Les importations soumises aux ALE ont rapporté à l’Etat 9,5 Mds DH beaucoup moins que si elles avaient été soumises au régime de droit commun. Ce manque est estimé à 19 Mds de DH.
Bon nombre d’industriels, d’économistes et d’observateurs s’accordent sur les retombées négatives des Accords de libre-échange sur l’économie marocaine. Les chiffres du commerce extérieur donnent froid au dos. Les déficits avec les pays signataires sont importants pour ne citer que celui avec l’UE de 100 Mds de DH, la Chine de 36 Mds de DH ainsi que la Turquie de 18 Mds de DH non pas sans conséquence sur la balance commerciale. L’impact fiscal des ALE sur les recettes du Maroc est aussi conséquent.
D’après le Directeur des études et de la coopération internationale à l’administration des douanes et des impôts indirects, Chafik Essalouh qui animait un débat sur les ALE organisé récemment à rappelé que les ALE en 2018 sont estimés à 167 Mds de DH. Tenant compte que les importations globales du Maroc s’élèvent à 480 Mds de DH, celles soumises aux ALE représentent 35% du global, soit 167 Mds de DH. « Ce chiffre est beaucoup plus important si l’on prend en considération non seulement les importations globales mais les importations taxables (retrait des importations en suspension exonérées des droits de douanes). En effet, les ALE représentent non pas 35% mais 49% des importations », a précisé Chafik Essalouh.
Le manque à gagner en termes de droit d’importation est beaucoup plus parlant. Les importations soumises aux ALE ont rapporté à l’Etat 9,5 Mds DH beaucoup moins que si elles avaient été soumises au régime de droit commun. Ce manque est estimé à 19 Mds de DH, un montant important qui aurait été encaissé a indiqué Chafik Essalouh. Un manque à gagner qui n’est toujours compensé par les exportations qui malgré une légère hausse de 4,1% ( 74,2 Mds de DH ) à fin mars 2019 restent bien loin des importations soit 121,2 Mds de DH.
Autre indicateur à ne pas négliger et qui reflète l’exposition de l’ouverture du Maroc est celui du taux de la pression fiscale (les droits des taxes perçus à l’importation rapportés aux importations) qui est passé de 9,2 en 2002 à -2% en 2018. Notons que ledit taux est resté stable au cours de la période 2013-2018 lit-on dans le rapport d’activité de 2018 de l’Administration des douanes et impôts indirects (ADII).
Outre le déséquilibre gravissime des 56 ALE signés et leur impact sur la balance commerciale, les recettes fiscales ont été à leur tour affectées au grand dam du contribuable. Ce dernier n’a vu que du feu en matière de baisse des taux qui lui sont imposés.
La question est désormais de savoir si les erreurs commises seront-elles évitées lors des prochaines négociations d’ALE ?
Rappelons que dans ce sillage, le ministère du commerce avait promulgué une loi qui imposait avant toute négociation d’un ALE l’élaboration au préalable, à une étude d’impact mesurant les gains ainsi que les retombées. Malheureusement, cette prescription qui permet d’avoir plus de visibilité sur les concessions tarifaires et les délais de démantèlement n’a jamais vu le jour. Ce qui n’est pas rassurant sachant que le Maroc est en plein discussions de nouveaux Accords notamment ceux avec l’Union africaine, avec la CEDEAO ainsi que le Royaume-Uni. Celui de la Zone de libre-échange continentale (ZLECA) est entré en vigueur ce jeudi 30 mai.
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