Face au rétrécissement de l’horizon de viabilité du régime de retraite RPC-CMR (épuisement des réserves prévu en 2026-2027), les pouvoirs publics doivent accélérer la mise en place de la réforme systémique et surtout assurer des sources de financement adéquates.
Les prestations servies par les régimes de retraite continuent à progresser plus vite que les cotisations collectées. D’après le rapport sur la stabilité financière au titre de l’année 2019, elles ont atteint 52,6 Mds de DH en 2019 au moment où les cotisations collectées se sont élevées à 48,9 Mds de DH, soit 4,2% du PIB. L’effectif des actifs cotisants s’est établi à 4,7 millions représentant 42,4% de la population active occupée. Aussi, ledit rapport élaboré conjointement par BAM, l’AMMC et l’ACAPS fait ressortir que les réserves constituées par ces régimes se sont accrues de 3,3% par rapport à 2018 pour se situer à 320,4 Mds de DH.
Les réserves du Régime des pensions civiles (RPC-CMR), dont le solde global est déficitaire depuis plusieurs exercices, ont enregistré une baisse annuelle moyenne de 2,4% sur les trois derniers exercices pour se situer à 80,2 milliards de dirhams en 2019.
En ce qui concerne la structure des placements des régimes de retraite, celle-ci est caractérisée par une prépondérance des titres obligataires avec une part de 68,5% du total actif. Les placements en actions et parts sociales représentent pour la CIMR 49,0% contre 25,0% et 19,0% respectivement pour le RCAR et le RPC-CMR. Pour ce dernier, la part des placements immobiliers a enregistré une augmentation pour atteindre 7,6% du total des placements du régime en 2019 contre une part de 0,5% une année auparavant suite à l’acquisition de cinq CHU d’un montant de 4,6 milliards de dirhams. Le montant total des placements des quatre régimes a atteint 313,2 milliards de dirhams, en hausse de 3,8% par rapport à l’exercice précédent
RPC-CMR : une amélioration du solde technique
Le solde technique du RPC-CMR, déficitaire depuis 2014, a enregistré une amélioration par rapport à 2018 sous l’effet d’une augmentation plus importante de ses cotisations relativement à celle des prestations du régime, respectivement de 14,8% et 8,6%.
Cette augmentation des cotisations provient à la fois d’une hausse des salaires des affiliés du régime dans le cadre du dialogue social ainsi qu’à la hausse du taux de cotisation du régime instaurée par sa réforme paramétrique de 2016.
Avec un solde des opérations financières d’un montant de 4 milliards de dirhams, en augmentation de 20,4% par rapport à 2018, le déficit global s’est situé à 1,3 milliards de dirhams au lieu de 2,7 milliards une année auparavant.
Le déficit technique du régime général du RCAR s’est situé à 2,7 Mds de DH contre 2,5 Mds enregistré en 2018. Le solde des opérations financières a permis de résorber ce déficit et de situer le solde global du régime à 1,7 Md de DH contre 1,3 Md en 2018.
« Les flux de trésorerie futurs supplémentaires générés par l’accroissement des nouvelles affiliations du régime constaté ces dernières années permettraient d’améliorer son horizon de viabilité et de retarder les dates du premier déficit global et d’épuisement de ses réserves de 3 à 4 années par rapport aux précédentes évaluations », fait savoir le présent rapport.
Les produits financiers en hausse
La branche retraite de la CNSS a enregistré un excédent technique de 1,8 milliard de dirhams contre 1,9 milliard en 2018. Les produits financiers ont permis à la branche de dégager un excédent global de 3,1 milliards de dirhams, en amélioration de 7,0% par rapport à son niveau une année auparavant. Les projections montrent une baisse de l’horizon d’épuisement des réserves du régime de quelques années, par rapport aux évaluations précédentes, suite notamment à la revalorisation des pensions décidée par les instances de la caisse en 2019.
Les soldes technique et global de la CIMR se sont élevés à respectivement 2,5 et 5,6 Mds de DH. Les deux agrégats ont accusé une baisse par rapport à 2018 respectivement de 9,1% et 1,4%. Le régime enregistrerait un déficit technique (à partir de 2057) alors que le solde global resterait excédentaire tout au long de la durée des projections et continuerait à accumuler des réserves qui resteraient sur une tendance haussière sur tout l’horizon des projections.
Problématiques majeures des régimes de retraite de base
La réforme paramétrique du RPC-CMR en 2016 a permis d’équilibrer la tarification de ce régime pour les droits acquis après cette année. Cependant, le poids de ceux acquis auparavant continue de peser lourdement sur la viabilité du régime et réduisent considérablement ses marges de manœuvre (assurer le financement des prestations sur tout l’horizon de projection, y compris par les réserves du régime, nécessiterait le relèvement du taux de cotisation de 28% à 51%).
Face au rétrécissement de l’horizon de viabilité du régime (épuisement des réserves prévu en 2026-2027), les pouvoirs publics doivent accélérer la mise en place de la réforme systémique et surtout assurer des sources de financement adéquates pour résorber les engagements importants du régime.
Le régime général du RCAR est caractérisé, quant à lui, par une sous tarification des droits acquis. Le rapport prestations/cotisations du régime se situe à 207% : un dirham de cotisation génèrerait 2,1 dirhams de pension en valeurs actualisées. Les engagements non couverts sur un horizon de 60 ans s’élèveraient à 147 milliards de dirhams contre 129,5 milliards en 2018, un niveau considérablement important relativement à la faible population couverte par le régime.
Cependant, le délai dont dispose le régime avant l’épuisement de ses réserves offre plus de marges de manœuvre dans le cadre de la réforme systémique pour assurer sa viabilité sur un horizon plus long et surtout pour assoir une tarification équilibrée par rapport aux droits accordés aux affiliés.
La branche retraite de la CNSS dispose de plus de marge de manœuvre pour redresser sa pérennité sur le long terme grâce notamment à la dynamique démographique observée dans le secteur privé. La révision de plusieurs paramètres de fonctionnement de la branche dans le cadre de la réforme systémique permettra ainsi d’assurer sa pérennité sur le long terme. Cependant, cette réforme ne devra pas perdre de vue la refonte du mécanisme d’acquisition des droits à la pension qui se caractérise par une générosité excessive pour les carrières moyennes (avec un taux d’annuité moyen de 3,33% pour les 15 premières années de cotisation conduisant à un rapport prestations / cotisations pour un profil moyen qui dépasse les 200%) mais qui reste défavorable aussi bien pour les courtes que pour les longues carrières.
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