Ecrit par Lamiae Boumahrou
Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine et la Réhabilitation des Bâtiments menaçant ruine, Fonds de solidarité habitat et intégration urbaine…, autant d’instruments sensés éviter les drames des effondrements d’habitats menaçants ruine. Malheureusement, la réalité sur le terrain est toute autre. Chiffres à l’appui, à peine 1.6% de la subvention du FSHIU est réservé au programme de lutte contre les habitants menaçants ruine.
Après les inondations, le risque des effondrements plane sur Casablanca. La capitale du Maroc s’est réveillée ce matin du vendredi 8 décembre sur un nouveau drame. Après une nuit d’intempérie, une maison s’est effondrée au niveau de Derb Moulay Cherif à Hay Mohammadi vers 8h30. Plusieurs personnes se sont retrouvées piégées à l’intérieur de cette habitation menaçant ruine.
Le bilan de ce drame s’est élevé à 3 morts (un père de famille, sa femme et son enfant) et 2 blessés. Et comme à chaque fois qu’un tel drame surgit, se pose la question de : qui en est le responsable ? Une question qui restera certainement en suspens, comme à l’accoutumée, en raison d’un manque de courage politique de ceux qui ont été élus pour garantir la sécurité des citoyens. Il faut dire qu’en l’absence d’une application rigoureuse de la reddition des comptes, les élus et les responsables gouvernementaux ne se soucient pas vraiment des conséquences de leur mauvaise gestion.
En effet, l’effondrement de maisons menaçant ruine n’est pas nouveau au niveau de la capitale économique. Plusieurs drames ont surgi ces 3 dernières années faisant plusieurs morts, des blessés et des centaines de familles sans toit.
Où est donc passée l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine et la Réhabilitation des Bâtiments menaçant ruine qui a vu le jour en 2018 ?
Rappelons que ce nouvel instrument technique et juridique de l’Etat a été créé pour éviter d’être dans une logique de réaction, sous la pression d’une urgence, mais plutôt dans une logique de prévention et d’anticipation.
Or depuis son opérationnalisation en février 2019, on n’entend plus parler. Pourquoi l’Agence n’est toujours pas opérationnelle ? Entre temps, des milliers de personnes sont menacés chaque jour de perdre leur vie ou celle de leurs proches.
Des résultats en deçà des attentes
Les dernières statistiques disponibles sur le site du ministère de l’Aménagement du Territoire National, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville datent de 2012. Il ressort que 43.697 habitations menaçant ruine ont été recensées dont 42,5% sont concentrées dans les anciennes médinas. Un nombre qui aurait considérablement augmenté depuis presque 10 ans.
Autre question qui s’impose, où est le Fonds de solidarité habitat et intégration urbaine (FSHIU) créé en 2002 pour résoudre, entre autres, la problématique des maisons menaçant ruine ?
Rappelons que plusieurs voix se sont levées pour dénoncer le détournement de ce Fonds de son objectif initial.
Le rapport sur les comptes spéciaux du trésor (voir graphe) relatif à la loi de finances 2021, relève que le programme des habitats menaçant ruine est le parent pauvre dudit Fonds. Une subvention d’à peine 1.6% du Fonds réservé à ce programme soit 403,92 MDH sur 24,88 Mds de DH.
Pour un total de 44 opérations, 268,77 ont été débloqués en 2019, le reste à consolider en 2020 est de 107,36 et seulement 27,8 MDH reste à débloquer entre 2021 et 2023.
Il ressort du report sur les comptes spéciaux que le programme 2021-2023 concerne principalement la poursuite de la mise en œuvre de l’achèvement des opérations en cours de réalisation avec un montant de 447 MDH soit la moitié du budget alloué au programme villes sans bidonvilles (885 MDH). La part du programme habitats menaçant ruine a même diminué par rapport à 2018 passant de 5% à 1.6%.
A qui incombe donc la responsabilité ? Où sont les instantes sensées réagir à l’avance pour éviter la survenue d’effondrement de maisons et préserver des vies humaines ?
Car il ne suffit pas d’aviser les habitants de la nécessité d’évacuer les lieux en raison d’un risque d’effondrement et de les livrer à eux-mêmes. Mais il faut les accompagner, les soutenir et leur garantir un toit ou une alternative.
Encore une fois, nos responsables dormiront au chaud dans leur lit, sous un toit, sans risque alors que des milliers de familles risquent de se retrouver sous les décombres. A quand l’éveil des consciences ?
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