Ecrit par Imane Bouhrara |
Il reste moins de deux mois seulement avant la fin du délai de grâce accordé par le Conseil de la Concurrence aux entreprises pour régulariser à l’amiable les opérations de concentration économique non-notifiées. Pourquoi est-il important de profiter de cette fenêtre tant qu’il est encore temps ?
Il semblerait bien que le tissu économique marocain, du moins une partie, n’a pas pris la pleine mesure de la réactivation du Conseil de la Concurrence en 2018 ni de la teneur du message royal ayant accompagné la nomination de son actuel président Ahmed Rahhou en mars 2021.
L’économie nationale est désormais véritablement dotée d’une autorité de la concurrence qui veille au respect de « l’ordre public » économique amorçant une marche forcée vers la démocratie économique et l’Etat de droit.
Du moins c’est l’aspiration confirmée par le président du Conseil qui n’a de cesse pris son bâton de pèlerin à la rencontre aussi bien des acteurs économiques que les professions orbitant autour des entreprises, notamment les juristes, afin d’informer, vulgariser… à la culture de la concurrence somme toute récente dans notre pays. Mais aussi aux missions et prérogatives du Conseil.
Et l’une de ses missions à cet effet, est le contrôle Ex ante des concentrations économiques pour veiller à la protection du fonctionnement concurrentiel du marché et assurer une veille concurrentielle permanente des marchés et de disposer, à partir des opérations de concentrations économiques notifiées, d’un tableau de bord précis retraçant la situation réelle de ces opérations dans les différents secteurs d’activité de l’économie nationale, ainsi que le positionnement concurrentiel des opérateurs, nationaux et internationaux, dans ces secteurs.
Bien évidemment face à une tendance à la hausse des concentrations économiques, le Conseil de la concurrence a opté pour une démarche progressive à coup de rencontres d’information et de sensibilisation au cadre réglementaire régissant la concurrence aussi bien auprès du patronat que de corps de métiers accompagnant le développement des entreprises au Maroc à la procédure à respecter notamment la loi 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Particulièrement les articles 12 et 13 portant sur l’obligation de notifier le Conseil et désignant à qui incombe cette responsabilité.
Ce dernier a même édité un code d’éthique début 2021 présenté lors d’une importante rencontre à la CGEM.
Il continue également d’examiner, de contrôler, d’instruire et même de sanctionner les opérations non-notifiées, pour ne citer que l’amende infligée à Sika AG en mai dernier.
Face à ce nouveau cap de renforcement du Conseil de la Concurrence en tant qu’autorité de régulation, il a été décidé d’accorder un délai de grâce aux entreprises n’ayant pas notifié leurs concentrations économiques pour régulariser et se conformer à la loi.
Délais de grâce certes, mais le Conseil continue de tisser sa toile
Entre le 24 juin et le 29 septembre, Conseil de la Concurrence a pris trois décisions pour compléter et expliciter l’opération transactionnelle qui permet aux entreprises de régulariser les concentrations économiques non-notifiées au Conseil de la Concurrence. Une régularisation à l’amiable qui présente quelques avantages comparativement aux dispositions de sanction contenues dans l’article 19 de la loi 104-12.
En résumé, les concentrations économiques réalisées entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021, et non notifiées au Conseil de la Concurrence, sont assorties d’une sanction de 1% de CA au lieu de 5 % prévus dans l’article 19 de la loi 104-12, plafonnée à 4 MDH s’il s’agit d’une seule opération et à 10 MDH lorsqu’il s’agit de plusieurs rapprochements.
Pour les entités n’ayant pas encore réalisé de chiffre d’affaires au moment de la concentration, la procédure transactionnelle fixe une amende forfaitaire de 500.000 DH.
Enfin, pour les concentrations économiques ayant eu lieu avant le 1er janvier 2019 non-notifiées et non prescrites, sont examinées mais affranchies de la sanction pécuniaires.
Il y a lieu de souligner que la régularisation procède du même examen d’une notification d’une concentration économique (Titre IV de la loi 104-12).
Alors que le délai de grâce expire le 31 décembre 2022, on se demande encore quel serait le bilan de cette « amnistie » et si le Conseil prorogera ce délai. Rien n’est exclu mais rien n’est garanti. Au-delà de cette date, le Conseil de la concurrence appliquera ce que prévoit la loi, et c’est du lourd.
Les plus téméraires devront néanmoins savoir qu’une chose est pourtant sûre : le Conseil de la concurrence a bien tissé sa toile pour traquer tous les manquements au cadre réglementaire de la concurrence particulière les opérations de concentration économique. Il devient plus difficile de passer entre les mailles du filet.
BAM, AMMC, ACAPS, ADII, CNSS, Office des changes, ministère public, Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et bien d’autres… ont conclu des partenariats avec le Conseil de la Concurrence. Et la majorité de ces accords portent sur les échanges des informations et des données, en plus de renforcer le pouvoir d’instruction du Conseil de la concurrence.
Autant dire que la traque et la sanction des violations et infractions faites à la loi de la concurrence deviennent plus faciles grâce aux recoupement des données et des synergies, pour établir l’ordre public économique et assurer le bon fonctionnement des marchés.