Ecrit par Imane Bouhrara |
Un nouveau tournant dans la gestion de l’épineuse problématique du retard des délais de paiement au Maroc sera opéré en 2022, donnant corps aux décisions annoncées lors des précédentes réunions de l’Observatoire des Délais de paiement, particulièrement le dispositif de sanctions pécuniaires. L’avant projet de loi, modifiant et complétant la loi n°15-95 formant Code de Commerce et édictant des dispositions particulières relatives aux délais de paiement, soumis aux commentaires du public termine son parcours dans le SGG dans 10 jours et devra naturellement être mis sur les circuits de validation.
De grands changements sont attendus à partir de 2022 dans le traitement de la problématique du retard des délais de paiement qui pèse sur la vie des entreprises au Maroc, et qui risque de s’aggraver davantage avec les effets de la crise Covid.
Ainsi de nouvelles mesures devront voir le jour en cette année et qui ne concernent pas que l’Etat mais surtout les entreprises privées.
Pour rappel, les réunions de l’Observatoire des Délais de Paiement tenues le 7 février 2021 et le 15 février 2021, ont arrêté les principales dispositions qui seront mises en place en faveur de la maîtrise des délais de paiement et de l’amélioration du climat des affaires. Notamment la mise en dispositif de sanctions pécuniaires à l’encontre des entreprises présentant des délais au-delà des limites réglementaires dont le produit sera affecté à l’appui au financement de l’entrepreneuriat ou encore la réduction des délais non apparents.
Une grande nouveauté donc demandée par les opérateurs pour réduire les délais de paiement entre entreprises privées. Comme l’explique Amine Diouri, Directeur Etudes & Communication chez Inforisk, la différence avec le principe des pénalités de retard est que le projet de loi implique une tierce partie dans la relation commerciale entre deux entreprises : l’Etat à travers la DGI.
« Les entreprises clientes devront auto déclarer chaque année toutes les factures avec justificatifs dont les factures ayant dépassé le délai légal de paiement », explique-t-il en insistant que le fait de l’application de la pénalité par l’Etat, le projet de loi instaure également une sanction pour le défaut ou le retard du dépôt de déclaration.
La nouvelle disposition contenue dans le projet de loi prévoit donc d’instaurer une amende pécuniaire due au profit de la Trésorerie générale fixée à 3 % pour le premier mois de retard de paiement augmentée de 1% par mois ou fraction de mois de retard supplémentaire applicable au montant des factures libellées en DH dont le montant hors TVA est supérieur à 10.000 DH non payés dans les délais réglementaires ou payés hors délai.
Même si le système actuel régis par la loi n°32-10 fixant les délais de paiement, les entreprises fournisseurs n’appliquent pas de pénalités aux entreprises clientes principalement en raison des différences de taille des entreprises elles-mêmes (Exemple d’une PME face à un grand groupe client) et pour préserver la relation commerciale, soutient Amine Diouri.
Et d’ajouter que l’important du dispositif de sanction pécuniaire pour les entreprises qui ne déclarent pas l’état de leurs états de paiement ou qui tardent à payer les pénalités à la TGR. En effet, le projet de loi prévoit une sanction allant de 20.000 DH lorsque le CA hors TVA est supérieur à 2 MDH et inférieur ou égal à 10 MDH jusqu’à un 1MDH lorsque le CA est supérieur à 500 MDH.
Parmi les autres principales dispositions contenues dans le projet de loi est de fixer le délai de paiement des sommes dues à compter de la date d’émission de la facture au lieu de la date d’exécution de la prestation.
Aussi, cette nouvelle loi, si le calendrier prévu est respecté, sera-t-elle assortie d’une période transitoire de deux ans à compter du 1er janvier 2022, avec un délai de paiement de 120 jours.
Ce délai est porté à 180 jours pour les secteurs présentant des spécificités particulières dans le cadre d’accords professionnels à signer avant fin 2023.
A noter que l’article 4 du projet de loi dispose « Les dispositions de la présente loi s’appliquent à compter du 1er janvier 2022. Toutefois, les dispositions de la présente loi s’appliquent à compter du 1er janvier 2023 aux entreprises ayant réalisé un chiffre d’affaires annuel, hors TVA, inférieur ou égal à 10 millions de DH, à titre de l’exercice ouvert à partir du 1er janvier ».
A préciser également que les personnes physiques et morales réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur ou égal à 2 MDH hors taxe sur la valeur ajoutée sont exclues du champ d’application de ce projet de loi.
La mouture du texte de loi soumise aux commentaires du public achève dans moins de 10 jours son parcours au Secrétariat général du gouvernement (SGG) et devra incessamment être mise sur les circuits de validation.
La question qui demeure est comment en plus de ses prérogatives, la DGI pourra effectuer la véracité des déclarations faites par les entreprises réalisant plus de 2 MDH de CA hors TVA ? Une cible qu’Amine Diouri évalue à une dizaine de milliers d’entreprises au Maroc.
Il rappelle dans ce sillage qu’avant même de mettre sur les rails ce projet de loi, Inforisk avait pris les devants en mettant en place le Programme Inforisk Dun Trade, un dispositif déclaratif qui permet de collecter les données sur les expériences de paiement du côté des entreprises clientes vis-à-vis de leurs fournisseurs. La Data est ensuite analysée et agrégée par la centrale des retards de paiement.
Pour Amine Diouri, cette Data revêt une extrême importance dans la mesure où l’Etat peut s’appuyer sur ce dispositif pour recouper les infirmations fournisseurs et clients et s’assurer de la véracité des déclarations de la situation des paiements des entreprises dans le périmètre du projet de loi.
Ce sont autant d’éléments qui devront également figurer au menu de la prochaine réunion de l’Observatoire des délais de paiement en plus d’analyser la situation à partir des nouvelles données.
« Il faut rappeler que la moyenne des délais de paiement est établie sur la base des bilans des entreprises, mais selon les enquêtes que nous réalisons à Inforisk, en 2021, les délais se rallongent de + de 30 à 40 jours », souligne Amine Diouri.
Raison de plus pour que le projet de loi, élaboré dans une approche participative, puisse rapidement êtr mis en œuvre pour en finir avec une mauvaise pratique qui plombe le dynamisme économique du pays.