Dans ce récit fort, ponctué d’histoires de guérisons et de drames, Claude Griscelli raconte comment une poignée de pionniers, dont il fait partie, a créé dans les années 1970 la pédiatrie moderne et permis de mieux soigner les enfants.
« Si l’on peut parler de la naissance d’une vocation, je crois que la mienne se situe ici, dans la chambre blanche de l’hôpital Bicêtre, devant le triste spectacle d’un enfant qui souffre. »
À la tête d’une équipe de médecins et chercheurs formidables, ce grand immunologiste a mobilisé la recherche sur des maladies génétiques graves, chroniques et sources de souffrances. On lui doit les greffes de moelle osseuse permettant de reconstituer le système de défenses génétiquement défaillant des fameux « bébés bulles » et, plus tard, les premières étapes de la thérapie génique. Il s’est aussi battu pour que l’hôpital accueille les jeunes patients dans des services spécialisés, sans les couper de leur scolarité, leur permettant ainsi de mener leur vie d’enfant ou d’adolescent.
Né à Rabat, où il a fait ses études à la Faculté des Sciences, Claude Griscelli est professeur de médecine, pédiatre et immunologiste.
A son arrivée en France, il s’installe à la Maison du Maroc créée par le Roi Mohammed V à la Cité internationale universitaire de Paris. Tout au long de sa carrière, il entretient un lien fort avec le Maroc et nourrit des relations étroites avec le monde de la santé marocain, aussi bien en médecine clinique qu’en recherche universitaire. Il a été le pédiatre attitré des enfants du Roi Hassan II et des enfants de la famille royale.
Mondialement connu pour ses recherches sur les déficits immunitaires héréditaires, il a été directeur général de l’Inserm et président de l’Institut Imagine, consacré aux maladies génétiques, qu’il a créé en 2007. Il est aussi à l’origine de l’opération Pièces Jaunes, qui améliore le quotidien des enfants hospitalisés.
Membre de l’Académie Hassan II des sciences et des technologies depuis 2006, il s’est installé à Rabat, où il agit comme conseiller à l’université internationale Abulcasis des sciences de la santé.
Extrait
La rencontre avec Hassan II a lieu un jour de printemps. Selon une série d’habitudes de longue date, le roi entame une partie de golf dans l’enceinte du palais royal de Rabat avec ses partenaires habituels. Comme chaque jour, les deux princes, Mohamed, le futur roi, et son frère Moulay Rachid, viennent saluer leur auguste père. S’ensuit une discussion de durée variable avec un ou plusieurs ministres, venus informer le Roi des événements récents et des décisions à prendre. Puis, c’est mon tour. Je m’approche de Lui et laisse Pierre Mozziconacci me présenter.
« Que faisait votre père au Maroc ? – Il était ingénieur de la ville de Salé puis de celle de Rabat. » J’ajoute : « Il a constamment tenu à protéger et entretenir les remparts des deux villes. » J’évoque ensuite mes origines corses et mon attachement pour l’île. « Ce sont les mêmes racines », acquiesce le Roi, avant de me poser quelques questions sur mes orientations principales en pédiatrie. Nous parlons d’immunologie et je lui rappelle l’importance des vaccinations. « Mes enfants ont déjà reçu des vaccinations. Vous vérifierez tout cela. »
Et voilà la teneur de la très courte conversation qui a suffi à ce que le Roi me demande de me pencher sur la santé de ses cinq enfants. C’est ainsi que j’ai succédé à Pierre Mozziconacci en tant que correspondant pédiatre des enfants d’Hassan II, puis de ses petits- enfants. Naïma Bouazaoui, professeur de pédiatrie de Rabat, se chargeait de suivre régulièrement les deux Princes et les trois Princesses Lalla Meyriem, Lalla Asmae et Lalla Hasnae. Je les voyais à chacun de mes courts séjours au Maroc.
Très souvent mes pensées vont vers le Roi Hassan II, les nombreuses rencontres que j’ai eu le privilège d’avoir avec le Monarque m’ont permis d’appréhender ses immenses connaissances, son intelligence, son intuition et ses qualités de réflexion. J’ai beaucoup apprécié son intérêt pour la médecine dont il suivait attentivement les progrès.
Depuis, mes liens avec le Maroc se sont encore intensifiés. Apollonia et moi vivons aujourd’hui à Rabat, à deux pas de l’Académie Hassan II des sciences et des techniques et du fameux golf de Dar es Salam que je fréquente avec assiduité. J’ai plaisir à retrouver autour du président du club Abderrahmane Bouftas ses amis qui furent, comme lui, proches du Roi Hassan II. C’est très souvent que nous évoquons certains des si nombreux faits du Monarque et notamment ses pensées sur l’évolution du pays et sur les relations du Maroc avec l’Europe ou ses idées sur l’intégration des Marocains partis en Europe. Au golf, je fais avec de proches amis trois parcours par semaine, une excellente manière de se maintenir en bonne forme physique. J’y rencontre parfois, toujours avec grand plaisir, le Prince Moulay Rachid.
Vivre dans ce pays que j’ai toujours connu et auquel je suis très attaché est un plaisir, d’autant que je tolère de moins en moins la pollution de Paris en raison des séquelles de mon ancienne tuberculose et d’une altération bronchique due au trop long usage du tabac. J’ai au Maroc de très nombreux amis : des Français de Rabat qui, comme moi, ont fait un « retour aux sources », dans les milieux universitaires et médicaux bien évidemment, mais aussi des personnalités marocaines de tous bords politiques. Je suis d’ailleurs avec attention les orientations politiques du pays et ce malgré la complexité notamment due au fait qu’il existe de nombreux partis politiques.
J’ai également de très bons contacts dans plusieurs ambassades et je suis devenu le conseiller médical de l’Ambassade de l’ordre de Malte