Ecrit par Houssifi El Houssaine |
Il fallait attendre l’arrivée de Benchaâboun pour amorcer la reforme du secteur public. La création de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de L’État est une décision judicieuse mais reste insuffisante.
Secteur public : un vrai empire
Mohamed Benchaâboun a embarqué le train gouvernemental à mi-parcours. Seulement, il tient à ce que la scène nationale marque d’une pierre blanche son passage. Il a certes plus d’un tour dans son sac, mais contrarié par la crise, il fait preuve de patience. Arborant l’étendard du changement, il court plusieurs lièvres à la fois. Les nouvellistes ont rapporté, ces derniers jours, que notre sujet a pris son courage à deux mains en ouvrant un nouveau front. Il s’agit de la réforme du secteur des établissements publics. Ce n’est pas de la tarte que d’affronter un empire de 225 établissements publics, 43 sociétés anonymes à participation directe du Trésor et 492 filiales ou participations desdits EEP.
Secteur public : amorçage de la réforme
Le processus de la réforme a été amorcé par la mise dans le circuit d’adoption du projet de loi relatif à la création de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de L’État (c’est un peu long, vous ne trouvez pas ?) et l’insertion dans le PLF 2021 des dispositions pouvant encadrer les opérations de restructuration.
Il est vrai qu’on ne peut pas juger les gens par ce qu’ils ont fait mais par ce qu’ils feront, lorsqu’ils l’auront fait. Mais étant nerveux et non armé de la patience du ministre des Finances, nous ne pouvons pas nous abstenir de formuler nos remarques au sujet de cette vaste opération de restructuration.
Secteur public : la migration
La reforme escomptée organisera une migration d’une flopée d’EEP de la DEPP vers la nouvelle Agence. Seulement, après examen de la liste des EEP transférables, on note l’existence de clandestins. En effet, aux termes de l’article 3 du projet de loi, l’Agence a pour objet de veiller aux intérêts patrimoniaux de L’État actionnaire dans les EEP relevant de son périmètre d’intervention.
Or, dans la liste figurent pas moins de 13 établissements, bien qu’ils soient assujettis au contrôle financier de L’État, ils n’en sont pas la propriété. Il s’agit en l’occurrence des Régies qui sont l’émanation et la propriété des communes. On est médusé devant cette situation, devant être en principe relevée par les vieux loups de mer de la DEPP. Le projet de loi ne précise pas comment l’État va s’emparer en deux temps trois mouvements de ces entités.
Secteur public : le cadeau
En outre, les entités objet du transfert bénéficient, dès l’entrée en vigueur de la loi, d’un cadeau de bienvenue. Elles passeront au contrôle d’accompagnement sans pour autant satisfaire les conditions requises pour décrocher ce label. Comment alors une Agence qui prône les règles et pratiques de bonne gouvernance exempte ses protégés du minimum prévu par les dispositions de l’article 28 de la loi 69-00. Si la réforme doit aboutir, selon les termes de l’article 5 du projet de loi, dans un maximum de 5 ans, le rôle de l’Agence sera alors d’accompagner ces entités dans le processus de satisfaction des conditions requises par la loi 69-00.
Secteur public : la bonne gouvernance
L’agence qui prétend à la transparence se voit exonérée du revers de la main, du contrôle financier de l’Etat. Elle n’est pas la seule à échapper à ce contrôle. Néanmoins, les entités concernées sont soumises à l’audit par une commission d’experts qui apprécie, en premier lieu, la conformité de leurs gestions à la mission et aux objectifs assignés et les performances techniques et financières et en second lieu effectue l’audit comptable et financier. Créée sous la forme d’une société anonyme, l’Agence sera soumise au commissariat aux comptes qui hélas ne s’attarde ni sur la gestion, ni sur les objectifs encore moins sur les performances.
Il est judicieux que le texte de création de l’Agence définisse la mission du commissaire aux comptes.
Secteur public : rationalisation de la dépense
L’agence sera, au départ, patronnée par l’armada des cadres de la DEPP. Les attirer à intégrer l’Agence ne peut être envisagé que moyennant un statut du personnel alléchant. Une telle mesure sera synonyme de l’accroissement de la masse salariale et donc une aggravation des dépenses consolidées de L’État.
Secteur public : Écoutez les anciens
Le changement, à notre sens, ne doit pas se limiter à l’assainissement, la fusion voire le reclassement des EEP. Le ministre est amené à conduire un combat culturel pour permettre à ces entités d’aller sur les brisées du secteur privé. Le changement est une entreprise de longue haleine. Il ne se résume pas à des mesures de façade. M. Benchaaboun est invité à consulter le rapport de la Cour des comptes émis en 2016 et intitulé : « le secteur des EEP : ancrage stratégique et gouvernance ». Il y trouvera plusieurs lumières qui lui éclaireront le chemin. Nous espérons que les intentions du ministre ne viennent s’ajouter à l’étagère des velléités.