Pire que la crise économique de 2008, l’épidémie du Covid-19 entraîne des effets désastreux sur l’activité économique, en menaçant des écosystèmes en entier. L’industrie de la construction, particulièrement l’immobilier, déjà en proie à des difficultés se trouve ainsi frappée de plein fouet. D’où l’importance d’un plan d’urgence avant que le secteur n’atteigne le point de non retour. Détails de ce que propose l’Alliance des économistes istiqlaliens.
Voilà bientôt deux mois que l’économie nationale est ballotée sous l’effet du Covid-19 qui a engendré un état d’urgence sanitaire mettant au ralenti voire à l’arrêt certaines activités économiques.
L’effet dévastateur de la pandémie s’est rapidement fait sentir sur le tissu économique, vu le nombre des entreprises qui se sont déclarées en arrêt temporaire auprès de la CNSS et les salariés inscrits pour l’indemnité forfaitaire.
Pour sa part, le HCP ne cesse de réviser à la baisse les perspectives économiques du pays. Et parmi les secteurs les plus touchés figure l’industrie de construction particulièrement l’immobilier, secteur déjà en difficulté, qui a été mis sous la loupe de l’Alliance des économistes istiqlaliens (AEI).
Des actions d’urgence
L’intérêt accordé par l’Alliance des économistes istiqlaliens au secteur de l’industrie de la construction (BTP et promotion immobilière) émane du fait que ce secteur contribue pour plus de 14% du PIB, emploie plus d’un million de personnes et concentre près de 30% des engagements bancaires.
Déjà fragilisé, le secteur a subi de plein fouet l’épidémie du Covid puisque 90% des chantiers sont à l’arrêt avec un risque certain sur tout l’écosystème.
Face à l’urgence de réagir avant que le secteur n’atteigne le point de non retour, l’AEI appelle le Gouvernement à adopter des mesures d’urgence pour sauvegarder le secteur de l’immobilier.
Le plan proposé par l’AEI et qui s’étale jusqu’à fin 2021 s’articule sur trois principaux axes. Dont en premier lieu des mesures urgentes en faveur des acquéreurs notamment en incitant les promoteurs immobiliers et les opérateurs du secteur à concéder volontairement des baisses sur les prix de vente des logements d’au moins 10% et notamment sur le logement social et le logement pour la classe moyenne et ce jusqu’à fin 2021.
L’AEI demande également aux promoteurs immobiliers et aux opérateurs du secteur de préserver les emplois et de recourir aux matériaux de construction locaux.
Le plan d’action de l’Alliance propose le lancement au niveau de l’Etat des mesures incitatives transitoires jusqu’à fin 2021.
Il s’agit particulièrement de réduire de 50% les taxes d’enregistrement et de conservation foncière pour les primo-accédants mais également de suspendre au niveau de la DGI l’application du référentiel des prix au vu de la baisse attendue des prix pendant la période retenue.
Il est également recommandé d’exonérer la TVA sur les intérêts bancaires des crédits logements destinés aux acquéreurs de logements sociaux.
Les banques pour leur part, doivent s’engager à promouvoir le financements des acquéreurs, en appliquant pour les primo-accédants un taux préférentiel (-50 points de base par rapport aux taux appliqués à la clientèle) sans frais de dossier ; et en adoptant plus de souplesse et célérité dans le traitement des dossiers de financement des acquéreurs notamment au niveau de la quotité de financement.
L’AEI appelle toutes les Banques à s’investir davantage dans le financement du logement social et notamment le Fogarim (quotas).
Quelle relance pour l’écosystème de la construction ?
Le deuxième volet est relatif à la relance de l’activité. Dans ce sens, l’AEI souligne la priorité d’assurer la sécurité sanitaire au sein des chantiers de construction, notamment avec la mise en place d’un « guide des bonnes pratiques » émanant des professionnels qui définit les modes opératoires précis du retour des entreprises du BTP sur les chantiers après période de confinement en assurant la sécurité sanitaire de tous les travailleurs au sein du chantier.
Et comme la relance ne doit pas se faire au détriment de la sécurité des travailleurs, l’AEI insiste sur l’importance de mettre en place au sein des chantiers de construction un « cahier de sécurité sanitaire » (émanant des professionnels de la construction et de la santé) seul document opposable qui doit être tenu sous la responsabilité de la maîtrise d’œuvre et qui est destiné à veiller au respect des règles d’hygiène et de santé au sein du chantier.
