Ecrit par S. Es-Siari |
Se projeter sur les nouveaux défis qui guettent les finances publiques est tout l’enjeu du Colloque international des finances publiques co-organisé par la Trésorerie générale du Royaume (TGR) et Fondafip depuis plusieurs années. La 14é édition qui se tient aujourd’hui sous la thématique : « Les grands défis des finances publiques du 21 -ème siècle » se veut d’une importance cruciale pour le Maroc étant donné l’essoufflement de nos finances publiques face aux crises qui éclatent.
Les crises se succèdent, ne se ressemblent pas… mais elles ont un dénominateur commun la fragilité des finances publiques.
Lancer par ailleurs la réflexion sur les nouveaux défis revêt un grand intérêt eu égard au contexte marqué par le lancement du nouveau modèle de développement qui exige un changement de paradigme voire une nouvelle doctrine budgétaire pour répondre à toutes ces questions d’avenir où l’élément humain occupe une place de choix. La refonte budgétaire occupe une place de premier rang dans les réformes structurantes que mène le Maroc.
Et pour cause, le Maroc aura à faire face à d’anciennes problématiques qui reviennent sans cesse notamment la croissance génératrice de revenus, les changements climatiques, les flux migratoires, la prise en charge des personnes vulnérables, l’emploi des jeunes…
Il faut dire qu’au cours des dernières années, le Maroc à l’instar d’autres pays a pris conscience que l’économique ne pourrait réussir sans le social. « La volonté politique dans ce domaine a été manifeste et s’est rapidement traduite par de nouveaux projets et programmes à vocation aussi bien corrective ou curative que préventive et proactive », annonce à juste titre Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’économie et des finances dans son discours lors de cette 14è édition du colloque international des finances publiques.
La fragilité des finances publiques mise à nu
Toutefois et bien que les Lois de Finances précédentes ont essayé de répondre à cette épineuse question qu’est l’humain, il n’en demeure pas moins que l’Etat a encore du pain sur la planche. La crise sanitaire du Covid19 a bien rappelé les fragilités de nos finances publiques. Comment dès lors répondre suite aux mesures de restriction à tous ces besoins naissants aussi bien du côté de l’offre que de la demande avec des finances publiques aussi fragiles ? Comment le faire sans pour autant appuyer très fortement sur la pédale de l’endettement ?
Les années 80 marquées par l’Ajustement structurel sont encore fraîches dans toutes les mémoires. Une période où le Maroc a perdu tous ses repères pour se voir affliger les diktats du Fonds monétaire international.
Justement pour ne pas détériorer davantage la situation, un fonds de solidarité a été mis en place sous les directives de SM le Roi pour soutenir aussi bien les entreprises que les ménages afin qu’elles puissent faire face aux imprévus de cette crise sanitaire sans précédent.
Ce faisant, le Maroc est en train de se dessiner les contours d’un nouveau contrat social et dans ce cas de figure, la question de financement se pose avec acuité.
Comment assurer des financements alternatifs et intelligents à cette couverture pour une population de plus en plus exigeante, de plus en plus consommatrice de soins mais aussi et surtout vieillissante et plus exposée aux affectations de longue durée ?
L’Etat a besoin de moyens
Outre les enveloppes budgétaires allouées de part et d’autre, il est aussi question de rationalisation de la dépense publique et d’évitement des déperditions financières qui qu’on le veuille ou pas plonge le budget de l’Etat. Il suffit de feuilleter les rapports de la Cour des Comptes pour s’apercevoir que la gestion de la chose publique souffre foncièrement de lacunes mortifères pour un pays qui n’arrive pas à assurer une croissance durable, inclusive et pérenne.
C’est pour dire que la bonne gouvernance se veut une panacée pour sortir des sentiers battus de la mauvaise rationalisation de la dépense publique et, par ricochet, réduire les inégalités sociales et spatiales devenues au fil de l’eau trop criardes.
A cette fin et comme l’a si bien dit le trésorier général du Royaume : « La programmation budgétaire pluriannuelle reste cruciale. Elle permet de déterminer des objectifs à réaliser sur des périodes plus ou moins longues et d’en évaluer le résultat obtenu ».
Inutile de rappeler qu’en matière de santé, le financement se pose avec acuité. A cet effet, « L’analyse par les nations unies de la performance des systèmes de santé montrait que le Maroc occupait un rang en rapport avec l’état de santé de la population (110 ème), ou le niveau d’équité (111 ème).
Aussi, le groupe de recherche (GBD 2015, Lancet 2016) sur la performance des systèmes de santé a montré que le Maroc présentait des caractéristiques de financement et de niveau de santé peu optimaux et faibles avec un classement à la 109 ème place mondiale », annonce le Pr. Jaâfar Heikel lors du présent Colloque.
Pour faire face, le Maroc recourt systématiquement à l’endettement sans pour autant atteindre les indicateurs de performance souhaités.
La problématique de l’endettement excessif pour surmonter les problèmes a fait d’ailleurs objet de débat. Et pour cause les Etats ne peuvent continuer à s’endetter à l’infini.
Cette problématique de l’endettement est la suite logique à l’incapacité de mobiliser des recettes fiscales dans un monde marqué par la délocalisation des assiettes fiscales et l’accentuation de l’évasion et de la fraude fiscale.
Les crises ont par ailleurs mis en évidence l’importance de l’intervention des Etats. Mais comme a dit le trésorier général du Royaume : « Avec une grande nuance, c’est l’Etat et le marché, c’est le public et le privé ». Et comme l’a par ailleurs souligné Michel Bouvier, président de Fondafip : « c’est un modèle politique nouveau » où une complémentarité est recherchée entre les analyses keynésiennes et les modèles libéraux classiques.
Autrement dit, le secteur privé se doit d’être davantage responsable et entreprenant de participer à l’effort de l’inclusion et protection sociale.