Cette vision rétrospective de l’évolution de quatre postes de consommation de l’énergie finale résume les tendances lourdes de l’accès aux produits énergétiques les plus populaires au Maroc.
Il en résulte, entre autres, que le butane n’est pas seulement le poste de consommation qui s’est le plus démultiplié entre 1980 et aujourd’hui mais aussi celui qui continue à croître plus vite que les autres à cause de sa subvention qui joue un rôle pervers à tous point de vue (social, économique, financier et énergétique).
Bien que parmi les pays les moins énergétivores du monde, le Maroc a, dans le redéploiement de la Caisse de Compensation, une petite niche d’efficacité énergétique en plus de la formidable possibilité de redistribution sociale.
Les données source des calculs proviennent, pour l’essentiel, des Annuaires Statistiques du Maroc.
CONSTITUTION DU BILAN D’ÉNERGIE NATIONAL
Abstraction faite de tout ce qui est hors bilan (autoproduction d’électricité ou de chaleur), le bilan d’énergie national du Maroc exploite les quatre grandes familles d’énergies « primaires » suivantes :
- Le pétrole, existant sur le marché intérieur de l’énergie « finale » sous forme de :
- Carburants d’aviation
- Carburants terrestres:
- Gasoil
- Super sans plomb
- électricité, génératrices électriques alimentées par du Gasoil
- Fuel :
- Fuel à usage industriel
- électricité, alternateurs électriques entraînés par des turbines à gaz ou à vapeur
- Gaz de pétrole liquéfiés existant sur le marché intérieur de l’énergie « finale » sous forme de :
- butane
- propane
- Les charbons minéraux, existants sur le marché intérieur de l’énergie « finale » sous la forme de :
- Charbons à usage industriel
- Électricité, alternateurs électriques entraînés par des turbines à vapeur
- Le gaz naturel, existant sur le marché intérieur de l’énergie « finale » sous forme de :
- Gaz naturel à usage industriel
- Electricité, alternateurs électriques entraînés par des turbines à cycle combiné
- Les énergies renouvelables (hydraulique, éolienne et solaire) existantes sur le marché intérieur de l’énergie « finale » sous forme d’électricité.
Mais la segmentation en quatre énergies « primaires » présentée ci-dessus n’est pas utile dès lors que l’on s’intéresse au marché intérieur des produits énergétiques que l’on désigne par énergies « finales« . Il convient alors de convertir chaque constituant de l’énergie « finale » en son équivalent énergétique (en tonnes d’équivalent pétrole) afin de pouvoir en agréger les chiffres. L’électricité, elle, est convertie en tonnes d’équivalent pétrole selon les produits énergétiques ou les sources qui lui ont donné naissance.
STRUCTURE DE LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE FINALE ET SON ÉVOLUTION
Pour se concentrer sur l’essentiel, on considèrera les 4 postes de consommation d’énergie « finale » suivants, dont l’évolution de la structure de la consommation d’énergie finale est montrée en Figure 1 :
- L’électricité, qui, en 2021, occupe la première place avec 44%
- Les carburants terrestres, qui, en 2021, occupent la deuxième place avec 30%
- Le butane qui, en 2021, occupe la troisième place avec un peu plus de 13%
- Le reste des produits énergétiques disponibles sur le marché qui occupent la quatrième place avec un peu moins de 13%. Ce dernier poste inclut : le propane, les carburants d’aviation ainsi que le reliquat des autres combustibles qui n’ont pas été convertis en électricité (fuel, charbons et gaz naturel).
Figure 1 Évolution de la structure de la consommation d’énergie finale
Même si les parts des combustibles terrestres se sont légèrement érodés, les parts de l’électricité et du butane se sont surtout accrus au détriment du reste des composantes de l’énergie finale (en jaune).
L’évolution de la consommation d’énergie « finale » (en tep par an et par habitant) est montrée en Figure 2.
Figure 2 Évolution de l’énergie « finale » par habitant (gauche) et de sa croissance (droite)
Les ronds bleus (○) indiquent les valeurs réelles par habitant relevées entre 1980 et 2021 et se rapportent à l’échelle bleue de gauche. Si l’ajustement de ceux-ci par la courbe bleue est acceptable, alors la croissance de sa courbe moyenne est celle de la courbe rouge qui se rapporte à l’échelle de droite de même couleur.
Pour le reste, la Figure 2 montre que :
- passant de près de 0.24 tep par an et par habitant en 1980 à près de 0.63 en 2021, l’énergie finale par habitant s’est multipliée par un facteur 2.6,
- sa croissance est devenue maximale vers 3.5% en 1999 puis descendue entre 1.5 et 2% en 2021.
Nous allons voir que c’est le gaz butane qui est le principal moteur du maintien de cette croissance de la consommation d’énergie « finale » à ce niveau.
Par souci d’allégement, nous ne présenterons pas l’évolution du 4ème poste de consommation puisque celui-ci est composé d’une myriade de produits énergétiques solides liquides ou gazeux sans autre point commun que d’être un reliquat et qui ont une part qui s’érode au cours du temps.
ÉVOLUTION DU 1er POSTE DE CONSOMMATION : ÉLECTRICITÉ
Il n’est plus utile d’exprimer l’électricité en tep dès lors qu’elle n’a plus à être mixée aux autres énergies. Ce sont les kWh d’électricité nette injectée dans le réseau national par an et par habitant qui seront utilisés, même si une partie de celle-ci est perdue dans le réseau avant d’être livrée aux abonnés. L’évolution du premier poste de consommation de l’énergie « finale« , qu’est l’électricité, est donc montrée en Figure 3.
