Nombreux sont ceux qui considèrent que le football est le sport le plus populaire au monde. C’est en effet le sport collectif le plus accessible et le plus médiatisé dans la majorité des pays. Il demeure un moyen d’encadrement et de formation.
Depuis 40 ans, on assiste à l’industrialisation du football en raison de la politique de développement mise en place par l’ancien président de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) élu en 1974, João Havelange et Sepp Blatter, le directeur des programmes de développement au sein de la FIFA dès 1975.
Les deux dirigeants vont mettre des moyens financiers non limités pour mettre en œuvre leur vision « politico-sportive », qui visait à soutenir la lutte contre l’Apartheid d’une part et profiter du boom technologique pour moderniser la plus haute instance du football.
La FIFA est alors devenue l’organisation la plus puissante de la planète à l’instar de l’Organisation des Nations Unies et du Comité International Olympique.
La FIFA dispose un peu plus de sélections nationales que d’États reconnus par le droit international. La FIFA compte 211 équipes et l’ONU est constituée de 193 Etats. Ce sport est devenu un levier diplomatique d’importance pour nombre d’Etats. Facteur d’unité ou de division, capable de réconciliation et de paix ou déclencheur de crises et de conflits.
La guerre en Ukraine a démontré l’importance politique du football et la convergence des deux sphères. Les sélections nationales et les clubs russes ont été suspendus de toutes les compétitions internationales en raison de l’invasion russe en Ukraine.
Par ailleurs, le Maroc a pu mettre en place une diplomatie du football générant des victoires diplomatiques, et la place du royaume en tant que puissance africaine s’est également renforcée par l’engagement du royaume dans les différentes instances régionales, continentales et internationales.
L’élection du président de la Fédération Royale Marocaine de Football Faouzi Lakjaa au comité exécutif de la Confédération africaine de Football(CAF) et de la FIFA a positionné le Maroc sur l’échiquier footballistique. Le Maroc a pu réformer les statuts de la CAF pour faire avorter toute tentative des milices du Polisario de participer dans des compétitions continentales.
Voté à l’unanimité, l’amendement à l’article 4 a interdit à tout pays non membre de l’Organisation des Nations-Unies d’être admis au sein de la CAF. Seuls les représentants des pays indépendants et les États membres de l’ONU y sont admis.
Le football comme outil diplomatique pour la cause nationale a consolidé les alliances et les partenariats sur tous les fronts.
L’infrastructure sportive au Maroc et le partenariat avec les fédérations africaines servent une stratégie de communication et de solidarité qui a pour but de conforter le leadership du royaume dans le continent.
Le football est aussi un moyen de bâtir la réputation des Etats, et de créer un dialogue durable entre les peuples, de leur transmettre des connaissances et d’influencer certains groupes de la population, notamment les jeunes et les femmes.
Le « Nation Branding » pratiqué par les dirigeants marocains a permis de forger l’image d’un partenaire de confiance et celle d’un pays attractif en matière d’investissement.
Il s’agit d’une forme de « Soft Power » qui s’articule autour de la persuasion et l’influence. Le Maroc a donc conçu sa stratégie pour utiliser le football comme levier diplomatique et construire de solides alliances avec tous les pays et surtout les pays africains. Le football devient de facto le promoteur de la paix et un garant de la sécurité régionale et continentale.
Le point culminant de cette stratégie reste – à mon sens – l’organisation des évènements sportifs de haut niveau comme la CHAN2019, la CAN Futsal 2020, la CAN féminine 2022 sans oublier les sommets et les congrès des plus hautes instances du football africain et mondial.
Le Maroc s’est imposé en leader continental du Football et projette l’image d’un pays moderne et puissant qui organise les compétitions et accueille les sélections africaines. Ainsi, les stades marocains ont accueilli les matchs officiels de diverses sélections subsahariennes dont les infrastructures sportives n’ont été homologuées ni par la FIFA ni par la CAF.
Les grands évènements sportifs ont de plus en plus de succès au Maroc et les clubs marocains attirent de plus en plus de supporters. Le gouvernement marocain, la FRMF et des acteurs du secteur privé se sont engagés pour la promotion du football scolaire. Les efforts entrepris pour développer le football de masse passent par la construction et l’amélioration des infrastructures du pays. L’industrie du sport devient l’un des piliers de l’économie nationale. L’objectif est d’augmenter la capacité de la formation d’une élite de joueurs professionnels.
Personne ne peut ignorer le fait que le football est une arme puissante quand il s’agit de soft power. Le lobbying est tout aussi important en Football qu’en politique. Les grands évènements sportifs et leur médiatisation mettent en évidence la convergence du politique, du sportif et de l’économie. Le rôle des vedettes du football dans les groupes de pression est omniprésent.
Nombreuses sont les légendes du football qui se sont reconverties en dirigeants politiques qui ont pu désamorcer certaines tensions politiques. Didier Drogba est intervenu dans la crise politique en Côte d’ivoire en 2005, Georges Weah est le président du Liberia depuis décembre 2017, Romario s’est lancé en politique au brésil en 2009 et il est toujours une figure de la droite brésilienne, tandis que Feu Diégo Maradona a été considéré comme une légende de l’Argentine et un symbole de la résistance altermondialiste, surnommé le « Ché Guevara » du football.
Achraf Hakimi, nouvelle coqueluche du football marocain a offert son maillot au président de la RDC, M. Félix Tshisekedi lors du match des phases éliminatoires de la coupe du monde 2022 qui s’est déroulé à Kinshasa le 25 mars 2022. Cela illustre le rôle des vedettes du ballon rond dans la diplomatie.
La qualification de la sélection nationale marocaine à la coupe du monde a eu des répercussions positives sur l’image du royaume ; des messages de félicitations émanant des ambassades et des chancelleries démontrent que le football jouit d’une place importance dans les relations internationales.
Face aux enjeux diplomatiques et économiques post-pandémiques, la coupe du monde au Qatar en 2022 pourrait devenir la compétition la plus médiatisée du siècle. La participation de la sélection nationale permettra au Maroc de bénéficier d’une aura internationale et comme il représentera l’Afrique et le monde arabe ; il pourrait devenir le messager de la paix, de la modernité, du développement de la coexistence entre les peuples.
Par Dr Ali Zoubeidi, Président de l’Association Sportive de Salé de Football
Spécialiste en Relations Internationales
Expert en migration