Malgré une crise sanitaire qui a obligé tout le monde à recourir au digital et aux services à distance, le dispositif de la formation continue des employés ne s’y est pas adapté. L’OFFPT ne remboursera pas les formations à distance puisque cela ne figure pas dans le manuel des procédures. Ce qui ne fait qu’handicaper un dispositif dèjà très mal exploité.
Bien que ce soit un droit des salariés garanti par la loi pour les entreprises qui sont en situation régulière avec la CNSS paient, très peu y recourent. Il s’agit de la formation continue qui est un dispositif rarement utilisé par les chefs d’entreprises. Les chiffres sont dérisoires.
Et pourtant les employés ont le droit à la formation continue qui est financée à partir de leurs cotisations via la taxe de formation professionnelle qui est versée par la CNSS à l’OFPPT. 30% de cette taxe sont consacrés au remboursement de la formation continue.
Récemment les ministères de l’Education Nationale, de la Formation Professionnelle et celui de l’Économie ont pris des mesures, qu’ils ont qualifiées d’exceptionnelles, en faveur des entreprises marocaines quant aux délais régissant les demandes de financement et de réalisation des actions de formation planifiées au titre de l’année 2020.
Il s’agit de la prolongation des délais du dépôt des demandes de financement des actions planifiées au 31/10/2020 au lieu du 30/06/2020 et le report du délai de réalisation des actions de formation planifiées au 31/03/2021 au lieu du 31/12/2020.
Or ces mesures ne sont pas en réalité exceptionnelles comme le prétend le ministre de tutelle dans un communiqué. C’est ce qu’affirme une source proche du dossier qui précise que ce type de report et de prolongation serait monnaie courante dans la gestion de ce dispositif. Rien d’exceptionnel d’après notre source. Et portant, ce qui devait faire l’objet de mesures exceptionnelles en cette période de crise c’est l’encouragement des formations en ligne.
Coronavirus oblige, la formation continue en présentiel n’a pas été possible durant la période du confinement mais aussi après la levée des mesures restrictives. En effet, nous avons appris que les formations réalisées en ligne en raison des contraintes du Covid ne feront même pas l’objet de remboursement. C’est la douche froide pour les entreprises qui ont opté pour investir dans la formation continue durant la période du confinement.
Et pourtant, cette période, marquée par une baisse d’activité où bon nombre d’employés sont en chômage forcé, devrait être une occasion pour encourager l’acquisition ou l’amélioration des compétences professionnelles des employés.
Il est vrai qu’aucune allusion n’est faite au sujet de la formation continue en ligne dans le manuel des procédures relatif aux contrats pour la réalisation des programmes spéciaux de formation (CSF), mais vu la conjoncture il aurait fallu adapter le manuel. Une adaptation qui ne serait pas complexe d’après notre source.
Il est clair que l’intégration de la formation continue en ligne dans le processus de remboursement surtout dans un contexte sanitaire qui n’est pas encore clair requiert une réelle volonté des pouvoirs publics. Face à une situation épidémiologique qui ne s’améliore toujours pas, les mesures de report et de prolongation prises par la tutelle pourraient, en fin de compte, ne servir à rien.
La question est de savoir : qu’est-ce qui bloque exactement ? Il semble que le contrôle des formations en ligne serait à l’origine de ce blocage. Ce que réfute notre source qui précise qu’en temps normal, les contrôles se font sur un échantillonnage de façon inopinée. Or le contrôle des formations en ligne serait beaucoup plus facile et moins contraignant pour les contrôleurs.
« En cas de formation continue en ligne, le contrôleur peut effectuer à n’importe quel moment le contrôle. D’autant plus il dispose de l’enregistrement de la formation à consulter pour vérifier si la prestation a été réalisée », nous a-t-on précisés.
La question du contrôle ne devrait donc pas constituer un frein pour favoriser ce type de formation notamment en cette période de crise où plusieurs entreprises ont dû s’adapter au contexte actuel (télétravail, réunion en visioconférence…).
Pas de formation, pas de consommation du budget
En raison de la pandémie, les entreprises ayant établi le programme des formations continues au profit de leurs employés, ont dû le mettre en stand-by en attendant d’y voir plus clair.
La décision de reporter le délai de réalisation des actions de formation planifiées au 31/03/2021 au lieu du 31/12/2020 signifie que le budget de 2020 ne sera consommé qu’en 2021. En d’autres termes, il y aura un an de décalage du budget consacré à la formation continue.
Mais là encore, il faut savoir que très peu de sociétés particulièrement les TPE et PME, par ignorance, par paresse ou par manque de moyens humains pour entamer la procédure, recourent à ce dispositif de formation qui permet pourtant la mise à niveau et le renforcement des compétences des salariés. Pour donner un ordre de grandeur, le nombre moyen de dossiers traités entre 2015 et 2018 est de 1.500. Seulement 30% du budget alloué pour cette période de 166 MDH (en moyenne sur 3 ans) a été consommé.
On apprend de notre source que ceux qui profitent de ce système sont les cabinets qui y voient une opportunité à saisir. « Au lieu d’encourager les entreprises à la formation et la mise à niveau des employés, ce système encourage à la création d’une économie parallèle qui profite des failles du système », déplore notre source.
En d’autres termes, il y a business juteux qui profite à certains cabinets qui ont décelé le potentiel derrière ce dispositif.
Quid du volet réglementaire ?
La loi n°60-17 relative à l’organisation de la formation continue au profit des salariés du secteur privé, de certaines catégories de personnels des établissements et entreprises publics a, bel est bien été publiée le 2-5-2019. Cette loi permettrait de mieux cadrer ce dispositif et répondre aux doléances de la CGEM qui reprochait à l’OFFPT d’être juge et partie à la fois dans la mesure que lui-même procure des formations continues.
Aujourd’hui, c’est une structure indépendante de l’Office qui sera en charge du système. Or depuis l’adoption de la loi, rien n’est fait. Les textes d’application n’ont pas encore été adoptés, ce qui retarde la mise en application du texte de loi.
Nous avons appris que l’OFPPT sachant qu’il sera désengagé de cette mission n’y investit plus dans le dispositif de contrat spéciaux de formation ni dans la digitalisation du système.