Figure 3 Évolution de l’électricité nette appelée par habitant (gauche) et de sa croissance (droite)
Les ronds bleus (○) indiquent les valeurs réelles par habitant relevées entre 1980 et 2021 et se rapportent à l’échelle bleue de gauche. Si l’ajustement de ceux-ci par la courbe bleue est acceptable, alors la croissance de sa courbe moyenne est celle de la courbe rouge qui se rapporte à l’échelle de droite de même couleur.
Pour le reste, la Figure 3 montre que :
- passant de près de 220 kWh en 1980 à près de 1’100 en 2021, l’électricité nette appelée par habitant s’est multipliée par un facteur 5, mais elle aurait pu atteindre 1’250 kWh/habitant en 2021 si l’évolution de la période [2005, 2015] s’était poursuivie (pointillé bleu),
- sa croissance est devenue maximale entre 5 et 6% en 2003 puis descendue entre 0 et 0.5% en 2021.
Le coude marqué de cette évolution est dû au Programme d’Electrification Rurale Global (PERG) et il est certain que l’électricité devrait subir une évolution future accélérée par les véhicules électriques.
ÉVOLUTION DU 2ème POSTE DE CONSOMMATION : COMBUSTIBLES TERRESTRES
La tonne d’équivalent pétrole n’étant pas utile pour les combustibles terrestres dès lors qu’ils n’ont plus à être agrégés avec les autres, nous allons travailler avec la masse par an et par habitant, en rappelant (masse volumique oblique) qu’il faut diviser par environ 0,85 pour avoir les volumes en litres. L’évolution du deuxième poste de consommation de l’énergie « finale« , que sont les combustibles terrestres, est donc montrée en Figure 4.
Figure 4 Évolution de la masse de combustibles terrestres par habitant (gauche) et de sa croissance (droite)
Les ronds bleus (○) indiquent les valeurs réelles par habitant relevées entre 1980 et 2021 et se rapportent à l’échelle bleue de gauche. Si l’ajustement de ceux-ci par la courbe bleue est acceptable, alors la croissance de sa courbe moyenne est celle de la courbe rouge qui se rapporte à l’échelle de droite de même couleur.
Pour le reste, la Figure 4 montre que :
- passant de presque de 70 kg en 1980 à près de 190 en 2021, la consommation des combustibles terrestres par habitant s’est multipliée par un facteur 2.7, mais elle n’aurait atteint que 200 kg en 2021 si l’évolution de la période [2000, 2015] s’était poursuivie (le pointillé bleu),
- sa croissance est devenue maximale entre 3 et 3.5% en 2004 puis descendue entre 0.5 et 1% en 2021.
Les combustibles terrestres son appelés à une évolution future ralentie par les véhicules électriques.
ÉVOLUTION DU 3ème POSTE DE CONSOMMATION : BUTANE
La tonne d’équivalent pétrole n’étant pas utile pour le butane dès lors qu’il n’a plus à être agrégé avec les autres, nous allons travailler avec la masse consommée par an et par habitant. L’évolution du troisième poste de consommation de l’énergie « finale« , qu’est le butane, est donc montrée en Figure 5.
Figure 5 Évolution de la masse de gaz butane par habitant (gauche) et de sa croissance (droite)
Les ronds bleus (○) indiquent les valeurs réelles par habitant relevées entre 1980 et 2021 et se rapportent à l’échelle bleue de gauche. Si l’ajustement de ceux-ci par la courbe bleue est acceptable, alors la croissance de sa courbe moyenne est celle de la courbe rouge qui se rapporte à l’échelle de droite de même couleur.
Pour le reste, la Figure 5 montre que :
- passant de presque de 14 kg par an et par habitant en 1980 à près de 74 en 2021, la consommation de butane par habitant s’est multipliée par un facteur 5.3,
- sa croissance est devenue maximale autour de 6% en 1987 puis descendue entre 2 et 3% en 2021.
CONCLUSION
Non seulement la consommation de butane est celle qui s’est le plus démultipliée entre 1980 et 2021 (5.3 face à 5 pour l’électricité, pourtant objet du PERG, et seulement 2.7 pour les carburants terrestres) mais elle continue à croître plus rapidement que les 3 autres postes de consommation d’énergie. La seule explication de cette évolution soutenue réside dans la subvention du gaz butane qui est montrée dans la Figure 6.
Figure 6 Évolution de la subvention annuelle du gaz butane : totale en GDh (gauche) et par kg (droite)
N’est-il pas temps d’accorder une aide de 1’000 Dh annuels par membre de famille appartenant à l’un des deux quintiles les plus pauvres (15 M, soit 15 GDh) et de supprimer cette fluctuante subvention butane indirecte à nos fournisseurs étrangers de produits raffinés et les pétroliers qui les alimentent tout en causant localement injustice sociale, gaspillage, infractions (transport et pompage) et plus d’appel de devises ?
Par Amin BENNOUNA (sindibad@uca.ac.ma)
2 Commentaires
le butane est l energie qui aide de nombreuses femmes en situation precaire a creer leur propre emploi a travers des points de ventes directs de msmem harcha et autres
reduire cette aide a 1000dhs par famille pauvre ne suffit pas
toucher a cette niche aura des consequenses sociales en cascacade sauf a vouloir crisper encore plus la crise sociale deja tres eprouvee par l inflation la secheresse la difficulté a l acces aux soins c est un choix dangereux
Lobby du gaz qui pousse pour les énergies non carbonnees😇😇😇😇