu que tout investisseur ne fait pas du mécénat puisque chacun empoche ses dividendes qui profitent également au pays d’origine de l’investissement. Sans oublier que, pour revenir au secteur automobile, investir au Maroc promet une plus grande compétitivité et de plus grosses parts de marché.
Alors, et au risque de mal comprendre davantage les propos de Bruno Le Maire, le fait que dans son tweet et sur tous les volets de coopération entre les deux pays, il ne choisit pour exemple illustratif que la LGV, cela donne quelque peu du crédit à ceux qui expliquaient que l’hostilité à l’égard du Maroc a commencé dès qu’a fuité le bruit selon lequel les Chinois seraient intéressés par le renforcement de la LGV.
D’autant qu’à l’issue de cette rencontre les deux parties « ont salué le bilan des travaux du comité de suivi du projet Ligne grande vitesse (LGV), installé depuis plus de 10 ans, qui a initié une réelle dynamique de coopération ferroviaire entre les deux pays.
Et voilà qu’on évoque un nouveau cadre de partenariat renforcé ? Plus renforcées que les relations maroco-françaises tu meures ! Pis, à quoi servirait le renforcement de la dépendance de la France alors que le Maroc gagne à diversifier ses partenaires ?
Un nouveau pacte économique franco-marocain qui doit reposer sur les piliers que Bruno Le Maire a indiqués [NDLR : le transport ferroviaire (encore ?), l’industrie automobile (voyons ?), aéronautique et le domaine environnemental d’un côté et de l’autre des PME ainsi que les relations avec l’Union européenne] et sur la coopération de base ouverte depuis des années et des années. Toujours selon le ministre français, il faut bâtir ce nouveau pacte économique franco-marocain en prenant partie à la fois « le nouveau modèle de développement que SM le Roi a souhaité mettre en place et du nouveau modèle français que le président de la république présentera d’ici quelques semaines avec le pacte productif ».
Faire le parallèle entre deux chantiers tout aussi différents est très difficile, essayer de les conjuguer dans un objectif commun est tout aussi saugrenu.
Nous avons de part et d’autre, deux pays souverains, historiquement, culturellement et politiquement différents, avec deux démographies foncièrement opposées, deux économies aux antipodes et surtout des contraintes et des besoins émanant de la société propre à chaque pays.
Aussi, la genèse de la mise en place d’une commission spéciale sur le modèle de développement est-elle distincte du chantier de mise en place du pacte productif en France. Si ce dernier sera présenté dans quelques semaines et vise le plein emploi en 2025, le nouveau référentiel est toujours en phase de réflexion et le livrable n’est prévu que fin juin prochain. Ce référentiel est un véritable contrat social qui s’inscrit sur un horizon de 10 à 15 ans. Nos destins croisés par la force de l’histoire ne doivent pas nous faire oublier que nos enjeux ne sont pas les mêmes : Si la République est en marche, le Royaume doit faire du sprint !
Du côté marocain, on évoque une compétitivité commune : Compétitif pas l’un et l’autre mais ensemble ? On a beau tourner cette phrase dans tous les sens, à part faire partie d’un même espace communautaire cela semble vague. D’autant que ce discours n’est pas nouveau. Surtout quand on annonce aller ensemble vers l’Afrique. Rappelez-vous le concept de la colocalisation en 2013 qui avait donné lieu à tant de littératures et d’espoirs. Au final, le schéma de coopération est simple : ce que j’avance, ce que je gagne en retour ! Simpliste oui, mais efficace. Demandez aux chefs d’entreprises, ils le confirmeront. Point de discours, ce sont les bons de commande qui font fleurir l’économie, créer des emplois et apporter de la richesse.
Alors si la relation économique entre les deux pays est aussi forte, même en périodes de crise, c’est que Marocains et Français, en tout pragmatisme, y gagnent ! Alors même les ambitions doivent être empreintes de pragmatisme et de réalisme.
L’interdépendance des pays ne fait nul doute, toujours est-il qu’en tout comme en affaires, chacun pour soi, Dieu pour tous.