Ecrit par la Rédaction |
En vue d’emprunter une nouvelle trajectoire de développement, le Maroc a intérêt à provoquer 4 chocs. Au cours de la dernière décennie, on a assisté à un essoufflement de la croissance économique à cause de plusieurs fragilités structurelles.
Nous n’avons eu de cesse de le répéter, la crise Covid19 a mis à nu les fragilités structurelles de notre économie. Ces fragilités qui se sont bien installées dans le temps et ce en dépit des différentes réformes mises en place.
Il est utile de rappeler qu’au cours de la décennie 1999-2009, le Maroc a connu une croissance substantielle qui a notamment permis de résorber la pauvreté absolue et d’améliorer les indicateurs socio-économiques à travers la réalisation d’infrastructures et l’extension des services de base.
Toutefois, force est de constater que les insuffisances structurelles d’un modèle de développement fondé sur la dépense publique et la demande intérieure sont apparues avec l’essoufflement de la croissance économique au cours de la décennie 2009-2019, rappellent les analystes de l’Institut marocain d’intelligence stratégique (IMIS) dans une récente étude relative aux 4 chocs pour une nouvelle trajectoire de développement. Et l’on commence d’ores et déjà à préparer un nouveau modèle de développement pour générer une croissance créatrice de richesses et d’emplois.
Bon an mal an, la croissance est faiblement créatrice d’emplois. « Ces derniers sont générés par des activités à faible productivité. Ainsi, entre 2000 et 2014, l’économie marocaine a généré environ 1,1 million d’emplois en dehors de l’agriculture », apprend-on dans l’étude de l’IMIS. Et d’ajouter : « Plus de la moitié de ces emplois (570 000) ont été créés dans deux secteurs seulement : la construction et l’hôtellerie-restauration ».
La part de la valeur ajoutée manufacturière dans le PIB a été stabilisée autour de 15%-16% depuis 2007. Mais l’on n’observe pas pour autant une véritable réindustrialisation, hormis dans les secteurs phares que sont l’automobile ou l’aéronautique.
A contrario, la part de l’agriculture reste élevée, autour de 15% du PIB et 39 % de l’emploi en 2016. La lente transformation structurelle de l’économie marocaine se traduit donc par une faiblesse persistante des gains de productivité, qui hypothèque la convergence avec des économies plus avancées.
Le régime de change fixe, quant à lui, devenu partiellement flottant depuis 2018, n’a pas permis d’endiguer la dégradation tendancielle de la compétitivité-prix, et d’améliorer la compétitivité hors-prix.
Le Maroc reste ainsi mal classé sur l’indice de complexité économique (IEC), à la 99ème place en 2018, faisant apparaître une tendance à la perte de compétitivité de l’offre exportable marocaine, en dépit de l’émergence de quelques spécialisations à fort contenu technologique telles que l’automobile et l’aéronautique.
Dès lors, comment remédier à ces faiblesses structurelles du modèle poursuivi par le Maroc ? Autrement dit, comment générer une croissance beaucoup plus forte, portée par les gains de productivité et riche en emplois, capable d’assurer la convergence de l’économie marocaine vers des économies plus avancées ?
Selon une étude réalisée par des chercheurs du Centre International pour le Développement (CID) de l’université de Harvard, les accélérations de croissance ne nécessitent pas des programmes de réformes qui s’assimilent à des « inventaires à la Prévert ». Il s’agit plutôt d’identifier un nombre restreint de contraintes bloquantes (« binding constraints »).
Les résultats du diagnostic du Maroc réalisé par la Banque Africaine de Développement (BAD), confortent cette conclusion. L’on peut ainsi relier les blocages et les insuffisances constatées à deux problèmes principaux mis en évidence dans ce diagnostic.
Les 4 chocs à ne pas manquer…
Accroître la qualité du capital humain, réorienter le rendement du capital physique : en ce domaine, le Maroc est confronté à trois défis. D’abord, celui de la qualité de l’enseignement et du modèle pédagogique. Ensuite, celui de la trop faible espérance de vie scolaire et de la déperdition scolaire qui persiste. Enfin, celui de la faiblesse du système de formation continue.
Entrer dans la Quatrième Révolution Industrielle : la révolution numérique bouleverse désormais l’ensemble des secteurs de l’activité humaine. Plus que les trois autres révolutions qui l’ont précédée, la quatrième révolution industrielle annonce un changement paradigmatique qui modifie de manière extrêmement profonde la façon de produire, de consommer et de travailler. Extrêmement capitalistique, la quatrième révolution industrielle favorisera les acteurs qui réussiront à mobiliser des ressources humaines et financières importantes tout en les conjuguant avec une politique d’épanouissement des talents et de promotion de l’entreprenariat innovant.
Sur l’ensemble de ces dimensions, le Maroc dispose d’atouts qu’il lui faut exploiter sans attendre pour ne pas rester en marge de l’histoire.
Anticiper pour se projeter : un Etat-Stratège au service d’une nation décomplexée
Les analystes de l’IMIS considèrent qu’il incombe à l’Etat de prendre la tête d’un effort national massif visant à imposer une culture de la stratégie comme préalable à l’action publique et privée.
Afin de lui garantir les meilleures chances de succès, cet effort national devrait se déployer selon les trois axes suivants :
- La mise en place d’un outil technologique réunissant l’ensemble de la production stratégique non sensible élaboré par l’Etat (Big Data Gouvernemental) ;
- L’adoption d’un cadre réglementaire favorisant le développement des Think-Tanks, centres de recherches, et autres instituts indépendants ;
- La mise en place d’un dispositif permettant la consolidation des acteurs du conseil dans le secteur privé et un meilleur accès à la commande publique et privée
Moderniser les modes de projection et de communication : « Nation Branding » :
Afin de passer au palier supérieur de son développement, le Royaume se doit donc de moderniser totalement la manière dont il se projette. De fait, c’est toute la pédagogie du « Projet Maroc » qui doit être reconstruite afin de s’adapter aux canaux de communication du XXème siècle.
Sur le plan extérieur tout d’abord, traditionnellement, la projection du Royaume s’est confondue avec la promotion sectorielle, qu’elle soit industrielle et commerciale (AMDI, Ex Maroc Export), ou encore touristique (ONMT, SMIT).
Or, avec l’avènement du nouveau siècle, les modes de communication traditionnellement utilisés par les agences de l’Etat ont rapidement montré leurs limites. Souvent cantonnés à diffuser de la publicité sur des supports traditionnels, ou bien à organiser la présence du Maroc dans les salons et foires internationales, les organismes de promotion ont raté le virage du digital et n’ont pas su, à date, investir les nouveaux champs d’échanges avec le public international.
Ceci n’est qu’en partie de leur faute. L’Etat, au sens large, n’a pas réussi à organiser le basculement du centre de gravité des budgets promotionnels des supports traditionnels vers les nouveaux vecteurs de communication. Des aspects aussi essentiels que la production de connaissance ciblée, l’achat d’espace sur les réseaux sociaux, l’usage de la Data Analytics, ou encore la production et l’émission de « Brand content » n’ont, à date, pas encore réussi à se frayer un chemin dans les budgets de l’Etat.
D’après les auteurs de l’étude, bien que le défi consistant à mettre le Maroc sur une nouvelle trajectoire de développement paraisse important, il semble surmontable pour peu qu’une équipe d’hommes et de femmes soudés autour de la présente vision et animés d’un sentiment d’urgence permanent portent cette quadruple dynamique, en investissant notamment les canaux institutionnels adéquats que sont les partis politiques et la technostructure administrative, qui souffrent d’un
déficit d’attractivité de talents chronique.