En ces temps de crise sanitaire où il faut réduire au maximum, il est préconisé de fluidifier toutes les procédures administratives à même de relancer la production, comme la généralisation des procédures dématérialisées des services de l’administration publique en relation avec l’investisseur.
L’AEI propose également la mise en place au niveau central au sein du MHUPV un outil de recours (commission, service dédié, site ou plateforme…) qui traite dans des délais précis des réclamations et requêtes des opérateurs du secteur, relatives aux procédures et autorisations administratives rejetées, bloquées ou accusant un retard anormal dans les délais de traitement. Cet outil doit être accessible à tous les opérateurs pour suivre l’évolution de leurs requêtes.
La trésorerie, le nerf de la guerre
Il est difficilement envisageable de relancer un secteur dans les conditions actuelles sans améliorer la trésorerie des entreprises et en allégeant leur endettement.
Dans ce sillage, l’Alliance des économistes istiqlaliens appelle à l’activation de la mise en place des crédits « Damane Oxygène » pour améliorer la trésorerie des entreprises de construction et de promotion immobilière avec une procédure fast track pour les petites d’entre elles qui sont au bord de l’asphyxie financière et une prise en compte des spécificités du secteur.
Le plan de relance de l’AEI pour le secteur préconise par ailleurs de réduire l’endettement des entreprises de construction et de promotion immobilière qui sont en difficulté par le recours pour les petites d’entre elles à la procédure de dations en paiement (à réactiver par BAM pour cette période exceptionnelle) et la vente à réméré pour les autres.
Cette amélioration passe également selon l’AEI par la relance du processus des assurances-crédits pour ne pas freiner les opérations inter-opérateurs du secteur (fournisseurs-entreprises de construction). L’alliance en appelle également à l’accélération du déblocage de la TVA sur les logements sociaux pour soulager la trésorerie des promoteurs immobiliers et à l’incitation des maîtres d’ouvrage à fluidifier les circuits de paiement en réduisant au minimum les délais de paiement, en donnant éventuellement des avances sur factures pour les décomptes en cours de validation et en libérant les cautions.
Bien évidemment, il n’échappe pas à l’alliance d’appeler au renforçant de la commande publique dans le secteur par l’Etat et en mettant en avant la préférence nationale tout en consacrant une part non négligeable de cette commande publique aux TPE. Cela passe par le démarrage immédiat des projets déjà autorisés pour les opérateurs publics du secteur et mis par le Gouvernement en stand-by.
Il va de soi que ces mesures doivent concerner les métiers satellites à cet écosystème notamment le notariat. Dans ce sens, il est proposé entre autres mesures, l’adoption de concert avec la Conservation Foncière de dispositions transitoires (la non exigence du dépôt physique de l’acte auprès de la CF et la dématérialisation de l’attestation justifiant le paiement des impôts et taxes grevant l’immeuble avec accusé de réception électronique opposable).
L’accélération de la dématérialisation de l’acte notarié dans ces conditions n’est plus un luxe mais une nécessité.
Le logement social et économique pour relancer la machine
Le plan d’urgence de l’Alliance des économistes istiqlaliens consacre tout un axe aux mesures spécifiques au logement économique et social.
Parmi ces mesures, nous citons le prolongement de 12 mois les conventions de réalisation de 500 unités de logement social qui arrivent à expiration en 2020.
L’Etat est incité à donner la possibilité aux promoteurs immobiliers (surtout les petits) ayant signé la convention pour le logement social et qui n’ont pas encore obtenu les autorisations nécessaires de pouvoir renoncer à cette convention.
Il est également souligner l’urgence de prolonger de six mois le délai règlementaire initial de dépôt de l’autorisation de construire à respecter après la signature de la convention de logements sociaux.
L’Alliance reconnaît que le secteur de l’immobilier vit une situation bien compliquée depuis plusieurs années, le Covid-19 n’ayant fait qu’accentuer la morosité du secteur. Ceci dit « Les mesures d’urgence ainsi proposées vont permettre de minimiser les dégâts au sein d’un secteur qui rappelons-le emploie plus d’un million de personnes. Le secteur a besoin en urgence de visibilité pour se projeter et redevenir un des moteurs de la croissance économique et de la création des emplois », conclut l’AEI.