Ecrit par I. Bouhrara I
À peine le Projet de Loi de Finances 2024 (PLF 2024) rendu public qu’il suscite l’intérêt du grand public, des professionnels en termes de changements qu’il apporte et sur son apport à la réforme globale de la fiscalité au Maroc. La TVA retient comme à l’accoutumé l’attention, particulièrement celle relative aux services d’électricité et d’eau. Détails.
Les réformes ne sont pas de tout repos et celle de la TVA l’est encore plus. La réforme de cette dernière était promise pour le PLF 2024 conformément aux engagements du gouvernement et des dispositions de la loi 69-19 portant réforme de la fiscalité. Nous y voilà donc et depuis que la mouture du PLF 2024 a été rendue publique, les regards sont rivés sur les principales mesures relatives à la TVA, à commencer par l’article 247- XXXXI proposant une hausse des 𝐭𝐚𝐮𝐱 𝐝𝐞 𝐓𝐕𝐀 sur les services d’𝐞́𝐥𝐞𝐜𝐭𝐫𝐢𝐜𝐢𝐭é, d’eau et de transport. Ce qui impactE directement le grand public mais aussi l’économie.
En effet, cet article dispose qu’à titre transitoire le taux de la taxe sur la valeur (TVA) ajoutée de 7% en vigueur au 31 décembre 2023, appliqué aux opérations de ventes et de livraisons portant sur l’eau livrée aux réseaux de distribution publique et aux prestations d’assainissement fournies aux abonnés par les organismes chargés de l’assainissement ainsi qu’à la location du compteur d’eau, est majoré comme suit :
- 8% à compter du 1er janvier 2024 ;
- 9% à compter du 1er janvier 2025 ;
- 10% à compter du 1er janvier 2026.
Par ailleurs, à titre transitoire, le taux de la taxe sur la valeur ajoutée de 14% en vigueur au 31 décembre 2023 appliqué à l’énergie électrique est majoré comme suit :
- 16% à compter du 1er janvier 2024 ;
- 18% à compter du 1er janvier 2025 ;
- 20% à compter du 1er janvier 2026.
Aussi, le taux de la TVA de 7% en vigueur au 31 décembre 2023 appliqué à la location du compteur d’électricité est « majoré comme suit :
- 11% à compter du 1er janvier 2024 ;
- 15% à compter du 1er janvier 2025 ;
- 20% à compter du 1er janvier 2026.
Le même article stipule que le taux de la taxe sur la valeur ajoutée de 7% en vigueur au 31 décembre 2023, appliqué aux opérations de vente et de livraison portant sur le sucre raffiné ou aggloméré, y compris les vergeoises, les candis et les sirops de sucre pur non aromatisés ni colorés à l’exclusion de tous autres produits sucrés ne répondant pas à cette définition, est majoré comme suit :
- 8% à compter du 1er janvier 2024 ;
- 9% à compter du 1er janvier 2025 ;
- 10% à compter du 1er janvier 2026. Aussi, la TVA de 14% en vigueur au 31 décembre 2023 appliqué aux opérations de transport de voyageurs et de marchandises, à l’exclusion des opérations de transport ferroviaire, passe à :
- 16% à compter du 1er janvier 2024 ;
- 18% à compter du 1er janvier 2025 ;
- 20% à compter du 1er janvier 2026.
Voilà qui risque de contribuer au surenchérissement du coût de vie déjà impacté par les récentes fluctuations sur les marchés internationaux et entamer le pouvoir d’achat déjà érodé des ménages.
Bien évidemment, les professionnels du chiffres sont aux premières loges pour décortiquer les dispositions du PLF 2024, parmi eux, Driss Moumen, expert-comptable DPLE et commissaire aux comptes.
