Ecrit par la Rédaction |
A la Bourse de Casablanca et contrairement à d’autres marchés plus mâtures, le virage défensif déclenché début de l’année 2020 a été de courte durée.
La pandémie liée au Covid-19 a chamboulé les comportements des acteurs économiques tout azimut. A travers le monde, la propagation de la pandémie et les mesures de restriction imposées un peu partout se sont traduites d’une manière différenciée sur les secteurs. Au moment où certains secteurs ont pu résister à la crise (agroalimentaire, pharmaceutique…), d’autres ont dégringolé à vive allure. Face à une telle configuration, les investisseurs en bourse ont changé de fusil d’épaule tirant les enseignements qu’il faut de cette crise inédite.
Les analystes de la DEPF (Policy Brief) ont mis le curseur sur la cote casablancaise pour justement étudier le comportement des investisseurs durant cette période.
D’après-eux, au terme de l’année 2020, seulement sept secteurs sur les 24 présents dans la bourse casablancaise ont évolué dans le territoire positif, générant en somme une contre-performance du Masi de -7,3% après une progression de 7,1% une année auparavant.
Les profils de ces secteurs sont repartis entre ce qu’ils appellent défensifs et cycliques et le basculement entre ces deux segments s’opère généralement dans la quête perpétuelle des secteurs d’activité les plus porteurs. Ce mouvement est communément appelé rotation sectorielle. Il fait référence à l’acte de transférer des actifs d’investissement d’un secteur de l’économie à un autre. Ainsi, suivant le contexte macroéconomique et la phase dans laquelle le marché se positionne, les traders et les investisseurs procèdent à des arbitrages intersectoriels en surpondérant ou sous-pondérant les titres défensifs et cycliques, de manière à pouvoir profiter pleinement du prochain retournement cyclique.

Source : DEPF
A travers cette étude, le Policy Brief s’évertue à :
- Eclairer sur le concept de la rotation sectorielle ainsi que les facteurs à l’œuvre dans ce mouvement défensif/cyclique ;
- Mettre en évidence, à partir des données trimestrielles du PIB réel couvrant la période 2007T1-2020T4, le degré d’interaction entre le cycle économique avec le cycle boursier au Maroc ;
- Etablir, en s’inspirant de la méthodologie appliquée1 pour l’indice général FTSE1002 , une typologie des secteurs présents dans la bourse de Casablanca, et ce, selon le degré de leur sensibilité au marché et leur positionnement par rapport au cycle général d’activité ;
- Vérifier si le comportement des investisseurs opérant dans la bourse de Casablanca est empreint d’inflexions qui fondent les principes de rotation sectorielle.
Bourse de Casablanca : des rendements différenciés
Dans un contexte de crise, le rendement des différents secteurs a été instable. Ainsi, l’agroalimentaire figure parmi les secteurs qui ont le mieux performé en bourse durant les 13 dernières années. Représentant une part de 8,3% du MASI, ce secteur a affiché 11 fois sur 13 des performances supérieures à celle du MASI, avec une croissance annuelle moyenne de 10,5%. Suivi de l’industrie pharmaceutique (9 fois sur 11 et sa vigueur était sujette à des fluctuations importantes. La comparaison des neuf secteurs les plus représentatifs du marché financier national, soit plus de 92% du MASI, offre un large éventail de rendements.
Par contre, le secteur « bâtiment et matériaux de construction », qui représente 35,1% du MASI, a affiché 9 fois sur 13 des performances inférieures à celle du MASI, avec une croissance annuelle de -1,8%. Les secteurs « pétrole et gaz » et « services aux collectivités » figurent également dans la tranche inférieure en affichant, chacun, 7 fois sur 13 des performances inférieures à celle du MASI.
Les rendements des différents secteurs cotés à la bourse de Casablanca ont marqué, entre les deux dernières crises (financière en 2008 puis sanitaire en 2020), des fluctuations erratiques générant ainsi des cycles de hausse et de baisse sur des périodes plus ou moins courtes. Dans ce contexte assez volatile, les secteurs cycliques ont surperformé le marché durant les phases haussières, tandis que ceux défensifs ont surperformé lors des phases baissières.
