Ecrit par S. Es-Siari |
Au moment où le Maroc peine à augmenter ses exportations, une nouvelle variable s’ajoute à l’équation. Il s’agit d’une mesure non tarifaire relative à l’empreinte carbone. La stratégie industrielle pour les années à venir compte tirer le meilleur parti de cette orientation. Les ingrédients sont-ils pour autant suffisants ?
Face à un déficit structurel chronique, les pouvoirs publics sont appelés à faire jouer toutes les cartes pour y remédier. En 2019, le déficit commercial a atteint plus de 209 Mds de DH, soit 18% de notre richesse nationale. Ce qui est excessif.
Pour réduire ce déficit, le Maroc peut jouer aussi bien sur ses importations que ses exportations.
En ce qui concerne les importations, il est à rappeler que la crise sanitaire a mis en évidence que ces dernières comprennent des articles produits au Maroc pouvant faire l’objet de substitution. Encore heureux parce que nous avons des importations incompressibles dont nous avons besoin à tout prix. D’aucuns diront que notre balance commerciale est déficitaire depuis le début des années 70 et donc qu’est-ce qui a changé aujourd’hui.
Outre le niveau inquiétant du déficit de la balance commerciale, la rareté des ressources et les relocalisations industrielles émergeant un peu partout dans le monde font que le Maroc est appelé aujourd’hui plus que jamais à compter sur soi. Cette montée du protectionnisme apparue au lendemain de la crise financière de 2008 a atteint son paroxysme avec la crise sino-américaine. Et rien ne sait de quoi demain sera fait.
Sur le plan des exportations, le Maroc est appelé à être plus innovant et faire jouer ses avantages comparatifs au-delà des coûts faibles de la main d’œuvre. Force est de constater qu’avec la montée du protectionnisme, nous assistons à de plus en plus de restrictions aux exportations et chaque jour arrive avec son lot de surprises. Elles prennent souvent la forme de normes non tarifaires.
Aujourd’hui, une nouvelle norme s’ajoute à l’échiquier. Les exportations marocaines sur le marché européen devront faire face à l’avenir à une nouvelle mesure non tarifaire relative à l’empreinte carbone. La taxe carbone, instituée pour la promotion de l’économie verte dans les économies partenaires, risque malheureusement de grever la compétitivité des produits exportés dans un environnement très concurrentiel.
Les tenants du programme de Tatwir-Croissance Verte
Le programme dénommé « Tatwir Croissance Verte » initié dernièrement par le Ministère de l’industrie en faveur des TPME s’inscrit dans le cadre de cette nouvelle tendance
Ce programme qui sera mis en œuvre conjointement par l’Agence Nationale pour la Promotion de la PME et l’Agence Marocaine pour l’Efficacité Energétique a pour objectif de promouvoir l’industrie verte et la réduction de la pollution dans le secteur.
S’inscrivant dans le cadre du plan de relance 2021-2023, ce programme prévoit des mesures d’appui aux TPME pour le développement de nouvelles filières industrielles vertes compétitives ainsi que la mise en place de nouveaux process de production et des produits décarbonés.
Le programme « Tatwir –Croissance Verte » compte privilégier les projets qui, potentiellement, peuvent mieux répondre aux objectifs visés. Il s’agit en premier lieu des projets susceptibles de favoriser la transition énergétique à travers l’optimisation de la consommation de l’énergie, l’amélioration de l’efficacité énergétique et l’utilisation des énergies renouvelables. La seconde catégorie de projets concerne les investissements dans les filières industrielles vertes portant notamment sur les équipements de recyclage industriel, les chauffe-eaux solaires et photovoltaïques ou encore les produits d’isolation thermiques. Le programme cible enfin les projets d’innovation qui ont pour objectif le développement de produits ayant une empreinte carbone positive ou la mise en place de technologies propres à usage industriel.
Pour accompagner les investissements des TPME dans le cadre de ce programme, différentes mesures incitatives sont proposées portant notamment sur le soutien financier bénéficiant aux investisseurs dans ce domaine, l’assistance à l’innovation et à la recherche-développement et le conseil pour restructuration verte. Au plan financier, les pouvoirs publics s’engagent dans le cadre du programme « Tatwir- Croissance Verte » à octroyer une prime d’investissement de 30 % pour la couverture des dépenses d’équipement.
Les nouvelles filières de l’industrie verte peuvent également bénéficier d’une aide remboursable pour financement des besoins en fonds de roulement qui équivaut à 5 % de la valeur de l’investissement. Les dépenses projetées pour les activités d’innovation et le développement de nouveaux produits peuvent être couvertes à hauteur de 50 %.
Enfin, les services de conseil et d’expertise technique dans le domaine énergétique seront subventionnés à hauteur de 80 à 90 % par le programme.
Ce qui est fort louable. Mais encore faut-il encourager la recherche & développement qui reste malheureusement dérisoire pour une économie aspirant à faire partie du cercle des pays émergents. Autrement dit, les capacités en matière de recherche-développement et d’innovation apparaissent comme un élément décisif de la stratégie de décarbonation à l’adresse du secteur industriel.
Pour réussir le challenge, le Maroc n’a pas besoin uniquement de respecter l’empreinte carbone mais bien plus. Dans cette nouvelle configuration, le Maroc est appelé à réussir la transformation structurelle de son économie, monter en gamme et fabriquer des produits à forte teneur technologique. Pour ce faire, il doit se positionner dans le haut de gamme, dans la création de valeur, dans la technologie… Sinon, les exportations bien qu’elles respectent l’empreinte carbone seraient moins compétitives sur le marché international.
Parce qu’il ne faut pas omettre que des pays concurrents prennent suffisamment d’avance s’agissant de la conformité de leurs produits aux nouvelles exigences en matière d’émissions de gaz à effet de serre.