Inscrit dans une dynamique de transparence et de reddition des comptes, le Maroc a engagé une série de réformes dans ce sens. En tant qu’acteur majeur dans le renforcement de cette chaîne de valeur vertueuse, comment l’auditeur externe peut-il préserver son indépendance face aux ordonnateurs publics ?
Le rôle de l’expert-comptable évolue et accompagne la dynamique de changement du pays qui s’inscrit actuellement dans un esprit de performance et de reddition de comptes, notamment dans le secteur public. Pour ne citer que quelques grands chantiers, la constitution de 2011 a posé le socle de cette corrélation entre responsabilité et reddition des comptes. La généralisation de l’audit dans les établissements de l’audit dans les établissements et entreprises publics met la profession face à une grande responsabilité, étant un maillon incontournable de la chaîne. Face à ces défis, se pose la question cruciale de l’indépendance des auditeurs externes, une profession réglementée, face aux ordonnateurs publics pour justement veiller aux impératifs de transparence et de reddition des comptes.
« Il faut garder en tête la responsabilité légale et pénale de l’auditeur qui doit d’abord se protéger en n’engageant pas sa responsabilité quitte à laisser tomber cette relation commerciale avec son client du secteur public que de faire un rapport de complaisance », explique Aziz El Khattabi, expert-comptable et président de l’Ordre régional des experts-comptables Rabat et Nord.
Pour étayer son propos, il revient sur les établissements publics inquiétés par la Justice : « Nous sommes heureux de constater que dans la plupart des cas, l’auditeur n’est pas inquiété et au contraire, souvent c’est son rapport qui enclenche la machine… ».
En plus d’être réglementé, le métier est aujourd’hui soumis à des normes strictes, selon Issam Maguiri, le Président de l’Ordre national des experts comptable comme en atteste le fait que l’ordre soit membre du conseil d’administration de l’international Federation of Accountants (IFAC et de la Pan African Federation of accountants (PAFA). « Le respect du code d’éthique de l’IFAC est obligatoire pour les professionnels au Maroc qui veille sur l’Indépendance en prévoyant un certain nombre de devoirs professionnels notamment la démission de l’auditeur s’il constate que son indépendance sera compromise », explique-t-il.
L’ordre aussi veille sur l’exercice saint du métier, poursuit Issam Maguiri et il est garant de cette indépendance par un contrôle de qualité. D’ailleurs, des professionnels vont dans les cabinets d’experts-comptables pour contrôler la conformité des dossiers, notamment comment ils ont été documenté…
Les comités d’audit ont également un rôle à jouer en matière de gouvernance et de transparence de leur organisme, assurent les professionnels. L’ordre préconise également le co-audit, pour les grands clients, comme disposition qui va permettre à deux auditeurs de se challenger.
Le troisième point dans ce sens de renforcement de l’indépendance des auditeurs est la rotation des mandats. « Dans ce sens, nous avons déjà une norme qui dispose q’un auditeur ne peut pas rester au-delà de six ans, passée cette date, il doit passer la main à un autre associé du cabinet. Au-delà de 12 ans, la société doit changer de cabinet, notamment les sociétés qui font appel public à l’épargne… », poursuit I. Maguiri qui explique que le projet de loi relative à la gouvernance et au contrôle financier de l’Etat sur les établissements et les entreprises publics et autres organismes va encore plus loin en réduisant les mandats des commissaires aux comptes. Autant de dispositions mais quid de la pratique ?
La 6ème édition des Assises de l’Ordre des exports-comptables, prévue le 8 novembre à Rabat, sous le thème « L’audit dans le secteur public et les impératifs de transparence et de reddition des comptes », sera l’occasion d’établir un état des lieux de l’audit dans le secteur public, d’écouter les témoignages des professionnels et surtout formuler des pistes d’amélioration de cet exercice.
D’ailleurs toutes les parties prenantes seront de la partie autour d’un programme concocté par un comité scientifique présidé par Abdelaziz Talbi, et composé de 16 membres dont experts comptables, de représentants de la Cour des comptes, de la Direction des entreprises publiques et de la privatisation DEPP, de la Trésorerie Générale du Royaume (TGR) et de la Direction générale des collectivités locales (DGCL).
Plus de 250 participants sont attendus à ces Assises pendant lesquelles sera diffusé un ouvrage de 200 pages sur la thématique co-rédigés par une vingtaine d’experts.