Les classifications défensif/cyclique sont aux frontières parfois mouvantes, puisque certains secteurs peuvent basculer d’une catégorie à l’autre, et ce, en fonction des évolutions structurelles ou conjoncturelles de l’économie.
En 2020, le déclenchement de la crise sanitaire a ravivé, quoique pour une durée très courte, l’intérêt des investisseurs pour les secteurs défensifs.
La rotation en faveur des secteurs cycliques a repris de manière significative à partir du dernier trimestre de l’année 2020, sur fond d’optimisme économique et du retour progressif à la normale de l’activité dans son ensemble. Les derniers éléments conjoncturels dénotent, en effet, d’un net redressement du marché boursier casablancais durant le premier semestre de 2021 avec une croissance de son indice de référence de 22%, après avoir accusé une baisse de 7,3% au terme de l’année 2021.
L’intérêt pour le placement axé sur les secteurs cycliques devrait se poursuivre pour le reste de l’année 2021, soutenu par plusieurs facteurs favorables, notamment le net rebond de l’activité économique en 2021 (entre 5,5% et 5,8% selon les prévisions du MEFRA) et le redressement des économies des principaux partenaires du Maroc (la demande étrangère adressée au Maroc est estimée à 7,7%9). Aussi, le succès de la campagne de vaccination et le déploiement du plan de relance sont autant de facteurs qui favoriseront une revalorisation des secteurs cycliques.
Bourse de Casablanca vs économie réelle
Concernant le décalage par rapport à l’activité économique globale, bon nombre de secteurs représentatifs de l’activité courante suivent le cycle de l’activité économique globale avec plus ou moins de retard. Deux ensembles de secteurs peuvent ainsi être identifiés : 1) des secteurs en avance sur la conjoncture, donc plus risqués, et plus performants en phase haussière du marché, des secteurs en retard sur la conjoncture, donc moins risqués et plus performants en phase baissière du marché
Par ailleurs, force est de constater qu’un seul secteur relève de la catégorie neutre et synchrone, en l’occurrence les « banques ». En outre, deux secteurs seulement sont répertoriés comme cycliques, à savoir « bâtiment & matériaux de construction » et « participation et promotion immobilières ». Ces deux derniers, considérés comme hautement spéculatifs, affichent un faible décalage par rapport à la conjoncture économique
Le secteur « services aux collectivités » apparait, en revanche, le plus en retard vis-à-vis du cycle d’activité. Son caractère retardé s’accompagne d’une faible sensibilité au marché, ce qui lui confère un caractère moins risqué et, en conséquence, défensif. Les quatre secteurs « agroalimentaire / production », « distributeurs », « électricité » et « industrie pharmaceutique » s’inscrivent en forte avance au regard du cycle économique et affichent une faible sensibilité à l’évolution des marchés financiers, ce qui leur donne un caractère défensif.
A travers leur diagnostic et analyse, les analystes de la DEPF arrivent à la conclusion suivante : bien que des rotations sectorielles soient opérées, à différents degrés et à différents moments, durant ces douze dernières années, une réelle stratégie de rotation sectorielle implique une « rotation » dans et hors des secteurs lors des différentes phases cycliques. Elle nécessite, en outre, davantage de liquidité et une grande flexibilité pour modifier les positions d’investissement au sein du portefeuille.
« La bourse de Casablanca demeure, à cet égard, un marché de petite taille et moins liquide, comparativement aux marchés financiers occidentaux », annoncent-ils.
Le virage défensif déclenché début de l’année 2020, quoique d’une faible amplitude, a été de courte durée.
Les avancées enregistrées en matière de vaccination contre la pandémie Covid-19, et son corollaire l’assouplissement significatif des mesures de restriction à la mobilité, ainsi que le lancement effectif du plan de relance de l’économie nationale, sont autant de facteurs qui pousseront les investisseurs de se positionner sur des segments cycliques dans le futur proche.
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