L’annonce royale de la mise en place cette rentrée de la commission spéciale chargée du modèle de développement a créé une effervescence sans précédent dans les milieux politique et économique du pays. La réflexion a derechef battu son summum en plein mois d’août : articles, interviews, analyses… Comme si tous se bousculent pour faire partie de cette commission. Pour le sang neuf, on repassera ! Pourtant un élément manque à ce tableau : La femme ! Comme si dans cet exercice de réflexion et de propositions, elle n’a pas voix au chapitre.
Le roi dans son discours adressé à la nation à l’occasion du 20ème anniversaire de son accession au Trône avait décrit la composition de cette commission dont la mission est limitée dans le temps : Elle « regroupe différentes disciplines académiques et diverses sensibilités intellectuelles, en y faisant siéger des compétences nationales issues du public et du privé. Outre l’expérience et une exigence d’impartialité, ces profils doivent être suffisamment outillés pour comprendre les dynamiques à l’œuvre au sein de la société et aller au-devant de ses attentes, sans jamais perdre de vue l’intérêt supérieur de la Nation ».
Et des compétences féminines marocaines il y en a mais demeurent paradoxalement silencieuses et tapies dans l’ombre dans cet élan général.
Mieux encore, tous les indicateurs soulignent la forte participation féminine à l’essor du pays. Certes cette participation est plus cantonnée dans les domaines économique et social, bien que les femmes souffrent encore de disparités basées sur le genre dont la première est l’accès à l’éducation nationale et à l’enseignement.
Ainsi, le nombre de femmes salariées déclarées à la CNSS est passé de 184.623 en 1990 à 1.109.737 en 2018, avec un taux d’évolution annuel moyen de 6,6%, pour s’établir aux alentours de 30 % de la population active, tout en souffrant d’une iniquité des salaires par rapport aux hommes.
Sur le plan social, la femme marocaine a joué un rôle déterminant et s’est éclatée en prenant sur ses épaules nombre de dossiers pour lesquels elle a milité bec et ongles, notamment en faveur d’une justice sociale dans le pays.
La faible participation des femmes à la vie politique et à la prise de décision est toujours saisissante au Maroc surtout à la lumière de la Constitution qui instaure la parité au Maroc. Le système de quota et les listes nationales en sont la triste preuve.
Aussi, et bien que les étudiantes représentent pratiquement la moitié des étudiants des universités publiques marocaines, on note une sous-représentation des enseignantes parmi le corps enseignant universitaires, particulièrement dans les échelons supérieurs. Ainsi les présidentes d’universités (s’il y en a) et les doyennes de facultés se comptent sur les doigts d’une main.
Non pas que les femmes sont inaptes à occuper ce genre de responsabilité, mais il existe un plafond de verre, une confusion entre religion et tradition, qui relègue la femme aux dernières rangées.
La Marocaine doit être dignement représentée dans une telle commission et pour cause : Le pays ne peut réellement avancer que s’il intègre toutes les composantes de la société notamment la femme, largement éclipsée des hautes instances de décision. Mais aussi parce qu’une femme est mieux habilitée à apporter une vision nouvelle et non altérée du développement.
La disparité basée sur le genre fait que, malgré tous ses efforts le Maroc traîne toujours en bas de la liste. Tiens, prenons l’exemple du rapport 2018 Global Gender Gap Report qui classe le pays au 141ème rang mondial pour la participation économique et opportunité, au 117ème rang pour ce qui est du niveau de scolarité, à la 102ème place pour ce qui est de l’autonomisation politique et à la 135ème pour l’indicateur « Santé et survie ». Ces indicateurs qui plombent le développement du pays ne sont pas près de changer si l’approche genre n’est pas effective et adoptée en toute chose.
En effet, l’égalité entre les hommes et les femmes fait partie des principes fondamentaux d’une société juste. L’approche genre n’est pas un accessoire qu’on exhibe aux grandes occasions encore moins un aspect secondaire de la gestion des affaires du pays. Autrement, on ne fera que réitérer ces dysfonctionnements qui entravent le plein essor du pays.