L’augmentation des tarifs de l’eau distribuée pour les clients « Entreprises » de Lydec réveille de vieux démons. On s’interroge pourquoi le délégataire est plus assidu lorsqu’il s’agit d’appliquer les augmentations tarifaires contenues dans le contrat programme Etat-ONEE, que lorsqu’il s’agit d’investir dans les moyens pour améliorer le rendement de son réseau de distribution.
Résolument la récente augmentation des tarifs d’eau et assainissement liquide appliqués à la catégorie « entreprises » ne passe pas. D’abord parce qu’il s’agit de la même matière distribuée pour tous, pour le même usage, sachant que chaque catégorie est tenue de payer l’eau consommée. Une discrimination, martèlent les clients Entreprises, qu’on ne peut justifier juste par la légalité de cette augmentation. Un service public, ironisent-ils !
Le gestionnaire délégué joue-t-il la carte de la facilité au lieu de faire actionner d’autres variables notamment l’amélioration du rendement de son réseau de distribution ? En effet, les usagers sont devenus plus avertis et plus attentifs aux éléments qui entrent dans le coût de l’eau qu’ils consomment surtout s’ils assument un coût financier qu’on peut facilement diminuer. Et le rendement est justement un élément qui impacte les tarifs selon qu’il soit mauvais, moyen ou bon.
En 2017, Lydec a distribué pour 156 millions de m3 d’eau à travers un réseau de 6.188 Km, le plus long d’ailleurs au Maroc, avec un taux de rendement de 76,56 %. Le reste, un peu plus de 30 millions de m3 ( l’équivalent de la consommation d’une ville comme Kénitra ) est perdu dans la nature et pourtant facturé aux clients. C’est un composant du tarif aussi bien appliqué par Lydec que par toute autre régie de distribution.
Et encore, selon les prévisions de la direction des régies et des services concédés relevant du ministère de l’Intérieur, Lydec devait atteindre un taux de rendement de 80%, jugé très bien, en 2017. Fautes d’investissements ? En fait, le renouvellement d’un réseau d’eau doit être érigé parmi les priorités vu le coût et risque que représente un réseau âgé ou mal entretenu. Mais cela un coût surtout lorsqu’on a en charge le réseau le plus important du Maroc. Mais avec un résultat net de 200 millions de DH au titre de l’exercice 2017, pour un « service public », Lydec peut mieux faire.
Cela va également au renouvellement des compteurs défaillants, puisque le comptage permet de mesurer approximativement les flux et surtout réagir en cas d’anomalies de manière à assurer la performance et préserver la ressource.
Le rendement sujet secondaire
Faut-il rappeler aussi le Comité de suivi de la gestion déléguée à sa responsabilité en matière de veille à la performance des réseaux de distribution, pas uniquement de Lydec. Le mode de gestion déléguée a été adopté par certaines communes dès 1997, pour faire participer le secteur privé au financement des investissements et à la gestion des services publics d’assainissement liquide et de distribution d’eau et d’électricité. Quatre contrats de gestion déléguée sont actuellement en vigueur : Lydec à Casablanca depuis août 1997, Redal à Rabat depuis janvier 1999 et à Amendis à Tanger et à Tétouan depuis janvier 2002. Dans ces régions, le réseau ne cesse de s’allonger pour desservir plus de clients, ce qui pose la problématique de la mobilisation de nouvelles ressources. Autant sécuriser l’existant dans un pays en stress hydrique !
L’importance de l’eau comme denrée rare a été d’ailleurs rappelée dans le Discours du Trône : « Notre souci constant d’améliorer la situation sociale générale et de relever les défis économiques n’a d’égal que Notre engagement actif à préserver et à valoriser les ressources stratégiques de notre pays. En la matière, au premier chef, l’eau joue un rôle clé dans la dynamique de développement et dans la préservation de la stabilité. Dieu dit dans le Saint Coran : ” Nous avons fait de l’eau toute chose vivante”. A cet égard, le Plan national de l’Eau doit apporter des remèdes aux problématiques de gestion des ressources en eau, au cours des trente prochaines années. En ce qui les concerne, le gouvernement et les institutions compétentes sont appelés à prendre des mesures d’urgence et à mobiliser tous les moyens disponibles pour traiter les situations urgentes liées au faible approvisionnement des habitants en eau potable et à la fourniture des volumes d’eau destinés à l’abreuvement du cheptel, particulièrement pendant la saison d’été ».
A l’heure où l’on s’attend à un deuxième contrat-programme Etat-ONEE, faut-il d’abord que tous les engagements pris pour 2014-2017 soient honorés.
Ce qui s’applique aux délégataires vaut pour toutes les autres régies
A quoi servirait de mobiliser une ressource pour en perdre le quart en cours de route ?
Si l’on prend le cas de la Régie autonome de distribution d’eau et d’électricité de Fès. En 2012, et selon les chiffres de la direction des régies et des services concédés relevant du ministère de l’Intérieur, la RADEEF a un taux de rendement de 60,79%, soit un indice de perte de 27,8%, pour un réseau de 2.615 km et un volume d’eau vendue de 46 millions de m3. Selon les prévisions de la Direction des régies, il est prévu qu’en 2017, la RADEEF puisse atteindre un rendement de 73,5% et réduire son indice de perte à 15,7 pour un volume vendu d’eau de 53 millions de m3. Plus de 10 millions de m3 sont perdus en cours de distribution en 2012. Le Maroc compte au total 12 régies, qui ont des taux de rendement qui varient entre 60 et 79% pour la plus performante, pour un volume vendu d’eau de plus de 250 millions m3. Alors refaites vos calculs !