Placée sous la loupe des magistrats de la Cour des comptes, plusieurs dysfonctionnements ont été relevés dans la gestion de la Caisse de dépôts et de Gestion.
Depuis la création de CDG en 1959, ses domaines d’intervention ont été considérablement diversifiés et le nombre de ses filiales et participations n’a cessé de croître. La politique de diversification des activités de CDG a amené cette dernière à intervenir dans plusieurs domaines d’activités concurrentielles. « Toutefois, cette diversification a été faite de manière dépassant son cadre juridique. Le texte de création de CDG n’a pas connu de changements majeurs, excepté de légers amendements en 1960 », souligne l’équipe de Driss Jettou.
En matière de gouvernance, la CDG n’est pas encore dotée d’un conseil d’administration dûment constitué et siégeant en véritable organe de décision, d’administration et de contrôle du groupe. L’architecture du système de gouvernance de CDG depuis sa création repose sur deux principales structures, à savoir la commission de surveillance et la direction générale. L’examen des principales structures intervenant dans la gouvernance de CDG a permis de faire les constats suivants :
Commission de surveillance : La commission de surveillance ne jouit pas de pouvoirs de décision ; son rôle est essentiellement consultatif. Elle n’exerce aucun droit de regard préalable sur les stratégies projetées par la direction générale, ni sur les décisions structurant l’activité du groupe. De même, sa composition n’a pas connu de changement depuis 1959, malgré l’évolution importante du champ d’intervention du groupe, la diversification de ses activités et la multiplication de ses filiales. De plus, le texte de création de CDG ne précise ni la qualité de la personne devant assurer la présidence, ni la fréquence des réunions à tenir. Jusqu’à fin 2017, elle a continué de fonctionner en l’absence d’un règlement intérieur qui régit son fonctionnement.
Direction générale : Le Dahir de création de CDG a conféré au directeur général des pouvoirs de gestion étendus. Il décide de toutes les opérations en matière d’investissement, de recrutement et de nomination dans les postes de responsabilité et même de création et de suppression de structures. Cette concentration de pouvoirs étendus entre les mains d’une seule personne n’est pas forcément en adéquation avec les règles de bonne gouvernance.
Pour réaliser sa vision, la CDG a élaboré plusieurs plans stratégiques (2007-2010, 2008-2012, 2011-2015 et 2018-2022). Excepté le plan 2018-2022 (non examiné par la Cour des comptes) et vu l’absence d’une déclinaison systématique, pour tous les métiers, de la vision et des objectifs stratégiques prévus par les autres plans successifs, en plans d’action, business plan ou plans à moyen terme, il est difficile d’apprécier le degré d’atteinte des objectifs fixés par ces plans. L’examen du système de planification stratégique et de pilotage des filiales et participations a permis de faire les constats suivants : – non évaluation du degré d’atteinte des objectifs fixés par les plans stratégiques arrivés à terme ; – insuffisance des mécanismes de suivi ; – reporting du pilotage stratégique se limitant principalement aux indicateurs financiers ; – absence de mécanismes de validation, par la commission de surveillance, des choix stratégiques des filiales, devant être la déclinaison des orientations stratégiques du groupe ; – insuffisance en matière de contrôle de gestion : ✓ absence d’un pilotage budgétaire groupe ; ✓ absence de consolidation des données budgétaires, prévisionnelles et réalisées, du groupe ; ✓ dispersion de la fonction contrôle de gestion entre plusieurs entités, ✓insuffisance du suivi par les administrateurs.
Sur le plan des performances financières, l’analyse des principaux indicateurs financiers de CDG a permis de relever les constats suivants :
- Prédominance des dépôts de la CNSS et la CEN dans les ressources CDG. A fin 2017, ils représentent 67% des ressources ;
- Diminution du coût des dépôts. De 2007 à 2017, ce coût est passé de 3,3% à 2,8% ;
- Evolution soutenue des emplois. A fin 2017, les emplois ont enregistré un taux de croissance annuel moyen de 9% ;
- Diminution du rendement des emplois. De 2007 à 2017, ce rendement est passé de 6% à 4,5%.
- Diminution du rendement des capitaux propres et des actifs investis. Ce rendement est mesuré par les ratios de rendement des actifs (return on assets « ROA ») et de rendement des capitaux (return on equity « ROE »). De 2007 à 2017, le ROA a chuté en passant de 7% à 0,06% quant au ROE, il a chuté de 3,9% à 1% ; – dégradation continue du résultat net du fait de l’augmentation du coût du risque constaté dans les comptes dans le cadre la restructuration bilancielle entamée. Le résultat net social a évolué de 4,1 MM DH en 2007 à 81,6 M DH en 2017 ;
- Augmentation des provisions. De 2007 à 2017, leur montant est passé de 10 M DH à 1,14 MM DH ;
- Augmentation des charges générales d’exploitation. De 2007 à 2017, elles sont passées de 250 M DH à 423 M DH.