Pour l’économiste et ancien ministre, Said Saâdi, le développement économique du Maroc nécessite un Etat démocratique, développeur et social. Un Etat qui a une vision claire, dont les fondements sont basés sur le développement, le leadership et avoir la capacité administrative et institutionnelle pour le faire.
« Nous avons besoin d’un projet pour donner confiance aux jeunes », c’est ainsi que s’est adressé Mohamed Saïd Saâdi, l’économiste et ancien ministre, à l’assistance lors d’une journée d’étude à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales-Souissi. La rencontre placée sous le thème « Maroc : Le modèle en question ».
Citant l’économiste Aziz Belal, Said Saâdi rappelait que le développement est comme une totalité. Comment y parvenir ? « Il n’y pas 36 solutions. Dans les expériences réussies, on retrouve l’Etat démocratique, développeur et social. Un Etat qui a une vision claire, dont les fondements sont basés sur le développement, le leadership et la capacité administrative et institutionnelle pour le faire ». Aussi, Said Saadi estime-t-il qu’il ne faut surtout pas laisser le marché faire le développement.
Par stratégie active, l’économiste et ancien ministre entend une politique industrielle active, et cela passe par la maîtrise des relations extérieures du Maroc au profit de la production nationale. « Cela passe par le protectionnisme temporaire et sélectif quand des pans de l’industrie sont menacés », défend Said Saadi. D’ailleurs les exemples sont légion notamment de grandes puissances économiques et industrielles qui n’hésitent pas à faire jouer la carte du protectionnisme quand cela défend les intérêts suprêmes de leurs pays.
L’économiste exprime même le besoin d’une banque publique de développement face à un secteur bancaire privé qui participe à hauteur de 10% seulement au financement de l’économie.
In fine, l’idée défendue est de créer un cercle vertueux : Une amélioration de la croissance économique booste les indicateurs sociaux, ce qui se répercute favorablement sur la productivité.
Les contraintes à soulever
« Pour cela, il faut relever certaines contraintes notamment externes (Policy space). Il faut avoir la liberté d’agir pour que les relations extérieures du Maroc soient en ligne avec les décisions souveraines du pays en matière de développement », Note Said Saâdi. Mais il ne se fait pas d’illusion : Cela est difficile quand le pays est tenu par des engagements, allusion faite à la ligne de précaution et de liquidité qui arrive à terme en juillet 2018. Et on cherchera encore un arrangement alternatif avec le FMI pour conforter son économie, comme le déclarait en début d’année le ministre des Finances, Mohamed Boussaid.
D’ailleurs, l’intervenant martèle que le Maroc s’est inscrit depuis 2011 dans une politique d’austérité.
Il ne manque pas d’ailleurs de revenir aux Accords de libre-échange (ALE), comme deuxième contrainte au développement du pays. « Avec des accords pareils, le Maroc ne peut pas s’industrialiser. Et avec une Union européenne en crise, il faut faire attention à ce que le Maroc ne soit pas sous impérialisme, qui fait craindre nos amis africains », explique-t-il.
Pour lui, ces contrats doivent être révisés : « Ce n’est pas un tabou ! Trump est entrain de réviser NAFTA. Le Royaume Uni a opéré un Brixit. L’Inde est en train de réviser certains accords commerciaux », argumente-t-il.
Le modèle à venir doit plus se tourner vers une demande interne qu’il faut « solvabiliser ». Sur le volet industrialisation, l’économiste n’y va pas par quatre chemins : « Il nous faut une industrie qui satisfait les besoins de base de la société. Les métiers mondiaux du Maroc ce n’est pas ce que j’appelle de l’industrialisation du pays, mais de la sous-traitance », lance-t-il.
Pour Said Saadi, l’un des blocages du modèle économique marocain est la concentration des pouvoirs économique et politique. Il dénonce d’ailleurs les privilèges accordés à une petite minorité de Marocains : d’où le pouvoir oligarchique, avec des effets néfastes sur les autres entreprises, notamment les PME qui n’ont pas voix au chapitre, poursuit-il. D’ailleurs en matière fiscale, il souligne qu’il y a besoin d’audace, faisant allusion à l’impôt sur la fortune relégué aux calendes grecques. Ou encore la problématique de la fuite de capitaux, que le Maroc semble laisser faire !
Il pointe également du doigt le blocage socioculturel, « il faut voir comment se débarrasser des aspects négatifs de la tradition et capitaliser sur les aspects positifs pour aller de l’avant ».
Si l’économiste est pour la repolitisation du débat économique, il dénonce le conflit d’intérêt : « Faut-il rappeler l’article 36 de la Constitution sur les infractions relatives aux conflits d’intérêts, aux délits d’initié … », rappelle-t-il.
Fervent défenseur de l’approche genre, pour Said Saâdi « Le développement ne se réalisera pas sans un consensus social fort qui sert les intérêts majeurs de la nation. Ces luttes sociétales que nous vivons sont un signe d’espoir dans le changement des rapports de force ».
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