« Nous évoluons dans un environnement où il y a récession. Tous nos partenaires, particulièrement les européens, sont en récession. Je ne vois pas comment pourrait-on y échapper ? » a souligné le Haut Commissaire au plan lors d’une interview avec la presse au sujet de l’impact de coronavirus sur l’économie marocaine. Avec cette crise pandémique, toutes les règles néolibérales sont en train de sauter en Europe comme aux Etats-Unis, a-t-il ajouté. Effectivement, avec l’évolution des effets de la mondialisation et la globalisation financière, tout le monde embarque sur le même Titanique.
Nos principaux partenaires (la France, l’Espagne et l’Italie) ont été les premiers, après la Chine, qui ont assumé le coup. Cette interdépendance économique internationale va appliquer solennellement l’effet domino, d’ailleurs comme toutes les crises précédentes. L’histoire du Maroc avec les Européens notamment la France a pris son départ depuis la période du protectorat en passant par la phase de la construction d’un Maroc moderne et indépendant dans les années 1960 et 1970 jusqu’au aujourd’hui où la libéralisation, l’ouverture et le commerce international qui présente une polarisation exacerbée des échanges. Le Maroc est lié à l’UE par un accord d’association signé en 1996 et est entré en vigueur en l’an 2000.
Cet accord prévoyait notamment l’instauration progressive d’une zone de libre-échange dont l’ultime objectif est le démantèlement tarifaire sur les importations et les exportations. A la conclusion de cet accord, le Maroc a bénéficié aussi d’une aide financière dans le cadre du programme MEDA, afin de procéder à la mise à niveau de son tissu productif. Et depuis la mise en œuvre d’un statut avancé en 2010 entre les deux partenaires afin de renforcer la relation bilatérale, l’UE demeure le principal fournisseur du Maroc avec une part de 57.1% du total des approvisionnements.
En dépit d’une balance commerciale toujours déficitaire, l’UE reste le meilleur exportateur en produits finis et en matière de consommation intermédiaire utilisée dans le processus de production nationale, sans compter l’adoption par le gouvernement marocain d’une politique d’attractivité des IDE particulière afin d’encourager spécialement l’implantation des firmes européennes. Par ailleurs, puisqu’on parle ici de l’interdépendance commerciale et économique, depuis son adhésion à l’OMC, la Chine est devenue la première source des importations européennes jusqu’à aujourd’hui.
A cet égard, l’effet dominant trouve un terrain propice pour jouer son jeu. Face à la gravité de la situation avec des fermetures d’usines comme chez Michelin, PSA, Renault ou Airbus, des commerces fermés, des entreprises au bord de la faillite notamment des PME et TPE et de nombreux salariés dans l’incapacité de pratique de télétravail, et les retombées de l’annulation de salon d’automobile organisé chaque année en Suisse qui accapare 10% de l’économie européenne. Comme il a été indiqué par la BCE, l’UE anticipe une mystérieuse récession en 2020, sans la chiffrer mais en prévoyant un impact global de la crise coronavirus sur la croissance européenne de 2 à 2,5%.
À travers cette analyse dressant la relation interdépendante entre le Maroc et l’UE notre premier partenaire ( avec tous ses Etats membres inonde dans la récession depuis des semaines), comment le Maroc va se débrouiller dans les prochains jours sans aides, sans approvisionnements ? Comment le Maroc va s’en sortir avec la vulnérabilité de son tissu productif malgré les efforts déployés pour sa mise à niveau ? Certainement l’endettement auprès de la banque Mondiale et du FMI nous attend. L’ampleur de la crise nous pousse à réfléchir à un nouveau PAS (Programme d’Ajustement Structurel) ? Les perspectives sont énigmatiques, les anticipations sont obscures et les départements compétents annoncent qu’ils n’ont pas des chiffres officiels d’ici le mois de juin 2020.
Adil El jouali, Professeur chercheur en Economie Internationale, Université Ibn Zohr