Quelle est la place du Maroc dans la stratégie d’expansion de la Chine sur de nouveaux marchés africains ? Telle est la thématique qui a été débattue en long et en large le jeudi 19 septembre dans les locaux de Policy Center for the New South. Une thématique d’actualité qui intervient dans un contexte marqué par une Afrique en plein développement et une Chine investissant massivement en Afrique notamment dans les infrastructures.
L’initiative route et ceinture (Belt and Road Initiative) adoptée par le gouvernement chinois, vient consolider les liens entre la Chine et le continent africain. En ce qui concerne le Maroc, c’est en 2018 que le Royaume avait exprimé son engagement, dans une lettre adressée par le Souverain aux pays partenaires, de faire partie de la nouvelle route de la soie. Le but étant de tirer profit des opportunités qu’offre le continent chinois qui s’est inscrit dans une nouvelle politique de croissance économique.
Au fil des ans, la thématique du développement a connu de grands chamboulements. S’il y a plusieurs années, les efforts d’aide et de soutien se sont orientés vers l’individu, aujourd’hui, la donne a complètement changé. La politique chinoise accorde désormais une place importante à l’infrastructure sur un plan plus global. « On assiste à un repositionnement de la Chine. Elle n’est plus ce continent prédateur de ressources naturelles, elle se positionne aujourd’hui comme un acteur essentiel accompagnant l’Afrique dans son industrialisation. Elle investit même dans les pays où d’autres puissances économiques ne le font pas » explique Ihssane Guennoun, International Relations Spécialist à Policy Center.
Dans plusieurs de ses rapports, la Banque Mondiale attire l’attention sur le fait que la négligence de l’infrastructure va créer des problèmes de croissance importants dans certains continents. Le message est on ne peut plus clair : il n’y a pas de développement sans infrastructures.
En Afrique, la Chine est le premier bailleur de financement de l’infrastructure qui nécessite un budget de 130 à 170 Mds de dollars par an. Elle est même la base de la coopération sino-africaine.
L’Empire du Milieu travaille avec 37 pays africains et avec l’Union Africaine dont le Maroc fait partie aujourd’hui. Entre 2005 et 2019, 500 millions de $ par projet ont été investis en Afrique. Lesdits investissements sont équilibrés à raison de 19% en Afrique Australe et 25% dans l’Afrique Est-Ouest. La ventilation sectorielle montre que l’énergie et le transport se taillent la part léonine, soit 70%. Ajoutons à cela que ce type d’investissement a un impact positif sur le pays qui en a bénéficié mais aussi sur les pays riverains.
Les intervenants sont conscients que la Chine est pointée du doigt pour des raisons liées à l’environnement, à la corruption, à la création des éléphants blancs… Toutes ces critiques étalées quotidiennement sur les colonnes des canards occidentaux, la Chine en fait un défi chaque jour. Mais, les experts restent tout de même convaincus que la Chine a fait des pas de géant en matière de qualité et qu’il est temps de terminer avec les stéréotypes en associant le produit chinois à la mauvaise qualité.
Industrialisation, un préalable à un bon positionnement… dans la chaîne mondiale
Aujourd’hui, il est unanime que l’Afrique bouge, mais dans quel sens ? Si elle améliore sa position dans la chaîne de la valeur mondiale, est-ce sur le plan qualitatif ou quantitatif ?
Une question qui mérite d’être posée à l’aune du basculement de l’économie mondiale. Un basculement plus technologique où l’intelligence artificielle intervient dans les différents modes de production. L’Afrique ne peut s’inscrire dans cette mouvance que si elle est accompagnée par les pays émergents ou par la Chine, aujourd’hui une grande puissance économique.
En effet, il est difficile pour un pays de concevoir de grimper des échelons dans la chaîne de valeur mondiale, s’il ne met pas en place des stratégies industrielles appropriées et efficaces. C’est tout l’enjeu aujourd’hui pour le Continent.
L’Afrique a connu au cours de la première décennie une croissance très forte qui a plus que doublé, soit 5 à 6% par rapport à la dernière décennie du siècle précédent. Toutefois, la croissance dans le continent reste fragile, vulnérable, irrégulière… parce qu’elle est tirée essentiellement par les matières premières. L’Afrique a du mal à atteindre les 7% inscrits dans l’Agenda 2063.
En cause : la transformation structurelle portée par l’industrie reste faible. On assiste à un déplacement de la main-d’œuvre plus vers les services que vers le secteur manufacturier.
L’Afrique s’industrialise relativement avec un taux de croissance supérieur à la moyenne mondiale mais inférieur à celle de l’Asie.
En vue de tirer pleinement profit de la route de la soie, l’Afrique a intérêt à accélérer son rythme d’industrialisation. L’industrie est primordiale dans la transformation structurelle pour gravir des échelons dans la chaîne mondiale et tirer profit de l’Initiative Route et Ceinture. Le Maroc en est pleinement conscient et à travers sa politique d’accélération industrielle, il peut bénéficier de l’accompagnement d’un pays comme la Chine et gravir les échelons de la chaîne de valeur mondiale.
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