La note que Abdellatif Jouahri a attribuée au Maroc, il y a quelques semaines, devant les élus de la nation est encore plus affligeante que celle de Fitch.
Le Wali de Bank Al Maghrib a qualifié la dégradation de la notation du Maroc par l’agence Fitch Ratings de manque de professionnalisme et d’éthique. Il la juge inappropriée d’autant plus qu’elle intervenait à la veille de la sortie du Maroc à l’international pour l’emprunt obligataire de 3 Mds de dollars en trois maturités. Une opération qui selon ses dires a connu un franc succès pour le Maroc qui a bien saisi l’angle de tir.
Et autant dire que nous sommes ébahis par le commentaire de Abdellatif Jouahri concernant la notation de Fitch pour différentes raisons :
De prime abord, ce commentaire ne concorde nullement avec ses propos tenus lors de la session parlementaire ayant lieu le 24 novembre.
Ce jour-là, le Wali de BAM tout en faisant une radioscopie de l’économie marocaine, n’a pas fait dans la dentelle. Ce jour-là, sur un ton alarmiste, il a clamé haut et fort qu’il est temps d’arrêter de jouer au sapeur-pompier à chaque fois qu’une crise éclate. Il est tout à fait conscient que la crise sanitaire a mis à nu les fragilités structurelles (mollesse du système sanitaire, prépondérance de l’informel, fragilité du système productif…) dont pâtit notre économie depuis belle lurette.
Il appelle de tous ses vœux que la Commission marocaine spéciale pour le modèle développement (CMSD) prenne toutes ces faiblesses en considération dans ses orientations.
Mieux encore, Abdellatif Jouahri, tout en arguant son éloquence par des chiffres cinglants, recommande… en urgence la lutte contre la corruption, l’amélioration de la Justice, la priorisation des dépenses… « Sinon rien ne va changer et les mêmes causes continueront à produire les mêmes effets », dixit A. Jouahri.
C’est pour dire que la note qu’il a attribuée au Maroc devant les élus de la nation est encore plus affligeante que celle de Fitch.
Le même Jouahri est aujourd’hui sidéré par la dégradation de la notation par l’agence Fitch sachant qu’il sait pertinemment que la crise sanitaire n’a fait que détériorer une économie dont les indicateurs macro-économiques, bien avant, n’étaient pas aussi reluisants. Une économie a fortiori fouettée par une mauvaise campagne agricole.
Et donc le contraire nous aurait étonnés d’un maintien ou d’une amélioration de la notation dans un contexte fortement contraignant.
Mieux encore, le Wali de la Banque Centrale aurait dû, au lieu de nous abreuver de discours théorique, analyser le modèle économique adopté par Fitch et nous renseigner sur les variables utilisées, si sont-elles sous-estimées ou surestimées ?
Il devait au moins s’assurer de la conformité des indicateurs économiques retenus dans le modèle de l’Agence. Bref, il devait procéder à une évaluation de la notation telle que formulée par Fitch.
Nous sommes également tentés de dire que si la notation de Fitch est jugée comme étant non professionnelle, pourquoi avoir attendu aujourd’hui après avoir décroché l’emprunt international le 8 décembre pour protester ou commenter ? Qu’est-ce qui nous a empêchés de réagir le jour de la dégradation de la notation par Fitch soit le 23 octobre.
En commentant « à froid » la dégradation de la notation à l’occasion du Conseil, le Wali de BAM aurait dû, faute de démonstration solide, se contenter d’analyser les effets dévastateurs de la crise sanitaire inédite qui a secoué brutalement même les économies les plus développées. La pilule serait ainsi avalée par l’auditoire sans difficultés.
Le plus sidérant encore c’est que lorsque les agences de notation améliorent la note du Maroc, nous le crions sur tous les toits en considérant la note comme un exploit ou même une victoire.
Sachant qu’au lendemain de l’éclatement de la crise financière de 2008, les agences de notation ont été pointées du doigt parce qu’elles n’ont pas vu venir les faillites de certaines banques internationales. La faillite de la banque américaine Lehman Brothers est encore gravée dans les esprits.
Quelques jours avant sa faillite, cette banque était notée dans la catégorie « investissement » par les trois grandes agences de notation. Depuis beaucoup d’encre a coulé sur les bourdes des agences de notation considérées comme étant responsables de la crise financière de 2008.
Tout cela nous amène à une ultime question : le gouverneur de la Banque Centrale n’a-t-il pas dépassé son périmètre d’intervention ? Tenir à l’occasion de chaque Conseil un discours politique ne cadre pas avec ses attributions en tant que régulateur censé faire le focus sur la politique monétaire.
Cette politique monétaire qu’il juge à chaque fois accommodante avec la réalité économique et que nous devons prendre pour de l’argent comptant. Une obsession à tort ou à raison qui interroge en toute légitimité sur la part de responsabilité de BAM dans la situation économique actuelle.
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4 Commentaires
Je pense qu’il y a de l’exagération dans votre article. Si on comprend Fitch et sa politique, il n’y a aucune raison pour dénigrer les propos du Wali Jouahri que plusieurs institutions internationales et nombre de banques des plus importantes dans l’hémisphère Nord notamment n’hésitent pas à faire appel à ses compétences puis le félicitent et lui décernent des médailles.
Merci de nous donner,Mr Jouahri,les indicateurs et les indices,utilisees aussi bien par Fitch,que par vous meme .
Il faut passer aux actions Mr jouahri et arrêter de s’alarmer à chaque mauvaise note du Fitch. Certe,le système banquaire Maroc doit gagner beaucoup en professionalisme et en clarté et en respect des clients.
Il n’a jamais mis les pieds en dehors de la fonction publique pour prendre du recul, voir les choses sous plusieurs angles et pouvoir mesurer sereinement ses propos ou porter objectivement des jugements sur ce qui passe dans le monde. Et puis, à 81 ans, (الله يطول عمرو و يَسَّرًلو شي تقاعد باش يمشي يرتاح و يخلي مكانو للشباب), il fallait prendre sa retraite il y a plus de deux décades ( !) pour laisser de la place aux diplômés chômeurs.