Les dépenses fiscales en 2018 atteindront 29,27 Mds de DH, soit un peu plus de 600 MDH par rapport à 2017. Toujours est-il les dépenses fiscales adoptées par les Lois de Finances après 2015 sont de moins en moins importantes, aussi bien en termes d’effectif qu’en termes de coût.
D’après le rapport sur les dépenses fiscales, réalisé par le ministère de l’Economie et des Finances, 91% des mesures dérogatoires ont été adoptées antérieurement à 2015. Ces mesures représentent en termes de coût plus de 97% des dépenses fiscales constatées en 2018.
Dans un contexte de raréfaction des ressources de l’Etat, des voix se lèvent pour dénoncer le manque à gagner que constituent ces dépenses pour l’Etat. On parle même de niches fiscales inefficientes qui coûtent au budget de l’Etat et qu’il faut supprimer !
Un discours que rejette en bloc El Mehdi Fakir, économiste et expert-comptable : « On ne peut pas supprimer les dépenses fiscales, du jour au lendemain, d’un coup et sans étude d’impact. Les personnes qui avancent que les niches fiscales se chiffrent à 34 milliards de DH, il faut qu’ils défendent leur thèse avec des éléments d’informations concrets. Même lorsqu’on dit qu’une dépense fiscale n’est pas efficiente, il faut argumenter son propos avec des éléments chiffrés. Avec tous mes respects pour les économistes qui avancent ces thèses mais lequel a-t-il déjà réalisé une étude d’impact sur une dépense donnée avant de la qualifier de niche fiscale ? Serait-ce logique pour ces gens de supprimer l’exonération des ventes portant sur les appareillages spécialisés destinés exclusivement aux handicapés ? ».
Sur 295 mesures fiscales pour 2018, 267 d’un montant de 28,3 Mds de DH sont antérieures à 2018, c’est dire que l’Etat a inversé la vapeur. En 2018, dont le rapport des dépenses fiscales est plus détaillé, selon le nouveau référentiel cible, les ménages ont profité de 92 dépenses fiscales (soit 32 % du total des mesures pour l’année) pour un montant de 13,206 Mds de DH, soit 46% du montant des dépenses. Les entreprises ont, elles, profité de 152 mesures (soit 52 % des mesures) pour un montant de 14,521 Mds de DH, soit 51 % du montant total des dépenses fiscales pour 2017.
Cette propension dédiée aux entreprises est toujours avancée comme argument justifiant la réduction voire la suppression de certaines dépenses fiscales dédiées à certains secteurs d’activité. Une thèse qui ne tient pas la route selon El Mehdi Fakir : « C’est facile de tenir ce discours simpliste que l’Etat perd chaque année 34 Mds de DH en niches fiscales, mais c’en est une autre chose d’avancer des arguments concrets. Ces dépenses profitent à tous dans un pays qui veut désenclaver, réduire les disparités territoriales, etc. comment y parvenir sans leviers fiscaux ? ». Il avance comme exemple l’exonération à l’importation des biens d’équipement, matériels et outillages nécessaires à la réalisation des projets d’investissement portant sur un montant égal ou supérieur à 100 MDH. Une mesure qui vise à encourager l’investissement, et par conséquent la création d’emplois et de richesse.
Le ministère soutient dans son rapport qu’en termes de structure, l’Etat continue d’accorder plus de dérogations fiscales aux ménages. Leur part dans le total des mesures dérogatoires a augmenté de 25% à 32% et dans le coût global des dépenses fiscales de 33% à 46%.
« Aujourd’hui, nous ne pouvons pas sans une étude d’impact claire évaluer de l’efficience des dépenses fiscales. Mieux encore, il faut aller dans les détails de ces dépenses, d’ailleurs, le rapport annuel est là pour tracer qui en bénéficie… », précise El Mehdi Fakir.
Mais sa position n’est pas radicale pour autant : « Si certaines dépenses sont inefficientes, il faut les supprimer toujours est-il en se basant sur des études concrètes, mais appeler à supprimer toutes les dépenses fiscales, c’est également remettre en cause l’intégrité de l’administration fiscale mais également ses compétences. L’Etat ne fait pas de cadeau ».
Pour l’économiste, ce type de débat n’a pas lieu d’être ni débattu que dans un seul contexte : « Ce genre de décisions peut-être débattu dans le cadre des prochaines assises de la fiscalité prévues en avril 2019, sur la base d’éléments concrets », conclut-il.