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« On n’a guère dans l’imagination ce qu’on a dans sa chambre. Il faut des objets sans corps ou des corps absents. » Joseph Joubert.
- Claustré dans son lit, un confiné entend geindre ses jours sur le violon désaccordé de la nuit.
- Un confiné, la tristesse et l’attente se tiennent affectueusement par la main. Ils ne craignent point la sanction de leur entorse aux consignes de distanciation.
- Ayant obtenu 20/20, un élève demande obstinément à ce que sa note soit révisée à la baisse. Nouvelle superstition de confiné qui supplante désormais la phobie du numéro 13.
- Un confiné se croise dans la rue et se hâte à prendre congé de lui-même : il évite tout rassemblement fût-ce à deux.
- « Que faire ? Réapprendre à vivre. Mais avec qui ? Par qui ? ». A cette question de Malcolm de Chazal, un confiné ajoute : quand ?
- Privé de promenades dans les librairies, un confiné se console comme Ramon Gomez de la Serna : « le plus important dans la vie, est de ne pas être mort ».
- A force de fréquenter les humains, le virus finira par leur ressembler, anticipe un confiné : une créature mortelle.
- En se penchant sur son miroir, un confiné voit son visage réfléchir fidèlement les traits de son masque. Présage d’une métamorphose.
- Bien que mis quarantaine par les masques des confinés, le virus ne désespère pas de sa solitude.
- « Hypocrite lecteur, -mon semblable-, mon frère ? ». Ce vers de Baudelaire incite, selon un confiné, au délit de tomber les deux masques.
- Les rues ont perdu leurs chats, les arbres leurs feuilles ; le masque et la peur du confiné sont toujours là.
- Un confiné se dit désespéré du genre humain. Quand il éternue dans la rue, nul ne se presse pour lui dire : » Dieu vous bénit ».
- « Tant la solitude me comble que le moindre rendez-vous m’est une crucifixion ». Sentiment d’un confiné admirateur de Cioran.
- Un confiné addict au clic cherche à retrouver sa mémoire antérieure à l’irruption du virus. En vain : mot de passe oublié.
- Claustré dans son lit, un confiné entend geindre ses jours sur le violon désaccordé de la nuit.
- Un confiné a oublié de porter son masque favori. Il est consterné : les siens ne le reconnaissent pas.
- « Que le sommeil m’emporte/Comme une feuille morte », rêve un confiné ayant épousé la noble humilité de Paul Valet.
- Le virus est noctambule. Un confiné met fin à ses nuits en espérant déclarer bientôt : « longtemps, je me suis couché de bonne heure ». Il nourrit le rêve de retrouver le seul temps éperdu.
- Aussitôt qu’il termine son premier roman, un confiné voit ses personnages se rebeller contre lui : il ne les a pas dotés de masques.
- Irrité parce que caché par le masque, le grain de beauté d’une confinée émigre de la joue au cou. Inspiré par le peintre des sourires diaprés, Ibnou Sahl Al Ichbili.
- « A vendre cartable d’un élève sérieux, jamais servi ». Annonce d’un confiné féru d’ellipses.
- Se souvenir des fêtes d’antan est aussi une fête. Sensation unique d’un confiné fidèle à sa mémoire.
- « Fondement : toutes les nouvelles en sont dénuées ». Jamais ce propos de Flaubert- estime un confiné- n’a été si plausible.
- Ô virus confine-toi, à ton tour, suspends ton vol des âmes chères à nos chœurs en louange à l’envol de la vie sur l’étroite terre.
Par Rédouane Taouil,
Ancien des écoles primaire et secondaire publiques du Maroc