Ecrit par S.Es-Siari |
Au Maroc, 87% des mesures dérogatoires ont été adoptées antérieurement à 2016 et sont reconductibles chaque année. La grande majorité des exonérations fiscales ont donc atteint un stade de maturité permettant l’évaluation de leur efficacité.
Au-delà du manque à gagner !
A l’occasion de chaque débat, la question relative à la fiscalité au Maroc occupe le devant de la scène. Une place de choix lui a été consacrée dans le nouveau modèle de développement. Tant qu’elle est injuste, inéquitable… la fiscalité ne peut servir le développement et jouer le rôle qui est le sien dans la politique économique.
Dans son dernier rapport intitulé : » les exonérations fiscales, le grand manque à gagner », Oxfam a rappelé un point très important à savoir la nécessité de l’évaluation des exonérations économiques et leur impact sur la croissance économique. Ces exonérations ont totalisé en moyenne près de 29,7 Mds de DH entre 2006 et 2020. « Il est toutefois important de préciser que ces montants correspondent aux mesures évaluées et non à la totalité des mesures recensées », fait savoir Oxfam.
La crise sanitaire qui s’est abattue sur le Maroc a mis en évidence la vulnérabilité de nos finances publiques et la nécessité d’optimiser l’utilisation des ressources budgétaires. Repenser la fiscalité est aujourd’hui urgent.
Pour faire face à ses besoins et soutenir aussi bien l’offre que la demande, l’Etat a appuyé sur la pédale de l’endettement. La comparaison entre la part des exonérations fiscales et le déficit budgétaire lance la réflexion sur comment remédier à ce manque à gagner relatif aux exonérations fiscales.
Pour trouver des éléments de réponse, Oxfam décrypte la méthodologie d’estimation et de reconduction des exonérations fiscales telle qu’elle est menée au Maroc.
Quid des approches adoptées ?
La méthode d’estimation des exonérations fiscales adoptée au Maroc consiste selon Oxfam en un procédé basé sur 2 approches : une approche sectorielle qui consiste en l’évaluation des écarts en termes de recettes fiscales entre les régimes dérogatoires et le régime d’imposition par secteur ; une approche par impôt qui consiste en un calcul desdits écarts par rapport à l’architecture propre à chaque impôt en termes de taux et de base imposable.
Ces deux approches permettent d’obtenir l’estimation du coût des exonérations fiscales par secteurs (immobilier, agriculture, exportation, enseignement… ) et par impôts (TVA, IS, IR…).
La méthode choisie étant celle de la « perte initiale en recette ». D’après Oxfam, cette technique consiste en un chiffrage expost de la perte en termes des recettes fiscales en supposant que l’incitation n’a eu aucun impact sur le comportement des bénéficiaires. En d’autres termes, il s’agit d’estimer l’écart par rapport à la norme ou au système de référence afin d’estimer le montant des recettes perdues sous l’hypothèse que toute chose reste égale par ailleurs.
Cela remet en cause la raison même des exonérations fiscales supposées booster l’activité en question et générer des recettes. Cette méthode d’estimation pousse à croire qu’en réalité, les chiffres des dépenses fiscales sont sous-estimés. « En effet, il est plus vraisemblable (ne serait-ce que sur le plan théorique) que ces exonérations poussent les investisseurs privés à maximiser leurs « profits » en anticipant par exemple des actes économiques subventionnés », explique la même source.
Donc le Maroc ne peut se limiter à évaluer le manque à gagner d’une exonération ou d’une dépense fiscale, mais d’étudier en profondeur son impact sur le tissu économique en matière de création de valeur ajoutée et de richesses. C’est à partir d’un tel diagnostic qu’il sera décidé ou pas de reconduire une mesure ou de mettre un terme.
D’après Oxfam, 87% des mesures dérogatoires ont été adoptées antérieurement à 2016 et sont reconductibles chaque année. Ces mesures reconduites représentent en termes de coût plus de 94% des exonérations fiscales constatées en 2020. La grande majorité des exonérations fiscales ont donc atteint un stade de maturité permettant l’évaluation de leur efficacité.
Il ressort même que vu leur reconduction automatique, certaines exonérations fiscales finissent par devenir des normes.