La Cour des comptes a rendu public son rapport sur la gestion des parcs nationaux. En guise de préambule, la Cour des comptes rappelle que la préservation de la biodiversité est devenue une préoccupation de plus en plus importante à l’échelle internationale. A ce titre, les aires protégées constituent la pierre angulaire de l’action des États pour l’atteinte des objectifs de sauvegarde de la biodiversité et son utilisation durable.
« Le Maroc fait partie des pays méditerranéens les plus riches en diversité en termes de végétation et de faune. Cette diversité confère au pays une valeur patrimoniale exceptionnelle dans le domaine de l’environnement naturel », informe la CC dans le présent rapport. Et d’ajouter : « Au niveau du bassin méditerranéen, la biodiversité marocaine occupe la seconde place après celle de la région anatolienne (Turquie), avec un taux d’endémisme global de 20% ».
Au Maroc, les parcs sont actuellement au nombre de 11 (Toubkal, Ifrane, Souss-Massa, Khénifra, Iriqui, Haut atlas oriental, Khenifiss, Talassemtane, Al Hoceima, Tazekka et Dakhla) et s’étendent sur une superficie globale de 2,84 millions d’hectares. La gestion de ces parcs est assurée actuellement par le département des eaux et forêts relevant du ministère de l’agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts.
Compte tenu du rôle central des aires protégées dans la préservation de la diversité biologique, ainsi que des menaces et pressions, susmentionnées, auxquelles sont exposés les écosystèmes, l’institution de Driss Jettou a entrepris une mission d’évaluation de la gestion des parcs nationaux et de leur contribution à la protection de la biodiversité de notre pays. Selon le rapport de diagnostic de la stratégie nationale de développement durable élaboré en 2014 par le département en charge de l’environnement, le nombre d’espèces menacées s’élève à 600 espèces d’animaux et 1 700 espèces de plantes sur 7 000 identifiées.
Cette évaluation entreprise par la Cour des Comptes a porté sur l’examen des aspects liés au cadre juridique des parcs nationaux et de leur gouvernance, ainsi que sur l’appréciation du processus de gestion opérationnelle de ces parcs et des obstacles qui entravent leur efficacité et empêchent la réalisation de leurs objectifs de préservation des équilibres environnementaux, de développement de la recherche scientifique et de relance du tourisme.
La mission d’évaluation s’est appuyée sur la collecte et l’analyse d’un ensemble de rapports et de données générales pour les parcs nationaux – ainsi que sur la réalisation d’un ensemble d’entretiens et de visites sur le terrain dans trois des parcs nationaux les plus importants, à savoir Souss-Massa, Talassemtane et Ifrane.
Il ressort du rapport que les actions de création et de gestion de ces parcs nationaux connaissent diverses insuffisances entravant l’atteinte des objectifs pour lesquels ils ont été créés.
Sur le plan juridique, les parcs nationaux ont connu un processus législatif lent et incomplet. Le premier texte sur les aires protégées remonte à 1934 avec le Dahir relatif aux parcs nationaux. Il n’a été amendé qu’en 2010, par la loi n°22-07 relative aux aires protégées. Néanmoins, le décret d’application y afférent n’a pas encore vu le jour, entravant ainsi la mise en application effective de cette loi.
La dimension territoriale des aires protégées au niveau réglementaire, quant à elle, demeure limitée en l’absence de mécanismes institutionnels de concertation lors de l’accomplissement des actions de création et de gestion des parcs nationaux.
Sur le plan de la gestion des infractions environnementales commises au sein des parcs et des aires protégées d’une manière générale, l’intervention des agents verbalisateurs demeure limitée. En effet, les aires protégées abritent divers espaces terrestres, maritimes, littoraux, eaux continentales et espaces sous terrains (grottes) induisant l’intervention de divers corps d’agents habilités à verbaliser les infractions. Il en résulte ainsi une confusion au niveau de la constatation des infractions.
Le statut foncier des terrains abritant les parcs constitue aussi un frein aux actions de conservation au sein de la majorité des parcs nationaux suscités.
Les aspects naturels des parcs sont négativement impactés entrainant des changements irréversibles. Au niveau du parc national d’Ifrane, par exemple, il a été constaté l’orientation des agriculteurs propriétaires de terrains au sein du parc à une agriculture moderne (creusage de puits, goutte à goutte, arboriculture, etc.) altérant l’aspect naturel du parc.
Sur le plan de la gestion opérationnelle des parcs nationaux, les plans d’aménagement et de gestion, qui constituent les outils sur lesquels se base la gestion des parcs, souffrent de retards dans leur élaboration et leur mise à jour. D’autant plus que ces plans, lorsqu’ils sont élaborés, demeurent sous-exploités, et ne sont pas déclinés en plans d’action annuels accompagnés des indicateurs de mesures des résultats.
En termes de structures de gestion et de processus de pilotage, les parcs nationaux ne sont pas tous gérés par des directions dédiées et les directions qui existent ne disposent pas d’attributions décisionnelles.
Sur un autre registre, la valorisation des parcs nationaux, qui est de nature à améliorer l’attractivité des sites et développer le tourisme écologique, est confrontée à une gestion limitée en matière des accessibilités, à une sous exploitation des écomusées qui sont peu attractifs et ne valorisant pas les richesses des parcs concernés, ainsi qu’aux limites au niveau de la signalétique..
Dans ce sens, il convient de souligner qu’aucun des parcs nationaux n’est inscrit comme patrimoine mondial au niveau de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) afin d’être valorisé au niveau international.
Enfin, tout en soulignant les efforts déployés en matière de préservation de la biodiversité au Maroc, la Cour des comptes a émis un certain nombre de recommandations dans l’objectif de remédier aux insuffisances relevées.
Le rapport sur l’évaluation de la gestion des parcs nationaux, et sa synthèse, ainsi que les réponses du Ministère de l’agriculture, de la pêche maritime, du développement et des eaux et forêts et du Ministère de l’énergie, des mines et de l’environnement, peuvent être téléchargés à partir du site web de la Cour des comptes : www.courdescomptes.ma
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