Ecrit par S. Es-Siari |
L’analyse du Budget 2022 par l’économiste Najib Akesbi fait ressortir des constats qui méritent d’être pris en considération si l’on souhaite sortir des sentiers battus d’une faible croissance voire d’une économie à faible valeur ajoutée. Faute de quoi, les équipes au pouvoir, pris dans le halo de l’incertitude, continueront à ramer à contre-courant.
Le PLF2022 se veut ambitieux tout en s’articulant autour des axes suivants à savoir la relance, la réforme des Entreprises et établissements publics, la protection sociale et le renforcement du capital humain. Une orientation qui a tout son sens après la crise sanitaire sévère liée au Covid19 qui a pesé lourdement sur les différents agrégats macroéconomiques. Toutefois et bien que le PLF2022 soit ambitieux, le gouvernement actuel, à l’instar des précédents, veille toujours à la préservation des équilibres macroéconomiques.
Un paradoxe selon l’économiste Najib Akesbi qui tout en analysant le PLF2022 s’interroge sur comment l’Etat va-t-il pouvoir concilier entre la relance économique tant escomptée et la préservation desdits équilibres macroéconomiques et ce en l’absence d’une réelle volonté de réformes.
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Les hypothèses du PLF2022 fragiles
Avant d’entrer dans le vif du sujet, Akesbi s’arrête sur les hypothèses qu’il considère comme étant très fragiles pouvant aller même à l’encontre des objectifs arrêtés dans le PLF2022. Il donne l’exemple des cours du baril dont le PLF se base sur 65 $ le baril. Or, depuis plusieurs semaines, le cours dépasse 80 $ le baril. Idem pour le gaz butane, le PLF2022 table sur 450 $ la tonne au moment où elle dépasse les 800 $. Le même raisonnement est valable pour la compagne agricole de 80 Mqx sachant qu’à mi-novembre, les précipitations tardent toujours à démarrer. Des hypothèses optimistes qui risquent d’être chamboulées à tout moment.
Le Maroc pris dans la spirale de la dette
L’économiste part du fait que les recettes attendues pour l’exercice 2022 s’établissent à 255 Mds de DH qui proviennent aussi bien des recettes fiscales que non fiscales. Les recettes fiscales représentant 91% des recettes ordinaires.
Concernant les dépenses ordinaires comprenant les dépenses de gestion, les intérêts de la dette publique, les charges communes…, elles se chiffrent à 270 Mds de DH. Partant de là, le déficit budgétaire se chiffre à 15 Mds de DH.
Mais ce n’est pas fini. En matière de dépenses, il ne faut pas faire fi des dépenses liées à l’investissement arrêtées pour l’année 2022 ( 87 Mds de DH) et le remboursement des dettes antérieures (61 Mds de DH). « A ce titre, le déficit budgétaire est de 164 Mds de DH soit plus de 16% du PIB », alerte N. Akesbi.
Pis encore, étant donné le déficit budgétaire en forte détérioration, l’Etat est appelé à appuyer davantage sur la pédale de l’endettement pour couvrir juste une partie de son besoin de financement et surtout rembourser une partie de son endettement.
En 2022, l’Etat va contracter une nouvelle dette de 105 Mds de DH pour réduire le déficit budgétaire de 164 Mds de DH à 59 Mds de DH. C’est celui déclaré dans le PLF2022 et représentant 5,9% du PIB. En l’absence d’une réelle volonté de réformes, les mêmes causes continueront à produire les mêmes effets. Le seul moyen de sortir du labyrinthe, selon Najib Akesbi, n’est autre que l’endettement. Ce qui explique l’engrenage du déficit structurel de l’Etat.
Si l’on prend rien que l’année 2022, l’Etat va s’endetter à hauteur de 105 Mds de DH et rembourser 90 Mds de DH. Ces 90 Mds de DH représentent pratiquement le 1/3 des impôts collectés. C’est l’équivalent même de 4 fois le budget de la santé.
Forte concentration des dépenses publiques
La ventilation des dépenses soit 419 Mds de DH, fait ressortir que la gestion (salaires, charges communes, subventions…) se taille une part de 60%, l’investissement une part de 20% et le service de la dette publique 20%.
Ajoutons à cela que les budgets du ministère de l’Intérieur et de la sûreté nationale s’accaparent 100 Mds de DH soit 30% des dépenses du Budget. L’enseignement 24% des dépenses. Les charges communes (subventions, compensation, retraite) représentent 70 Mds de DH soit 21%. C’est pour dire que 3 fonctions s’accaparent les ¾ des dépenses. Les autres ministères toutes catégories confondues absorbent les 28% restants. Une situation à déplorer fortement.
Elle reflète sans aucune surprise la situation qui prévaut depuis plusieurs années dans notre économie. En l’absence de réformes audacieuses réelles, les équipes vont changer, la situation, elle resterait de marbre (faible valeur ajoutée, hausse du taux de chômage, disparités sociales et spatiales trop criardes…).