Bien que tous les projecteurs soient aujourd’hui braqués sur le volet sanitaire de cette crise qui n’a pas encore livré tous ses secrets, la phase post covid-19 viendra tôt ou tard. Et il faut bien s’y préparer pour réussir un redémarrage de l’économie marocaine avec moins de dégâts. Cela passera dans un premier temps par l’établissement d’un état des lieux et l’évaluation des dégâts collatéraux de la pandémie sur chaque secteur.
Car si après la pandémie certains secteurs pourront rapidement reprendre leur activité et remonter la pente, d’autres en revanche auront bien plus de mal à se remettre debout comme ça va être le cas pour le tourisme.
Mais en attendant la fin de ce cauchemar sanitaire qui a mis sens dessus sens dessous le monde entier, les premières prévisions de l’impact du Covid-19 sur l’économie marocaine font état de pertes importantes.
C’est le cas de l’une des locomotives de l’économie marocaine à savoir l’industrie manufacturière qui depuis quelques jours est en arrêt. Rappelons que bon nombre d’unités de production (automobile, textile, agroalimentaire…) ont été contraintes de baisser temporairement le rideau en raison de problèmes d’approvisionnement en matières premières et intrants ou encore de la baisse de la demande étrangère.
Automobile, un secteur en mode pause
Un arrêt qui se facture en millions de Dirhams de pertes. La section commerciale de la Délégation de l’Union européenne au Maroc a récemment publié une note relative aux impacts économiques du Covid-19.
Le point est mis sur le secteur automobile complètement à l’arrêt suite aux décisions de Renault et de PSA de suspendre temporairement leur activité au Royaume depuis le 19 mars. Ajoutons à cela, la suspension temporaire de l’activité des deux groupes européens non pas sans conséquence sur tout l’écosystème automobile.
« Alors que l’arrêt temporaire de l’activité de Renault au niveau de ses deux sites de production de Tanger et de Casablanca concerne 11.000 collaborateurs, la suspension des activités de PSA à Atlantic Free Zone touche 1.600 collaborateurs et a des répercussions sur ses équipementiers et ses 66 fournisseurs. L’arrêt de l’activité pourrait à terme se répercuter sur les 180 000 individus employés par l’industrie automobile, les 250 équipementiers automobiles opérant au Maroc autour de neuf écosystèmes (Câblage, intérieur véhicules & sièges, métal emboutissage, batterie, PSA, moteurs, Renault, Delphi et Valeo) », rappelle l’UE au Maroc.
Ce qui implique l’arrêt de la production et, par ricochet, la baisse des exportations du premier secteur exportateur du pays qui représente, rappelons-le, 27% des exportations en 2019 et un chiffre d’affaires à l’export de plus de 7 Mds d’euros. L’impact sur la balance commerciale risque de faire grincer les dents. Faut-il rappeler qu’à fin janvier 2020 (derniers chiffres de l’Office des Changes), le déficit commercial s’est creusé davantage enregistrant une hausse de 10,9% au terme de l’année 2018. Une hausse qui résulte essentiellement des importations qui augmentent plus vite que les exportations.
L’arrêt de l’activité automobile au Maroc va également compromettre les objectifs fixés dans ce secteur. « La crise actuelle risque également de compromettre les objectifs annoncés par le Ministre de l’industrie d’atteinte d’une capacité de production annuelle de 1 million de véhicules d’ici 2022 et d’un chiffre d’affaires à l’export de 100 Mds de DH », rappelle la section commerciale de l’UE au Maroc.
L’absence de visibilité sur le redémarrage de l’activité de production des deux usines ne permet pas, dans l’immédiat, de prédire si le Maroc pourrait rattraper ce retard et être au rendez-vous en 2020.
Ce qui est sûr pour le moment, c’est que l’impact de cette crise sanitaire est inévitable aussi bien à l’export comme au niveau local.
« Sur le plan national, les ventes nationales devraient accuser une baisse compte tenu de la faible propension à la consommation en biens durables par la population marocaine et le report du salon Auto Expo initialement prévu pour juin 2020 », précise la note de l’UE.
A ce sujet, il est utile de rappeler que l’Administration des douanes et des impôts indirects a adressé en date du lundi 23 mars, un courrier au Président de l’Association des importateurs de véhicules Maroc dans lequel elle invite les membres de l’AIVAM à réduire au strict minimum leurs importations en négociant avec leurs fournisseurs le report de celles-ci.
L’ADII a argué cette décision par un éventuel impact négatif de la situation actuelle sur la balance des paiements du pays.
Textile, autre moteur de croissance en arrêt
Le secteur textile/habillement est également l’un des corps infectés par le virus. Après la concurrence féroce de l’importation turque, la déviation des commandes marocaines vers la Turquie et la faible compétitivité du textile marocain, le Covid-19 est un nouveau fléau qui vient asphyxier le secteur.
« Avec plus de 160.000 individus au sein de 1.200 entreprises, le secteur rencontre à la fois un problème au niveau de son approvisionnement et de sa demande étrangère. D’un côté, les approvisionnements au niveau du secteur sont fortement perturbés, comme une bonne partie de la matière première utilisée vient d’Asie, particulièrement de Chine », lit-on dans la note de l’UE.
Le secteur souffre d’un problème de visibilité au niveau de la demande, notamment au vu de la baisse de la demande européenne sur le textile et habillement (l’Espagne et la France absorbant près de 60% des exportations du secteur), induisant une baisse des commandes auprès des fournisseurs, selon le président de l’Association Marocaine des Industries du Textile et de l’Habillement (AMITH).