Le CVE et les banques devront accorder leurs violons en ce qui concerne la mesure du report des échéances bancaires notamment en matière des intérêts intercalaires. Explications.
La pandémie du Covid-19 est tombée comme un couperet mettant politiciens, financiers et toute la sphère économique et sociale sous pression. Même la plus pessimiste des hypothèses n’aurait prévu un tel scénario pour l’année 2020. Mais ce qui devait arriver arriva. Les membres du gouvernement El Otmani ont dû enfiler des tenus de super-héros pour tenter de gérer, tant bien que mal, cette crise sanitaire dont les retombées économiques et sociales seront très lourdes.
Mais avant de se pencher sur le futur, concentrons-nous sur le présent. Et concrètement sur les mesures économiques, fiscales et sociales prises par le gouvernement pour atténuer l’impact de la crise liée au Covid-19 sur le tissu économique. Rappelons que cela était l’une des priorités sur laquelle le Comité de veille économique s’est attaqué.
Justement, parmi les mesures prises par le CVE lors de la 2ème réunion en date du 19 mars, figure le report des échéances des crédits bancaires immobiliers et à la consommation pour les entreprises en difficultés ainsi que pour les personnes qui vont voir leurs revenus baisser et ce jusqu’à fin juin 2020.
Une mesure tant attendue puisqu’en raison de la conjoncture, de l’Etat d’urgence sanitaire et de la mise en arrêt de plusieurs activités économiques, bon nombre de citoyens (entreprises et particuliers) sont dans l’incapacité d’honorer leur engagement contractuel envers les banques, les sociétés de crédit ainsi qu’envers les sociétés de leasing.
10 jours plus tard, soit le 28 mars, le GPBM (membre du CVE) diffuse un communiqué officiel (consultez le document) de l’opérationnalisation des mesures prises par les banques dans le cadre du Comité de Veille Économique pour le soutien et l’appui aux ménages et aux entreprises directement touchés par les conséquences du Covid-19 à partir du lundi 30 mars 2020.
Il précise clairement dans le premier point que « les ménages et les entreprises directement impactés par le Covid-19 bénéficieront d’un report, sur demande, des échéances des crédits amortissables et de leasing de mars au 30 juin 2020 sans frais ni pénalités de retard ».
Sans aucun doute et à moins que l’on ne maîtrise pas la langue de Molière, le GPBM précise noir sur blanc que cette mesure exceptionnelle décidée par le CVE n’engendra aucun vrai supplémentaire ni intérêt.
Trop beau pour être vrai ?
Cet engagement des banques dans l’effort national leur a valu des éloges mais de courte durée. Et pour cause, dès l’entrée en vigueur de cette mesure, des voix se sont levées pour dénoncer la non-application de la mesure annoncée par le CVE.
L’enthousiasme d’une bouffée d’oxygène pour tous ceux qui sont touchés par la crise s’est rapidement transformé en indignation et surtout en incompréhension.
Et pour cause, les banques auraient introduit dans la demande de suspension des échéances de crédit une clause non pas très claire, selon les témoignages que nous avons recueillis.
Ceux qui ont manifesté leur intérêt pour bénéficier de cette mesure ont été contraints de signer une demande où ils s’engagent à « accepter de façon irrévocable et inconditionnelle toutes les modifications résultantes de cette suspension qui impacteront le tableau d’amortissement afférent audit crédit notamment le montant de l’échéance, le capital restant dû et les intérêts ».
Cette clause laisserait-elle aux banques une marge de manœuvre pour appliquer des intérêts ? C’est du moins ce que les bénéficiaires ont constaté. Nous avons reçu plusieurs réclamations de nos lecteurs qui dénoncent la non-application des informations que nous relayons sur les mesures du CVE.
Nous avons également appris que plusieurs entreprises ont même déposé des réclamations auprès du gouvernement pour l’obliger à tirer au clair ces zones d’ombre.
Autant le dire manifestement et éclairer sur ce flou qui enveloppe une mesure de soulagement prévue par le CVE qui n’a de soulagement que le nom. Ce serait plutôt de la poudre aux yeux.
Il ne s’agit nullement d’attaquer ou accabler le secteur bancaire, comme laisse insinuer le GPBM dans un communiqué publié ce lundi 20 avril où il précise que « le secteur bancaire exprime son indignation face aux critiques injustifiées d’une certaine minorité dont ces braves « soldats » font l’objet, risquant de porter préjudice à cette union et à cette solidarité nationales citées comme ». Mais l’objectif étant de tirer les choses au clair : les banques sont-elles dans leur droit en appliquant des intérêts intercalaires ?
Une question légitime sachant que les banques, dans des échanges que EcoActu.ma a pu consulter, exigent des intérêts intercalaires aux entreprises ayant demandé le report de leurs échéances.
Ce qui est en contradiction avec la note même du GPBM en date du 29 mars voire même avec le ministère de l’Economie et des Finances qui spécifie clairement dans des capsules de sensibilisation sur le report des échéances qu’aucun intérêt ne sera appliqué (Voir capsule).
Le CVE et les banques devront accorder leurs violons parce que, à date d’aujourd’hui, les entreprises et les particuliers ne savent plus à quel Saint se vouer. Qui croire ? Que faire lorsque l’on se retrouve entre le marteau (Covid-19) et l’enclume (banques) ? A quoi jouent les banques ? Pourquoi le CVE ne lève-t-il pas le voile sur cette imprécision ?
Nous avons contacté depuis plusieurs jours les différentes parties prenantes pour éclairer l’opinion publique sur cette disposition qui manque de netteté, mais au moment où nous écrivons ces lignes, nous n’avons toujours pas reçu de précisions. Affaire à suivre…
2 Commentaires
nous avons demande mainte fois a l’établissement bancaire dont nous somme client le changement du contrat de report mais sans suite jusqu’à présent
Arnaque ou mauvaise foi. En tout cas les banques ont toujours été absents quand il s’agit de citoyenneté. Je conseille aux personnes intéressées d’annuler par email la demande de report d’échéance et de laisser les deux ou trois prochaines échéances impayées. La régularisation se fera après rétablissement de la situation financière de tout le monde. En tout cas ça reviendrait beaucoup moins chers que le report d’échéance.