Depuis quelques jours la question de la suspension de la dépense publique que le gouvernement s’apprête à adopter divise. Hassan El Arafi, professeur en Finances publiques à la FSJES-Mohammed V Rabat dévoile les tenants et aboutissants de cette décision qui prend en haleine toute la communauté économique et financière.
EcoActu.ma : La question de l’austérité budgétaire se traduisant par la suspension de la commande publique divise. Quelle appréciation en faites-vous ? Dans quelle mesure, elle pourrait impacter l’économie marocaine ?
Hassan El Arafi : D’abord sur le plan juridique, l’éventualité de surseoir certaines dépenses d’investissement est déjà prévue par l’article 62 de la LOLF n°130-13 et l’article 12 du décret n° 2-15-426 du 15 juillet 2015 relatif à l’élaboration et à l’exécution des lois de finances.
Par ailleurs, le texte est muet quant à l’éventualité de surseoir les dépenses de fonctionnement ou dépenses des comptes spéciaux du Trésor. Mais ce faisant, le Gouvernement est censé en informer préalablement les commissions parlementaires chargées des finances.
En fait, la plupart des dépenses de fonctionnement ont un caractère non discrétionnaire (dotations des pouvoirs publics, dépenses de personnel et du matériel de fonctionnement, dépenses de la dette viagère, dépenses relatives aux remboursements dégrèvements et restitutions fiscaux …) qu’il serait moins pertinent de surseoir.
Sur le plan économique et financier, il paraît visiblement que les engagements gouvernementaux auront du mal à résister aux effets du Covid-19. La régression des recettes fiscales et l’ascension des besoins collectifs vont impacter l’équilibre financier, dont l’article 77 de la Constitution prévoit sa préservation.
Certes, le Gouvernement ne commettrait pas l’irréparable. Les gouvernements précédents, par souci de maintenir les équilibres macro-économiques, avaient entrepris pareillement (ex. coupe budgétaire de 15 Mds de DH du Gouvernement Benkirane en 2013).
Suivant quelle approche faut-il alors procéder ?
Justement faut-il :
- Appliquer l’amputation budgétaire d’une manière linéaire sur les 78 Mds de DH prévus par la LF 2020, à telle enseigne que chaque département est convié à sacrifier certains programmes en attendant un jour meilleur ;
- Procéder à des redéploiements budgétaires entre départements ;
- Exclure certains départements selon les priorités (ex. la santé).
Par voie de conséquence, le volume de la commande publique sera affecté. Mais, Il n’y a pas d’alternative crédible à un redressement rapide et durable de nos finances publiques. D’abord parce que nos marges d’accroissement des prélèvements sont faibles, sauf à détériorer davantage notre compétitivité et à décourager l’activité. Ensuite parce que les expériences du benchmarking suggèrent que les baisses de dépenses sont plus efficaces que les hausses de prélèvements. Enfin, parce que le niveau actuel des dépenses est devenu insoutenable.
Plusieurs mesures sur le plan économique ont été prises par le gouvernement pour amorcer cette crise. Quelles sont à votre avis les priorités sur lesquelles l’action devrait être mise pour la phase post-crise ?
La sortie de la période du confinement, en soi, posera certainement des choix difficiles. Ce qui exigera, entre autres, une politique budgétaire de rigueur plutôt austère. C’est pourquoi, il faut réfléchir en profondeur sur les voies de l’efficacité de la dépense publique. C’est cela le vrai débat. On peut continuer à dépenser mais maladroitement. Autrement-dit, « dépenser plus n’est pas forcément dépenser mieux ».
Au demeurant, les décisions visant à réduire les dépenses publiques, si elles sont incontournables, ne peuvent tout régler. Pour que notre pays retrouve le sentier de la croissance, d’autres grandes réformes sont nécessaires : elles touchent la productivité de nos investissements, la rentabilité de nos actions,l’accès des investissements au financement, la transparence et la performance de l’action publique, l’attractivité de notre pays pour les IDE etc.. Autant de mesures qui devraient permettre une refonte du fonctionnement de notre économie autour du nouveau modèle économique attendu .
2 Commentaires
Une analyse très pertinente surtout que le Maroc n’a pas de liberté de gestion surtout en matière des dépenses puisque la plupart des dépenses sont des dépenses obligatoires et on pourrait jamais les diminuer en aucun cas … Et par conséquence la politique d’austérité est la meilleure politique que le Maroc pourra suivre après cette période de confinement . On vous remercie notre professeur encore une fois.
Le prof n a pas parle d austerite pour sotir fe la crise. La depense publique est une constante non derivable pour sa grande partie. Le peu de budget qui reste est loin d etre suffisant pour relancer l activite economique. L equilibre macro economique n est plus a l ordre. Il faut accepter un deficit budgetaire plus important sur une duree raisonnable le temps de recolter les fruits des investissements.
Un nouveau PAS doit etre exclu. A bas donc l equilibre financier vive le deficit.Le Portugal est sortie de la crise non pas par le resserement des depenses publiques exige par la BCE avec limitation deficit a un certain niveau mais en fixant lui meme le niveau du deficit.
Le tout est de distinguer l urgence de la priorite.