Tout d’abord, il est utile de rappeler que le Gazoduc Maghreb Europe-GME, est un projet qui date de 25 ans, d’une longueur de 1.300 kilomètres, traverse le territoire marocain sur une distance de 540 kilomètres et présente une capacité maximum d’exportation de 13,5 milliards m3 par an, dont le contrat d’exploitation arrive à terme le 31 octobre 2021.
Côté recettes, selon le rapport d’activité de 2020 de l’Administration marocaine des Douanes et des impôts indirects. La redevance gazoduc ne représente en effet qu’une contribution infime de 1% dans les recettes douanières au cours de cette année, sachant que cette recette a continué à baisser avec une régression de 55%, soit moins de 51 millions de US$ en 2020. Alors, que le GME représente pour l’Algérie quelques 6,8 milliards de US$ de recettes d’exportations.
Côté Marocain :
- Le Jeudi 19 août, la directrice générale de l’Office national marocain des hydrocarbures et des mines, Mme Amina Benkhadra, avait exprimé la volonté du Maroc de maintenir cette voie d’exportation. Elle a entre autres, précisé que : « Cette volonté, nous l’avons exprimée verbalement et par écrit, publiquement et dans les discussions privées, toujours avec la même clarté et la même constance » ;
- Le gaz en général ne contribue qu’à hauteur de 5% dans la production électrique du Maroc, qui a su gagner en diversification (60% en pétrole, 25% en charbon, 10% en énergies renouvelables). En d’autres termes, le gaz algérien ne pèse pas plus que 3,3% de la production électrique nationale. En impact budgétaire, le Maroc mettra désormais la main à la poche pour payer l’équivalent du gaz qui ne coulerait plus depuis le GME, soit une moyenne annuelle de 160 millions de dollars. Une somme sans impact réel sur le budget de l’État puisqu’elle n’y représente pas plus de 0,65% !
- Sur le long terme, Le Maroc a signé en 2016 un accord avec le Nigéria pour la construction d’un GAZODUC. Ce dernier mesure approximativement 5.660 km et son Capex a été défini pour répondre aux besoins croissants des pays traversés et de l’Europe au cours des 25 prochaines années. Il s’agit notamment de la collaboration régionale entre le Maroc, le Nigeria, la Mauritanie et les pays de la CEDEAO.
Côté Algérien :
- En 2011, l’Algérie avait inauguré le gazoduc Medgaz reliant directement l’Algérie à l’Espagne via Almeria. L’objectif affiché étant l’augmentation des capacités d’exportation en appui au GME, mais les intentions des gouvernants à Alger allaient plutôt vers une réduction de la dépendance au Maroc dans l’approvisionnement de ses clients en Espagne et au Portugal. Depuis lors, l’Algérie a sciemment réduit progressivement les quantités conduites via le GME au profit du Medgaz, dont la capacité maximale est de 10 milliards de m3 par an.
- Aujourd’hui l’Algérie fait valoir un discours qui souligne qu’elle peut parfaitement se contenter du gazoduc qui passe directement par son territoire. La vraie raison derrière cette déclaration est que l’Algérie a perdu d’énormes parts de marché. En effet, le pays était leader sur le gaz naturel en Espagne, l’Espagne importait environ 60-65% de son gaz naturel d’Algérie et ces derniers mois, ces parts sont tombés à 30-35%. L’Espagne importe aujourd’hui plus de chez les États-Unis. Comme l’Algérie a perdu leurs parts du marché, ils exportent moins et donc ont besoin d’un gazoduc moins performant.
- L’idée d’un gazoduc reliant le Nigeria à l’Algérie, surnommé le « transsaharien », a germé dans les années 1980, mais l’accord concrétisant la mise en œuvre du projet n’a été qu’en 2009 par les gouvernements du Niger, du Nigéria et de l’Algérie. Cet accord avait permis de lancer pour la première fois les études de faisabilité du projet en vue de le concrétiser. Cependant, à ce jour, la construction du gazoduc n’a toujours pas commencé.
En guise de conclusion, cette non-reconduction n’aura quasiment aucune incidence sur l’économie marocaine ou sur les besoins du Royaume en termes d’énergie, grâce à un programme anticipé entamé par le Royaume pour multiplier les sources de production d’énergie. En revanche, l’Algérie avec la rupture de ce contrat aura du mal à honorer ses engagements envers l’Espagne qui représentent pas moins de 20 milliards de m³ et perdrait un moyen de transfert du gaz à moindre coût et dans des conditions de sécurité optimale.
Par Mohammed Jadri,
économiste et Directeur de l’Observatoire du Travail Gouvernemental.