Quel est l’avenir de la finance verte au Maroc ? De quels avantages bénéficie-t-elle par rapport au financement classique ? Comment le régulateur compte dynamiser ce segment ?
Des questions auxquelles, Abderrahim Bouazza, Directeur Général de Bank Al-Maghrib, a répondu en marge des Deuxièmes Assises nationales du Leasing.
EcoActu.ma : Le marché financier a connu en 2016, soit en marge de la COP22, une levée importante de green bonds par les banques marocaines. Toutefois, ces émissions n’ont profité qu’au financement des grands projets notamment des énergies renouvelables. A quoi peut-on imputer cet état de fait ?
Abderrahim Bouazza : Il faut savoir que nous sommes au tout début du financement durable au Maroc. La feuille de route relative à la finance verte a été élaborée en 2016 lors de la COP22. L’écosystème est toujours en phase de se mettre en place avec tous les prérequis nécessaires notamment la compréhension de certaines notions à savoir les enjeux climatiques, les risques financiers liés au changement climatique…
Malgré ces questions complexes, nous constatons que les banques ont pris des initiatives pour intégrer dans leur processus décisionnel d’investissement et de financement les principes environnementaux. Des initiatives qui se sont traduites par la mobilisation de ressources vertes via quelques émissions vertes. Toutefois, l’intérêt porté à ce segment ne s’est toujours pas développé. D’autant plus, les gros émetteurs qui se sont intéressés à ce segment ont orienté les ressources vertes vers de grands projets. Cela dit, nous espérons aujourd’hui que cette dynamique puisse continuer et se développer avec, bien entendu, la contribution de l’ensemble des acteurs notamment les compagnies d’assurance, les sociétés de leasing…
Une dynamique qui profiterait aux PME sur deux plans :
- Les entreprises doivent s’aligner sur les enjeux environnementaux et sociaux et s’adapter à intégrer les enjeux climatiques dans leur processus de fonctionnement et de production.
- Les banques de financement doivent s’adresser à cette catégorie d’entreprises pour leur apporter les financements nécessaires afin d’encourager les projets verts et durables.
Le processus est certes long mais je reste confiant des opportunités à saisir dans le développement durable.
Outre la connotation du vert dans le mot green bond, ces émissions sont dépourvues d’incitations. Ceci peut-il constituer un frein au développement de la finance verte dans notre pays ?
Il est clair que sans incitations, les entreprises continueront sur les mêmes systèmes de fonctionnement et de production. Ce qui est souhaitable c’est qu’il y ait des incitations et de les aligner aux solutions de financement durable.
Quel rôle doit jouer BAM pour impulser le dynamisme du marché financier vert ?
Cette feuille de route que BAM a réalisée avec l’ensemble des parties à savoir le ministère des Finances, les banques, les assurances, les régulateurs du système financier est en soi une avancée. Cela dit, cette feuille de route est aujourd’hui basée sur des engagements volontaristes et volontaires des acteurs financiers et non pas une feuille de route qui s’impose. C’est pourquoi, nous réfléchissons actuellement à passer à une autre étape à savoir mettre un cadre un peu plus exigeant qui accompagne la finance durable qui pose des questions très complexes en matière de différenciation entre les actifs verts et ceux bruns ou carbonisés.
Donc afin de faciliter aux banques de pouvoir faire cette différenciation, il est nécessaire de mettre des normes. Ensuite, se pose la question des risques de transition pour orienter les ressources d’un secteur carbonisé vers un secteur non carbonisé.
Dans ce sillage, la Banque centrale peut édicter des normes pour assurer une transition équilibrée dans de meilleures conditions.
Sans oublier le volet de la sensibilisation et l’éducation financière sur lesquels il faut faire un effort conséquent.
Dans quelle mesure le leasing peut-il contribuer à promouvoir le financement du développement durable et inclusif ?
Je pense que leasing a toujours su s’adapter aux mutations de l’environnement économique et financier, a pu diversifier ses produits et ses risques en passant par le leasing immobilier, ensuite le fonds de commerce, le leasback…
En plus, le leasing est un mode de financement assez souple qui me paraît le mieux adapté pour financer les équipements et des projets durables. Et donc contribuer de façon très active dans le développement du financement durable. Il doit également se tourner vers les régions étant donné qu’avec la régionalisation avancée les décisions d’investissement et par conséquent les projets de développement durable seront de plus en plus portés par les régions et non pas l’administration centrale.