Faute de services financiers numériques assez développés, le dispositif mis en place par l’Exécutif suite au Covid-19 pour indemniser les catégories sociales les plus fragiles a pris du retard tout en mobilisant des ressources humaines et financières importantes.
La pandémie Covid-19 a mis en exergue l’importance des services financiers pour venir en aide aux populations les plus fragiles dans un contexte inédit voire unique. Dans un récent rapport de la Banque mondiale, l’institution de Breton Woods explique comment un meilleur accès aux services de base tels que les comptes courants, le crédit, les produits d’épargne et l’assurance permet aux pauvres d’augmenter leurs revenus et de pouvoir faire face aux chocs liés à la pandémie. A travers les technologies numériques, les acteurs auparavant exclus du système peuvent en toute sérénité y accéder et satisfaire leurs besoins les plus élémentaires. Comment ? En levant les obstacles qui entravent l’accès aux services financiers tels que l’absence de papiers d’identité et de revenus officiels ou encore l’éloignement géographique.
Lentement mais sûrement…
Le Maroc a pu faire face aux défis de la pandémie Covid-19 en irriguant la population jugée vulnérable en ces temps de crise. En dehors même de la population, affiliée à la CNSS, en arrêt partiel de travail, celle opérant dans l’informel a pu être servie. Les chiffres rendus publics par le CVE montrent que 2,3 millions de ménages relevant du RAMED, 2 millions de ménages exerçant dans l’économie informelle et 900.000 salariés immatriculés à la CNSS ont pu bénéficier du concours financier de l’État.
Toutefois, cela n’empêche pas de reconnaître que, faute de moyens, le dispositif a pris du retard pour une population qui suffoque sous le joug de la pauvreté et qui valeur aujourd’hui attend d’être indemnisée. Ajoutons à cela que les concernés ont été amenés à se déplacer aux guichets bancaires pour être servis. 16.000 points de distribution des aides ont été mis à disposition. Et justement pour éviter la contamination par le respect des règles sanitaires, un dispositif mobilisant des ressources humaines et financières importantes a été déployé. Des ressources financières que le Maroc aurait pu éviter, s’il disposait de technologies financières développées, en ces temps où la ressource financière se fait rare.
C’est pour dire qu’en matière de technologies financières ou fintechs, le Maroc traine le pas. Bien qu’il soit un vecteur important en matière d’inclusion financière, le paiement mobile est encore à ses premiers balbutiements.
Dans de nombreux pays notamment subsahariens, la forte pénétration des téléphones portables a permis l’éclosion de la première génération de services financiers dématérialisés et l’essor de l’ « argent mobile ». Il ressort même qu’à ce jour plus de 850 millions de comptes utilisant la téléphonie mobile sont recensés dans 90 pays enregistrant ainsi 1,3 Md de $ de transactions quotidiennes.
En guise de rappel, au Maroc, la Banque Centrale et l’Agence nationale de réglementation des télécoms ont lancé le m-wallet en novembre 2018. Il s’agit d’une co-entrerprise entre les banques, les institutions financières et les opérateurs télécoms. Le leitmotiv est de stimuler l’inclusion financière qui reste néanmoins inférieure à d’autres économies comparables. Malheureusement au Maroc, on ne dénombre encore que très peu de Fintechs qui en font partie. Si tous les éléments semblent réunis pour permettre le développement d’un écosystème Fintech performant au Maroc, la mise en œuvre des initiatives doit impérativement s’accélérer si le pays veut jouer un rôle clé dans le développement du secteur.
En cette période de distanciation sociale imposée et dictée pour éviter la contamination, la pandémie de Covid-19 est venue rappeler à ceux qui semblent l’oublier l’urgence du recours à des services financiers dématérialisés pour préserver le fonctionnement des systèmes financiers et subvenir aux besoins des familles entières brutalement secouées en cette période de confinement. Et ce tout en les protégeant d’une éventuelle contamination du virus.
Au-delà des finances…
Le pays pourrait tirer profit de ces technologies dont l’impact ne se limite pas uniquement au finances, mais permet de trouver plus facilement des solutions à certains des problèmes sociaux des plus urgents. Dans certaines zones géographiques difficiles d’accès où le manque d’infrastructures est criant, les populations pourraient bénéficier d’un meilleur accès à l’éducation et à la santé.
Aussi, sera-t-il nécessaire, comme recommandé par le groupe Mazars dans une étude récente sur les perspectives des opérateurs télécoms, de développer les compétences numériques de toutes les franges de la population : non seulement les compétences de base pour que la majorité de la population puisse accéder à ces nouveaux services, mais aussi des compétences plus poussées, afin qu’une part significative de la technologie et du contenu puisse être créée localement.
Autre point important à développer davantage est celui afférent à l’éducation financière. Des programmes d’éducation financière sont nécessaires pour éviter que les nouveaux utilisateurs de services financiers ne soient victimes de surendettement ou de prêts abusifs, ce qui les placerait dans une situation encore plus défavorable. Lesdits programmes s’avèrent également cruciaux pour mieux orienter ces utilisateurs quant à la manière de comment et quand gérer l’épargne. Une épargne qui pourrait même par l’effet multiplicateur servir à financer l’investissement des couches les plus fragiles de la société. N’est-il pas souvent dit que la pauvreté s’arrête là où commence l’épargne. Il est même démontré sous d’autres cieux que là où les services financiers se développent, la croissance augmente, la pauvreté baisse et les inégalités sociales se réduisent.