Les professionnels des chiffres s’attendent à ce que le projet de loi N°27.20 traitant des conditions particulières attachées aux travaux des organes d’administration des sociétés de participation soit voté très prochainement. Ayant pour objet de lever les contraintes liées, entre autres aux réunions des organes délibérant dans un contexte de crise sanitaire, il présente toutefois quelques limites.
Dès l’annonce de l’état d’urgence sanitaire au Maroc, nous avons assisté à une prolifération de décret-loi, projet de loi, circulaire… pour apporter des exceptions et lever certaines contraintes réglementaires devenues juste impossibles dans la conjoncture actuelle.
Parmi ces textes, figure le projet de loi N°27.20 traitant des conditions particulières attachées aux travaux des organes d’administration des sociétés de participation , dérogeant ou complétant la loi 17.95 relatives aux sociétés anonymes.
Après son approbation en conseil de gouvernement le 17 avril et son examen et vote par la Commission des Finances le 23 avril dernier, le projet de texte semble quelque peu à la traine puisqu’il n’a toujours pas été programmé pour l’étude et vote en séance publique du Parlement.
Néanmoins, l’approche à grands pas du 20 mai, date de la levée de l’état d’urgence sanitaire, laisse augurer que le vote du projet de loi n°27-20 devra intervenir dans les prochains jours.
D’autant que le projet de loi vient justement lever les contraintes de cette période d’urgence sanitaire pour les organes délibérants des sociétés anonymes mais aussi parce qu’il prévoit certains délais post levée de l’état d’urgence.
A titre d’exemple, pour les sociétés à Directoire et à conseil de surveillance, le directoire soumet les comptes annuels de l’exercice clos au 31 décembre 2019 ainsi que les documents visés à l’article 141 de la loi 17.95 relative aux sociétés anonymes, au conseil de surveillance dans un délai maximum de 15 jours francs à compter de la date de la levée de l’état d’urgence sanitaire.
Le texte lève certainement beaucoup de contraintes réglementaires mais suscite également quelques interrogations. Le projet de loi présente au moins quatre limites.
Quatre limites majeures
Les professionnels étant en première ligne et concernés par ce nouveau texte, l’Ordre des experts-comptables a pris le temps de passer le projet de loi 27.20 à la loupe. De ce fait il relève quelques loupés du texte de loi.
Le premier constat est afférent au champ d’application du texte, puisque les mesures d’assouplissement prévues concernent les réunions des organes délibérants des sociétés anonymes mais aucune disposition dérogatoire pour les sociétés commerciales autres que les sociétés anonymes, en l’occurrence les sociétés civiles, les GIE, les coopératives ou encore à la SARL qui est la forme la plus répandue au Maroc.
Autre remarque soulevée par l’Ordre des experts-comptables, est que le projet de loi reste concentré sur les réunions à l’ultime usage d’arrêté des comptes, faisant abstraction de toutes autres formes de décisions qu’il s’agisse de nomination ou de révocation de dirigeants. Or, il s’écoulera au moins deux mois entre l’instauration et la levée de l’état d’urgence sanitaire sans aucune possibilité pour un conseil d’administration de statuer ce type de décisions même en visioconférence.
Le troisième point d’interrogation que suscite ce texte est l’annulation du délai de 60 jours entre la notification des comptes aux commissaires aux comptes et la date d’envoi de l’avis de convocation à l’AGO.
Ainsi le texte ne semble concerner que les comptes provisoires sans se pencher sur les autres cas de figure pouvant être impactés par la pandémie. L’Ordre des experts comptables cite à cet égard les sociétés faisant appel public à l’épargne qui, aux termes de l’article 121 de la loi n°17.95, sont tenues de publier l’avis de convocation à l’Assemblée au moins 30 jours avant la date de réunion. « Dans ce cas de figure, le CAC doit prendre connaissance des comptes sociaux et du rapport de gestion arrêtés par le Conseil d’administration au plus tard au 31 mars 2020 », explique l’Ordre des experts comptables.
Le dernier point reproché à la mouture actuelle du projet de loi n°27.20 est la non-extension de la possibilité d’utiliser des moyens de visioconférence aux réunions du Conseil de surveillance. Ainsi et à défaut de pour le projet de loi de déroger à l’article 50 de la loi n°17.95, qui dispose que conseil d’administration ne délibère valablement que si la moitié au moins de ses membres sont effectivement présents, le conseil de surveillance ne pourra pas se tenir par visioconférence au risque de subir la nullité de ses délibérations.
Donc quelques limites qui risquent de rendre le projet de loi très incomplet voire le vider de son essence de permettre la poursuite de la gestion des entreprises malgré la contrainte de restriction de déplacements et de rassemblement.
1 comment
Il est vrai que la loi 27-20 (qui n’est plus à l’étape de projet, mais est déjà publiée au Bulletin Officiel du 1er juin (version arabe)) n’évoque pas expressément la possibilité pour les conseils de surveillance de tenir leur réunion par les moyens de visioconférence, à l’instar des conseil d’administration. Cependant, cela n’implique pas l’impossibilité pour les conseils de surveillance de réunir et de délibérer valablement par ces procédés à distance. La solution se trouve dans la loi 17-95 et précisément à son article 91, dont le dernier alinéa dispose: « les dispositions des articles 50 à 54 (de ladite loi) s’appliquent au fonctionnement du conseil de surveillance ». Il s’en suit que les dispositions de la loi 20-27 dérogeant aux dispositions de l’article 50 de la loi 17-95 relatives aux réunions du conseil d’administration valent également pour les conseils de surveillance. En conséquence, le conseil de surveillance peut se réunir par visioconférence, même si les statuts ne prévoient pas cette possibilité, sans que ses délibérations encourent la nullité.