« Le projet de loi de finances envisage 𝐮𝐧𝐞 𝐚𝐮𝐠𝐦𝐞𝐧𝐭𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐓𝐕𝐀 sur certaines opérations. De mon point de vue, 𝐣𝐞 𝐧𝐞 𝐬𝐮𝐢𝐬 𝐩𝐚𝐬 𝐟𝐚𝐯𝐨𝐫𝐚𝐛𝐥𝐞 𝐚̀ 𝐜𝐞𝐭𝐭𝐞 𝐩𝐫𝐨𝐩𝐨𝐬𝐢𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝’𝐚𝐮𝐠𝐦𝐞𝐧𝐭𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧. En particulier, l’idée d’augmenter 𝐥𝐞𝐬 𝐭𝐚𝐮𝐱 𝐝𝐞 𝐓𝐕𝐀 𝐬𝐮𝐫 𝐥’𝐞́𝐥𝐞𝐜𝐭𝐫𝐢𝐜𝐢𝐭𝐞́, 𝐥𝐞 𝐭𝐫𝐚𝐧𝐬𝐩𝐨𝐫𝐭 𝐞𝐭 𝐥’𝐞𝐚𝐮 ne me semble pas appropriée, surtout étant donné les préoccupations déjà exprimées par les Marocains concernant les coûts élevés de l’eau et de l’énergie », soutient-il sur LinkedIn.
𝐂𝐞𝐭𝐭𝐞 𝐡𝐚𝐮𝐬𝐬𝐞 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐓𝐕𝐀 𝐚𝐮𝐫𝐚 𝐮𝐧 𝐢𝐦𝐩𝐚𝐜𝐭 𝐧𝐨𝐧 𝐬𝐞𝐮𝐥𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐬𝐮𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐬𝐨𝐦𝐦𝐚𝐭𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐝𝐢𝐫𝐞𝐜𝐭𝐬, 𝐦𝐚𝐢𝐬 𝐚𝐮𝐬𝐬𝐢 𝐬𝐮𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐢𝐧𝐝𝐮𝐬𝐭𝐫𝐢𝐞𝐬 𝐞𝐱𝐨𝐧𝐞́𝐫𝐞́𝐞𝐬 𝐬𝐚𝐧𝐬 𝐝𝐫𝐨𝐢𝐭 𝐚̀ 𝐝𝐞́𝐝𝐮𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧, telles que la farine, la semoule, le lait, ainsi que sur l’ensemble des produits agricoles en dehors de ces catégories, poursuit Driss Moumen.
𝐄́𝐭𝐚𝐧𝐭 𝐝𝐨𝐧𝐧𝐞́ 𝐪𝐮𝐞 𝐥𝐚 𝐜𝐨𝐦𝐩𝐨𝐬𝐚𝐧𝐭𝐞 𝐞́𝐧𝐞𝐫𝐠𝐞́𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐞𝐭 𝐝𝐮 𝐭𝐫𝐚𝐧𝐬𝐩𝐨𝐫𝐭 est essentielle pour ces secteurs, une augmentation de 6% sur ces deux composantes entraînerait inévitablement 𝐮𝐧𝐞 𝐚𝐮𝐠𝐦𝐞𝐧𝐭𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐞𝐬 𝐜𝐨𝐮̂𝐭𝐬, 𝐜𝐞 𝐪𝐮𝐢 𝐚𝐟𝐟𝐞𝐜𝐭𝐞𝐫𝐚𝐢𝐭 𝐥𝐞𝐬 𝐩𝐫𝐢𝐱, 𝐥𝐚 𝐝𝐞𝐦𝐚𝐧𝐝𝐞, 𝐥𝐞𝐬 𝐢𝐧𝐯𝐞𝐬𝐭𝐢𝐬𝐬𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭𝐬 𝐞𝐭 𝐥𝐚𝐜𝐫𝐞́𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝’𝐞𝐦𝐩𝐥𝐨𝐢𝐬. 𝐈𝐥 𝐞𝐬𝐭 𝐢𝐦𝐩𝐨𝐫𝐭𝐚𝐧𝐭 𝐝𝐞 𝐫𝐞́𝐟𝐥𝐞́𝐜𝐡𝐢𝐫 𝐚𝐭𝐭𝐞𝐧𝐭𝐢𝐯𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐚𝐮𝐱 𝐜𝐨𝐧𝐬𝐞́𝐪𝐮𝐞𝐧𝐜𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐜𝐞𝐭𝐭𝐞 𝐩𝐫𝐨𝐩𝐨𝐬𝐢𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐬𝐮𝐫 𝐥’𝐞́𝐜𝐨𝐧𝐨𝐦𝐢𝐞 𝐞𝐭 𝐥𝐚 𝐯𝐢𝐞 𝐪𝐮𝐨𝐭𝐢𝐝𝐢𝐞𝐧𝐧𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐜𝐢𝐭𝐨𝐲𝐞𝐧𝐬. Je reste convaincu que d’autres solutions pourraient être envisagées pour répondre aux besoins budgétaires sans imposer une charge supplémentaire aux Marocains, soutient l’expert-comptable.
