Ecrit par Imane Bouhrara |
Le taux de participation économique des femmes, en recul ces dernières années, a reçu le coup de grâce en raison de la crise sanitaire. Le Maroc se prive ainsi d’un gisement de croissance économique. Dans le contexte actuel et si la vapeur n’est pas inversée, l’objectif de porter le taux de participation économique des femmes à 30% durant ce mandat, semble filer entre les doigts de l’exécutif.
Les prémices d’une dégradation du taux de participation économique des femmes au Maroc étaient bien palpables bien avant l’avènement du Covid-19 qui constitue un véritable retour en arrière en la matière. Le taux d’activité des femmes, qui ne cesse de baisser, a atteint en 2020 son niveau le plus bas depuis 1999, soit 19,9% contre 21,5% en 2019.
Autrement dit, plus de huit femmes sur dix sont en dehors du marché de travail dans un pays qui aspire à l’émergence. Nous attendrons, la main sur le coeur, de voir les effets de la crise sur les statistiques de 2021.
8 mars oblige, la question a été analysée par la DEPF à travers un Policy-Brief qui quantifie, moyennant une approche comptable, l’effet de la sous-utilisation de la main d’œuvre féminine sur le niveau de vie au Maroc, ainsi que les gains potentiels associés à une progression de l’insertion des femmes dans le marché du travail à la lumière des recommandations du NMD.
L’approche adoptée consiste à décomposer le PIB par habitant en deux effets : effet productivité et effet utilisation de la main d’œuvre. L’objectif étant de mettre en exergue l’apport des différentes composantes de la main d’œuvre (emploi, activité et démographie) à la création de la richesse entre 2011 et 2019 et ce, selon le genre et la tranche d’âge.
Une méthode scientifique pour rappeler une fois encore toutes les potentialités non exploitées par le Maroc à défaut d’avoir améliorer l’accès des femmes aux opportunités économiques.
Aussi et là encore la crise sanitaire n’a fait qu’accentuer une fragilité structurelle du marché du travail, les femmes est la catégorie qui pâtit le plus du chômage. Selon la DEPF, les niveaux élevés du chômage des femmes enregistrés en 2020 s’explique non seulement par les pertes d’emplois occasionnées par l’arrêt de l’activité économique lors de la période du confinement, mais également par le maintien même lors de la reprise de l’activité de la situation de l’inactivité de près de 22% des femmes qui étaient actives avant le confinement, contre seulement 7% des hommes.
De ce fait, les femmes font face vraisemblablement à plus de difficultés à accéder à un nouvel emploi, en raison essentiellement du poids des normes sociales qui perpétuent l’idée que les hommes, en tant que chefs de famille, devraient avoir un accès privilégié à l’emploi lorsque les opportunités de travail sont limitées.
L’inégalité persiste même dans l’accès aux indemnités forfaitaires. En effet, les mesures de soutien pour le maintien de l’emploi, particulièrement, en faveur de l’emploi formel par le biais de l’octroi d’une mensualité forfaitaire de 2.000 dirhams au profit des salarié(e)s des entreprises affectées par la crise Covid-19 et affilié(e)s à la CNSS, ont davantage profité aux hommes qu’aux femmes.
En effet, selon les enquêtes du HCP, seules 25% des femmes chefs de ménages, ayant bénéficié des mécanismes d’aides apportés par les pouvoirs publics, ont effectivement bénéficié de cette rémunération et ce, en raison de la faiblesse de la déclaration des femmes salariées à la CNSS.
Nous le dissions et nous le répéterons, le Maroc n’explore pas toutes les potentialités que représente la participation économique des femmes à notre pays. Pourtant les études sont légion à mesurer l’apport en points de croissance d’un meilleur accès des femmes aux opportunités économique et au marché du travail.
Pour ne citer que l’exemple du Nouveau modèle de développement qui table sur une augmentation du taux d’activité des femmes pour atteindre le niveau de 25% en 2025 et de 45% en 2035 et un Accroissement du nombre des femmes dans les postes d’emplois supérieurs pour s’établir à 20% en 2025 et à 35% en 2035.
Selon les 5 scénarios figurant dans la feuille de route du NMD, les gains potentiels de création de richesse découlant de la hausse des niveaux d’activité des femmes à l’horizon 2035, vont d’une hausse additionnelle moyenne du PIB réel par habitant (PIBH) de 1,7 point de croissance durant la période 2022- 2035 à une amélioration du niveau de vie de la population à un rythme bien supérieur et ce, sous l’effet cumulé du relèvement des taux d’activité des femmes et des gains de productivité. Cette progression pourrait s’établir à 5% en rythme annuel durant la période 2022-2035, induisant ainsi une multiplication par 2,1 du PIBH, ce qui représenterait un gain substantiel du niveau de vie à l’échelle nationale.
Dans le contexte actuel et si la vapeur n’est pas inversée, l’objectif de porter le taux de participation économique des femmes à 30% durant ce mandat, semble filer entre les doigts de l’exécutif sans parler de l’ambition du NMD.
Faut-il rappeler que l’actuel gouvernement a placé l’augmentation de l’activité des femmes de 20 % à plus de 30 % comme l’un des 10 principaux engagements de ce mandat.
Le gouvernement s’est engagé ainsi à mettre en œuvre une politique volontariste de soutien à l’activité économique des femmes, qui consiste à financer le programme de développement de l’offre nationale de crèches et de stimuler la mobilité professionnelle, afin de servir les femmes actives ou souhaitent exercer une activité professionnelle. Il s’est engagé également à lutter contre la vulnérabilité des femmes. A la lumière de la situation actuelle, il a vraiment du pain sur la planche.
Que faut-il faire ? Nous n’allons pas rabâcher une fois de plus ce que tout le monde sait déjà, accès à l’éducation, protection contre la violence, sensibilisation… La question est de savoir si la volonté et le courage politiques sont là pour une mise en œuvre réelle de la parité inscrite dans la constitution, dont il découlerait une adaptation de tous les textes réglementaires à ce principe constitutionnel vieux de 11 ans déjà. Ça sera un premier signe de la prise de conscience de nos acteurs politiques de l’importance de la femme dans le développement du pays. Le reste suivra !