Le Conseil national des droits de l’homme et ses Commissions régionales ainsi que les trois mécanismes nationaux ont reçu en 2022 un total de 3245 plaintes et requêtes, dont 1895 ont été traitées par les CRDH, 70 par le Mécanisme de national de recours pour les enfants victimes de violation de leurs droits, et 47 par le Mécanisme national de protection des droits des personnes en situation de handicap.
Le nombre de plaintes et requêtes reçues en 2022 correspond à une augmentation de 7,52 % par rapport à l’année 2021. Suite à l’analyse de ces plaintes et requêtes, il ressort que les établissements pénitentiaires continuent de faire l’objet de plaintes.
Néanmoins, le nombre croissant de plaintes liées aux droits économiques et sociaux peut être considéré comme un indicateur de l’ampleur des défis auxquels les citoyens sont confrontés en matière d’accès à ces droits.
En matière de plaintes, le Rapport 2022 du CNDH relève également un recours croissant aux Commissions régionales du CNDH, ce qui confirme leur rôle fondamental de protection au niveau local et leur importance en tant que mécanismes de monitoring de proximité.
Le Conseil note encore une fois et avec préoccupation, l’irrégularité des réponses officielles aux plaintes transmises par le CNDH dans le cadre de ses prérogatives. Ces réponses restent en effet le plus souvent d’ordre général et de caractère disculpant.
Le CNDH constate également, dans de nombreux cas, le non-respect à cet égard des délais légaux stipulés dans la loi 76.15 relative à la réorganisation du CNDH, qui sont de 90 jours pour les cas ordinaires et de 60 jours en cas d’urgence.
Politiques publiques : l’urgence de mettre en place monitoring et évaluation (M&E)
« Ce rapport sur la situation des droits de l’homme au Maroc en 2022 détaille certaines de ces défaillances. Sans doute l’une des plus importantes conclusions qu’il émet, se rapporte à la nécessité d’un monitoring et d’une évaluation réguliers des politiques publiques. Bien que la tendance commence à s’inverser, l’absence d’objectif clairs et chiffrés des politiques publiques, que ce soit en termes de délai ou en termes d’outcome, rend leur monitoring et évaluation (M&E) difficile », explique la présidente du CNDH.
En sus, l’absence de mécanismes dédiés au suivi des politiques publiques au niveau des différents départements et l’absence de contrôle systématique et exhaustif de la part du Parlement compliquent l’examen du rendement des politiques publiques
sur le plan pratique et réduisent l’espace de coordination interdépartementale, déjà limité par l’absence de mécanisme spécifique. Car il n’existe point de bonne gouvernance sans un état des lieux régulier, exhaustif et global des politiques publiques, et ce, dans le cadre d’une démarche participative incluant une vaste panoplie d’intervenants, notamment les acteurs locaux, relève-t-elle.
Le travail effectué par le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) aussi bien par la publication de son rapport annuel que thématique, quoique pertinent et nécessaire, ne peut éclairer, que de manière ponctuelle certains aspects limités, en fonction de ses prérogatives, mais il ne peut aucunement se substituer à un M&E systématique des politiques publiques, véritable logiciel de traduction des Droits écrits en Droit Effectifs, palpables et exerçables par les citoyens, soutient la présidente du CNDH.
Le suivi de la situation des droits de l’Homme au Maroc, assuré par le CNDH et ses Commissions régionales, permet de faire le constat d’une récurrence des plaintes liées essentiellement aux droits économiques et sociaux.
En effet, l’analyse de l’évolution de ces plaines, vues sous l’angle de leurs nombre et objets, fait ressortir une forte concentration sur des droits qui font l’objet de plusieurs actions et projets de réforme des politiques publiques, comme le droit à la santé et à l’éducation.
Cet état de fait s’expliquerait, entre autres, par les multiples dysfonctionnements qui pèsent sur la capacité de ces politiques publiques à développer des réponses adaptées aux cotextes et situations qui donnent lieu aux griefs et doléances, objets de ces plaintes.
A cet effet, le Conseil estime que la conjoncture générale actuelle, marquée par une crise multidimensionnelle (Covid 19, changements climatiques, stress hydrique, inflation… etc.) offre une opportunité inédite pour opérer un véritable changement de paradigme en matière de méthodologie d’élaboration et de mise en œuvre des politiques publiques dans notre pays.
Dans cette optique, le Conseil propose d’adopter l’approche reflexive thinking dans l’évaluation des politiques publiques. Cette démarche consiste à faire de la réflexion sur les dysfonctionnements et défaillances qui seraient à l’origine de l’échec
des politiques publiques dans les domaines de l’enseignement, de la santé, pour ne citer que ces deux exemples, un cadre et de réajustement, de réforme de ces secteurs.