A contrario, il salue 𝐥𝐞𝐬 𝐞𝐱𝐨𝐧𝐞́𝐫𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐬𝐚𝐧𝐬 𝐝𝐫𝐨𝐢𝐭 𝐚̀ 𝐝𝐞́𝐝𝐮𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧 qui jouent un rôle crucial dans la transparence fiscale, notamment pour les producteurs de beurre industriel d’origine laitière, qui font face à une concurrence déloyale de la part de producteurs informels. 𝐋’𝐞𝐱𝐨𝐧𝐞́𝐫𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐞𝐬 𝐦𝐞́𝐝𝐢𝐜𝐚𝐦𝐞𝐧𝐭𝐬 𝐞𝐭 𝐝𝐞 𝐥𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐢𝐧𝐭𝐫𝐚𝐧𝐭𝐬 𝐫𝐞𝐥𝐞̀𝐯𝐞 𝐝𝐚𝐯𝐚𝐧𝐭𝐚𝐠𝐞 𝐝’𝐮𝐧𝐞 𝐝𝐢𝐦𝐞𝐧𝐬𝐢𝐨𝐧 𝐬𝐨𝐜𝐢𝐚𝐥𝐞.
Les entreprises ne sont pas en reste puisque le projet de loi de finances 2024 apporte également une nouveauté notamment au niveau de l’Article 182 relatif à la solidarité en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
Une nouvelle disposition prévoit en cas de non-respect des obligations de déclaration et de paiement prévues par le présent code en matière de taxe sur la valeur ajoutée, toute personne exerçant directement ou indirectement des fonctions d’administration, de direction ou de gestion de l’entreprise demeure solidairement redevable de la taxe due, des pénalités et majorations y afférentes.
Par ailleurs, le projet de l’article 117-V indique que les prestataires de services, y compris les professionnels libéraux et ceux offrant des services de location de voiture …, seront soumis à une retenue à la source de 75 % de la TVA s’ils disposent d’une attestation de régularité fiscale.
Si l’attestation de régularité fiscale n’est pas présentée, la retenue à la source grimpe à 100 %.
Mais qu’en est-il des professions libérables qui exercent en tant que personnes physiques et qui disposent d’un crédit de TVA ou qui externalisent une partie de leur activité, comment peuvent-ils préserver leur équilibre financier dans ce contexte ? Ces professionnels subissent déjà une retenue à la source sur l’impôt sur le revenu de 10%, et maintenant ils sont également confrontés à une retenue à la source sur la TVA, explique Driss Moumen.
Il en est de même des 𝑶𝒃𝒍𝒊𝒈𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏𝒔 𝒅𝒆𝒔 𝑭𝒐𝒖𝒓𝒏𝒊𝒔𝒔𝒆𝒖𝒓𝒔 𝒅𝒆 𝑩𝒊𝒆𝒏𝒔 𝒆𝒕 𝒅𝒆 𝑻𝒓𝒂𝒗𝒂𝒖𝒙 puisque l’article 117-IV, dispose que les fournisseurs de biens et de travaux assujettis à la TVA doivent présenter une attestation fiscale à jour, datée de moins de trois mois, à leurs clients.
À défaut, ces derniers doivent effectuer une retenue à la source sur la TVA due et la verser directement à l’État. Cependant, les institutions publiques telles que l’État, les collectivités territoriales et autres entités publiques, sont exemptées de cette exigence, bien qu’une attestation soit toujours requise pour les marchés publics.
Conséquences pour les Entreprises
Que peuvent faire les entreprises en cas d’irrégularités fiscales mineures ou de petites erreurs dans leur gestion fiscale ? Comment ces entreprises peuvent-elles survivre si elles paient la TVA sur les achats et elles ne collectent pas la TVA ?, s’interroge l’expert-comptable.
Il estime que s’il est indispensable de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, il est tout aussi crucial d’alléger les obligations fiscales pour les entreprises locales. Une réforme trop contraignante pourrait avoir l’effet inverse voire même décourager les investissements.
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